Commission of the European Communities v Portuguese Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:255
CourtCourt of Justice (European Union)
Date27 April 2006
Docket NumberC-239/04
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number62004CC0239

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme JULIANE Kokott

présentées le 27 avril 2006 (1)

Affaire C-239/04

Commission des Communautés européennes

contre

République portugaise

«Conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages – Zone de protection spéciale de ‘Castro Verde’ – Construction d’une autoroute – Incidences sur l’environnement – Alternatives»





I – Introduction

1. La Commission des Communautés européennes reproche à la République portugaise d’avoir violé l’article 6, paragraphe 4, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (2) (ci-après la «directive habitats») dans le cadre d’un projet d’autoroute entre Lisbonne et l’Algarve. Elle considère que l’autoroute aurait dû suivre un tracé différent au niveau de la zone de protection spéciale pour les oiseaux de Castro Verde.

II – Cadre juridique

2. Conformément à l’article 4 de la directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (3) (ci-après la «directive oiseaux»), les États membres classent certaines surfaces comme zones de protection spéciale pour les oiseaux (ci-après les «ZPS»). À l’origine, l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de cette directive régissait également la protection de ces zones.

3. L’article 7 de la directive habitats a modifié la réglementation relative à la protection des ZPS:

«Les obligations découlant de l’article 6, paragraphes 2, 3 et 4, de la présente directive se substituent aux obligations découlant de l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive 79/409/CEE en ce qui concerne les zones classées en vertu de l’article 4, paragraphe 1, ou reconnues d’une manière similaire en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de ladite directive à partir de la date de mise en application de la présente directive ou de la date de la classification ou de la reconnaissance par un État membre en vertu de la directive 79/409/CEE si cette dernière date est postérieure.»

4. Cette disposition est explicitée comme suit par le septième considérant de la directive habitats:

«[…] considérant que toutes les zones désignées, y compris celles qui sont classées ou qui seront classées dans le futur en tant que zones spéciales de protection en vertu de la directive 79/409/CEE […] devront s’intégrer dans le réseau écologique européen cohérent […]»

5. Les paragraphes 3 et 4 de l’article 6 de la directive habitats, qui sont applicables en l’espèce, disposent:

«3. Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Compte tenu des conclusions de l’évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public.

4. Si, en dépit de conclusions négatives de l’évaluation des incidences sur le site et en l’absence de solutions alternatives, un plan ou projet doit néanmoins être réalisé pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, l’État membre prend toute mesure compensatoire nécessaire pour assurer que la cohérence globale de Nature 2000 est protégée. L’État membre informe la Commission des mesures compensatoires adoptées.

[…]»

6. À cet égard, le dixième considérant de la directive habitats énonce:

«[…] considérant que tout plan ou programme susceptible d’affecter de manière significative les objectifs de conservation d’un site qui a été désigné ou qui le sera dans le futur doit être l’objet d’une évaluation appropriée […]»

III – Les faits, la procédure précontentieuse et les conclusions des parties

7. Selon les indications de la Commission, la ZPS de Castro Verde a été classée le 23 septembre 1999. Elle couvre une superficie de 79 066 hectares. Au moins 17 espèces d’oiseaux mentionnées dans l’annexe I de la directive oiseaux s’y trouvent régulièrement, notamment le faucon crécerellette (Falco naumanni), le busard cendré (Circus pygargus), la grande outarde (Otis tarda), l’outarde canepetière (Tetrax tetrax), l’oedicnème criard (Burhinus oedicnemus), le rollier d’Europe (Coracias garrulus), l’alouette calandre (Melanocorypha calandra) et l’alouette calandrelle (Calandrella brachydactyla).

8. Le tronçon d’autoroute litigieux entre Aljustrel au nord et Castro Verde au sud est relativement rectiligne sur un tracé de 9 à 10 kilomètres environ, au niveau de la limite ouest de la ZPS de Castro Verde. La plus grande partie de la ZPS, environ 77 000 hectares, se trouve à l’est de l’autoroute et une partie de la ZPS, environ 1 700 hectares, se trouve à l’ouest de l’autoroute, essentiellement sous la forme d’une bande de terre de 1 à 2 kilomètres de largeur s’étirant le long de celle-ci.

9. Cinq localités se trouvent à l’ouest de l’autoroute, au sein de la ZPS ou à la limite de celle-ci: Messejana, à l’extrémité nord-ouest de la bande de terre et Estaçaõ de Ourique à son extrémité sud-ouest; la localité voisine d’Aivados se trouve à environ 1,5 kilomètre à l’est et la localité de Conceição se trouve au milieu de la bande de terre; la localité d’Alcarias est située à environ 1,5 kilomètre à l’ouest de Conceição. L’autoroute passe à environ 700 mètres de Messejana, d’Alcarias et d’Aivados, les deux autres localités se trouvant plus à l’ouest. Une zone définie par le «Plano de Ordenamento da Albufeira do Monte da Rocha» (4) de 2003 qui se trouve autour d’un lac artificiel débute à environ 1,5 kilomètre au sud-ouest d’Estação de Ourique, en dehors de la ZPS. Cependant, le bassin hydrographique du lac artificiel est nettement plus étendu et est traversé par tous les tracés pris en considération.

10. Une évaluation des incidences sur l’environnement a été effectuée à partir de 1998 et présentée le 6 septembre 1999. Il en découle que le projet affecte de manière significative différentes espèces d’oiseaux présentes dans la ZPS.

11. Malgré tout, le projet a été autorisé le 19 janvier 2000. Les travaux de construction ont débuté peu après et le tronçon est en service depuis le 21 juillet 2001.

12. La Commission a mis le gouvernement portugais en demeure de présenter ses observations le 20 octobre 2000 et lui a adressé un avis motivé le 11 avril 2001.

13. À présent, la Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

1) constater que, en réalisant un projet d’autoroute dont le tracé traverse la zone de protection spéciale de Castro Verde, en dépit des conclusions négatives de l’évaluation des incidences sur le site et de l’existence de solutions alternatives pour le tracé précité, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 4, de la directive habitats;

2) condamner la République portugaise aux dépens.

14. La République portugaise conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

1) rejeter le recours;

2) condamner la Commission aux dépens.

IV – Appréciation

15. La Commission reproche à la République portugaise d’avoir violé l’article 6, paragraphe 4, de la directive habitats. Cette disposition n’était applicable qu’à partir de la date de désignation de la ZPS de Castro Verde, à savoir le 23 septembre 1999. Avant la désignation d’une zone qui doit être classée, c’est l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive oiseaux qui s’applique et non pas l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive habitats (5).

16. Étant donné que la procédure d’autorisation relative au tronçon autoroutier en cause a débuté avant la désignation de la ZPS, on pourrait douter du fait que les autorités compétentes puissent passer, au cours de cette procédure, du régime de protection de la directive oiseaux à celui de la directive habitats, dont le contenu est certes plus libéral (6), mais qui, du fait de l’évaluation des incidences, est plus développé du point de vue procédural. Cependant, l’interdiction du changement de régime de protection alourdirait inutilement la procédure d’autorisation, sans favoriser, du point de vue pratique, la protection de la ZPS. En effet, les autorités compétentes pourraient recommencer la procédure d’autorisation après la désignation de la ZPS et appliquer l’article 6, paragraphes 2 et 4, de la directive habitats à cette occasion. Dans une telle situation, le fait d’interrompre la procédure ou de la mener à son terme conformément à la directive oiseaux constituerait un formalisme inutile.

17. Étant donné que le gouvernement portugais n’invoque pas le fait que le projet doit être évalué conformément à l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive oiseaux, c’est donc l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive habitats qui doit être appliqué.

A – L’affectation de la ZPS de Castro Verde

18. L’article 6, paragraphe 4, de la directive habitats ne s’applique que si l’évaluation des incidences effectuée conformément à l’article 6, paragraphe 3, aboutit à des conclusions négatives, c’est-à-dire si, dans le cadre de l’approbation du projet, les autorités compétentes n’ont pas pu garantir que l’intégrité de la zone de protection ne serait pas affectée. Ce dernier point est contesté par le gouvernement portugais.

19. Le gouvernement portugais fait observer à juste titre que, dans le cadre d’une procédure en manquement, il incombe à la Commission d’établir l’existence d’une violation du droit communautaire (7). Il conteste le fait que la séparation de 2 % de la...

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