Opinion of Advocate General Kokott delivered on 25 January 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:43
Docket NumberC-96/17
Celex Number62017CC0096
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date25 January 2018
62017CC0096

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 25 janvier 2018 ( 1 )

Affaire C‑96/17

Gardenia Vernaza Ayovi

contre

Consorci Sanitari de Terrassa

[demande de décision préjudicielle formée par le Juzgado de lo Social no 2 de Terrassa (tribunal du travail no 2 de Terrassa, Espagne)]

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Travail à durée déterminée – Directive 1999/70/CE – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée – Principe de non-discrimination des travailleurs à durée déterminée – Notion de “conditions de travail” – Droit du travailleur à une réintégration dans ses fonctions en cas de licenciement disciplinaire illégal – Contrat de travail à durée déterminée sous forme de contrat de travail de interinidad – Contrat de travail dans le secteur public – Inégalité de traitement par rapport à des travailleurs permanents – Contrat de travail à durée indéterminée non permanent au sens du droit espagnol »

I. Introduction

1.

Est-il discriminatoire qu’un travailleur à durée déterminée du secteur public n’ait pas droit à une réintégration dans ses fonctions en cas de licenciement illégal, alors qu’un tel droit est garanti à un agent public travailleur permanent ?

2.

Telle est en substance la question que la Cour devra examiner en l’espèce. Une fois de plus, cela place au premier plan les droits des travailleurs à durée déterminée en Espagne, et ce dans le contexte d’une variante particulière de l’emploi à temps partiel, le contrat de travail de interinidad ( 2 ) dans le secteur public, avec transformation ultérieure en « contrat à durée indéterminé non permanent ».

3.

Concrètement, il s’agit du cas d’une infirmière espagnole, Mme Gardenia Yolanda Vernaza Ayovi, licenciée pour des motifs disciplinaires, qui se bat désormais devant les juridictions nationales afin d’être réintégrée dans ses fonctions à l’hôpital. Le litige porte sur le point de savoir si Mme Vernaza Ayovi pourrait faire valoir un droit à une réintégration dans ses fonctions de la même manière qu’un agent public travailleur permanent si son licenciement devait se révéler illégal. Pour apprécier cette situation, il convient de prendre en compte notamment les spécificités de l’emploi dans la fonction publique.

4.

La présente affaire s’insère dans une série de procédures préjudicielles concernant le principe de non-discrimination des travailleurs à durée déterminée, dont plusieurs ont pour objet les problèmes juridiques liés au contrat de travail de interinidad espagnol, alors que d’autres portent sur d’autres types de contrats de travail à durée déterminée espagnols ( 3 ).

5.

L’arrêt de la Cour dans la présente affaire peut ajouter une pierre à l’édifice de la jurisprudence relative à la protection des travailleurs à durée déterminée contre les abus et les discriminations, qui est depuis quelque temps une préoccupation sociale de l’Union européenne.

II. Le cadre juridique

A. Droit de l’Union

6.

La réglementation de l’Union applicable en l’espèce est la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée ( 4 ). Comme l’indique son article 1er, cette directive vise à mettre en œuvre l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, figurant en annexe de celle-ci, conclu le 18 mars 1999 entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP).

7.

Globalement, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée vise à énoncer « les principes généraux et prescriptions minimales relatifs aux contrats et aux relations de travail à durée déterminée » et ainsi, notamment, à « améliorer la qualité du travail à durée déterminée en garantissant l’application du principe de non-discrimination» ( 5 ). Il illustre la volonté des partenaires sociaux d’« établir un cadre général pour assurer l’égalité de traitement pour les travailleurs à durée déterminée en les protégeant contre la discrimination» ( 6 ).

8.

Certes, l’accord-cadre considère que « les contrats à durée indéterminée sont et resteront la forme générale de relations d’emploi entre employeurs et travailleurs» ( 7 ). Cependant, il reconnaît que les contrats de travail à durée déterminée « sont une caractéristique de l’emploi dans certains secteurs, occupations et activités qui peuvent convenir à la fois aux travailleurs et aux employeurs» ( 8 ). Il représente « une nouvelle contribution vers un meilleur équilibre entre “la flexibilité du temps de travail et la sécurité des travailleurs”» ( 9 ).

9.

La clause 1 de l’accord-cadre en définit l’objet comme suit :

« Le présent accord-cadre a pour objet :

a)

d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination ;

b)

d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs. »

10.

Concernant le champ d’application de l’accord-cadre, sa clause 2, point 1, dispose :

« Le présent accord s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre. »

11.

La clause 3 de l’accord-cadre comporte les « définitions » suivantes :

« Aux termes du présent accord, on entend par :

1.

“travailleur à durée déterminée”, une personne ayant un contrat ou une relation de travail à durée déterminée conclu directement entre l’employeur et le travailleur où la fin du contrat ou de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un événement déterminé ;

2.

“travailleur à durée indéterminée comparable”, un travailleur ayant un contrat ou une relation de travail à durée indéterminée dans le même établissement, et ayant un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte des qualifications/compétences. Lorsqu’il n’existe aucun travailleur à temps plein comparable dans le même établissement, la comparaison s’effectue par référence à la convention collective applicable ou, en l’absence de convention collective applicable, conformément à la législation, aux conventions collectives ou pratiques nationales. »

12.

La clause 4, paragraphe 1, de l’accord-cadre, intitulée « Principe de non-discrimination », est libellée comme suit (extraits) :

« Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives. »

B. Droit national

13.

Les dispositions du droit espagnol pertinentes sont celles du statut de base de l’agent public ( 10 ), ainsi que celles du statut des travailleurs ( 11 ).

1. La catégorie des travailleurs à durée indéterminée mais non permanents

14.

En Espagne, les agents publics sont soit fonctionnaires soit employés du secteur public.

15.

Les employés du secteur public sont exercent leurs fonctions sur la base de contrats de travail et, aux fins de la présente affaire, il est possible de distinguer trois catégories :

agents contractuels travailleurs permanents recrutés à la suite d’une procédure de recrutement et disposant d’une garantie de l’emploi ;

agents contractuels qui exercent leurs fonctions, sans procédure de recrutement préalable, sur la base d’un « contrat de travail à durée indéterminée non permanent » ; et

agents contractuels travailleurs à durée déterminée.

16.

Selon la jurisprudence du Tribunal Supremo (Espagne) ( 12 ), sont considérés comme des agents contractuels à durée indéterminée mais non permanents au sens de la deuxième catégorie notamment les travailleurs embauchés abusivement sur la base de contrats de travail à durée déterminée. Toutefois, un contrat de travail de interinidad peut aussi donner naissance à une relation de travail à durée indéterminée non permanente.

2. Les conséquences juridiques d’un licenciement disciplinaire illégal

17.

Conformément à l’article 56, paragraphes 1 et 2, du statut des travailleurs, en cas de licenciement illégal d’un travailleur, l’employeur à la possibilité de choisir soit la réintégration du travailleur, en lui payant les salaires non perçus entre le licenciement et la déclaration judiciaire du caractère abusif du licenciement, soit le versement d’une indemnité correspondant à 33 jours de salaire par année de service avec une limite maximale de 24 mois de salaire.

18.

La disposition de l’article 56, paragraphes 1 et 2, du statut des travailleurs s’applique aussi bien aux travailleurs du secteur privé qu’à certaines catégories d’agents publics, à savoir, d’une part, aux agents publics ayant des contrats de travail à durée déterminée et, d’autre part, aux agents publics qui sont des travailleurs à durée indéterminée mais non permanents, c’est-à-dire à la deuxième et à la troisième des catégories présentées au point 15 des présentes conclusions.

19.

Par dérogation à cette disposition, l’article 96, paragraphe 2, du statut de base de l’agent public dispose que, lorsque l’ouverture d’une procédure disciplinaire pour faute très grave donne lieu à un licenciement qui est ensuite déclaré abusif, il y a lieu de réintégrer l’agent...

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