The Queen, on the application of Ezgi Payir, Burhan Akyuz and Birol Ozturk v Secretary of State for the Home Department.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:455
Date18 July 2007
Celex Number62006CC0294
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-294/06

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme JULIANE Kokott

présentées le 18 juillet 2007 (1)

Affaire C‑294/06

The Queen, à la demande de:

Ezgi Payir,

Burhan Akyuz et Birol Ozturk

contre

Secretary of State for the Home Department

[demande de décision préjudicielle formée par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Royaume‑Uni)]

«Accord d’association CEE‑Turquie – Article 6, paragraphe 1, de la décision nº 1/80 du conseil d’association CEE‑Turquie – Notion de travailleur appartenant au marché régulier de l’emploi d’un État membre – Ressortissants turcs travaillant au pair – Ressortissants turcs effectuant des études dans un État membre et y occupant aussi un emploi»





I – Introduction

1. La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, de la décision nº 1/80 du conseil d’association créé au titre de l’accord CEE‑Turquie, du 19 septembre 1980, relative au développement de l’association (ci-après la «décision nº 1/80») et concerne le point de savoir si les personnes travaillant au pair et les étudiants qui occupent un emploi secondaire relèvent du champ d’application de cette disposition.

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

2. L’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie (ci-après l’«accord d’association») a été signé à Ankara le 12 septembre 1963 entre la République de Turquie, d’une part, et les États membres de la Communauté économique européenne et la Communauté, d’autre part, et a été conclu, approuvé et confirmé par la décision 64/732/CEE du Conseil, du 23 décembre 1963 (2), au nom de la Communauté.

3. L’article 36 du protocole additionnel à l’accord d’association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, du 23 novembre 1970, prévoit que le conseil d’association arrête les modalités nécessaires à la mise en œuvre graduelle de la libre circulation des travailleurs entre les États membres de la Communauté et la République de Turquie conformément aux principes énoncés à l’article 12 de l’accord d’association.

4. C’est dans ces conditions que le conseil d’association a adopté la décision nº 1/80 (3).

5. L’article 6, paragraphe 1, de la décision n° 1/80 est ainsi rédigé:

«1. Sous réserve des dispositions de l’article 7 relatif au libre accès à l’emploi des membres de sa famille, le travailleur turc, appartenant au marché régulier de l’emploi d’un État membre:

– a droit, dans cet État membre, après un an d’emploi régulier, au renouvellement de son permis de travail auprès du même employeur, s’il dispose d’un emploi;

– a le droit, dans cet État membre, après trois ans d’emploi régulier et sous réserve de la priorité à accorder aux travailleurs des États membres de la Communauté, de répondre dans la même profession auprès d’un employeur de son choix à une autre offre, faite à des conditions normales, enregistrée auprès des services de l’emploi de cet État membre;

– bénéficie, dans cet État membre, après quatre ans d’emploi régulier, du libre accès à toute activité salariée de son choix.»

B – Le droit national

6. Les dispositions régissant l’entrée sur le territoire des employés au pair et des étudiants figurent dans le House of Commons Paper 395 (ci‑après le «HC 395»).

7. Les règles applicables aux personnes placées au pair sont prévues aux articles 88 à 93 du HC 395. L’article 88 définit l’emploi au pair comme un contrat en vertu duquel une personne âgée de 17 à 27 ans vient au Royaume-Uni dans le but d’y apprendre l’anglais; elle vit pendant une période déterminée au sein d’une famille anglophone où elle bénéficie de possibilités adéquates pour étudier, collabore aux travaux ménagers pendant 5 heures par jour au maximum et reçoit, en contrepartie, une gratification raisonnable, tout en bénéficiant de deux jours de repos par semaine.

8. La personne qui souhaite obtenir une autorisation d’admission au Royaume-Uni en tant que jeune au pair doit, conformément à l’article 89, ne pas avoir l’intention de séjourner au Royaume-Uni pendant plus de deux ans en tant qu’employé au pair, et avoir l’intention de quitter le Royaume-Uni à la fin de son séjour au pair.

9. Les dispositions régissant l’admission des étudiants figurent dans les articles 57 à 62 du HC 395.

10. En vertu de l’article 57, une personne qui demande à être autorisée à entrer au Royaume-Uni en tant qu’étudiant doit y être admise à suivre des études, être en mesure et avoir l’intention d’effectuer des études reconnues à temps complet, et avoir pour projet de quitter le Royaume-Uni au terme de ses études. Elle ne doit pas avoir l’intention d’occuper un emploi indépendant ou salarié, à l’exception d’activités à temps partiel ou d’emplois de vacances, qui nécessitent alors une autorisation.

11. En vertu de l’article 58, une personne qui demande à être autorisée à entrer au Royaume-Uni en tant qu’étudiant peut être admise sous condition restreignant son droit d’occuper un emploi. Le chapitre 3, annexe A, point 4, des instructions de la direction de l’immigration (Immigration Director’s Instructions) comporte d’autres précisions à cet égard. Une personne autorisée à entrer ou à séjourner en tant qu’étudiant sous condition limitant son droit d’occuper un emploi (au lieu d’une interdiction d’occuper un emploi) dispose d’une autorisation générale de travailler, pour autant que la durée du travail ne dépasse pas 20 heures par semaine à tout moment, périodes de vacances exceptées.

III – Les faits et la procédure au principal

12. Les demandeurs au principal sont des ressortissants turcs qui ont obtenu une autorisation d’entrer au Royaume-Uni afin soit d’y exercer un emploi au pair (Mme Ezgi Payir), soit d’y entreprendre des études (MM. Burhan Akyuz et Birol Ozturk).

13. Mme Payir a obtenu en 2000 une autorisation d’entrer au Royaume-Uni. Cette autorisation était assortie de la condition qu’elle n’occupe pas d’emploi, rémunéré ou non, autre que celui de jeune au pair. À compter de son admission, Mme Payir a travaillé dans deux familles. Dans la deuxième famille, chez laquelle elle a séjourné à partir de mars 2001, elle a travaillé entre 15 et 25 heures par semaine dans la maison et auprès des enfants. Elle se voyait accorder pour cela le logis et le couvert gratuits ainsi que 70 GBP par semaine. Mme Payir souhaite demeurer employée auprès de cette même famille.

14. MM. Akyuz et Ozturk sont entrés en 1997 et en 1999 en tant qu’étudiants au Royaume-Uni. Ils ont obtenu, à cet effet, une autorisation d’entrer puis un titre de séjour, leur permettant d’occuper un emploi dans la limite de 20 heures par semaine, périodes de vacances exceptées. Les deux étudiants ont travaillé à temps partiel en plus de leurs études en tant que serveurs dans les limites de durée autorisées. Leurs employeurs respectifs leur ont proposé de renouveler leur contrat de travail.

15. Les demandeurs se sont adressés au Secretary of State for the Home Department (ministère de l’Intérieur) pour obtenir la modification ou la prorogation de leur titre de séjour dans le but de pouvoir continuer à travailler au Royaume-Uni. Ils ont invoqué à l’appui de leur demande l’article 6, paragraphe 1, de la décision n° 1/80. Ils ont fait valoir qu’ils travaillaient depuis plus d’un an au service du même employeur et ont demandé à pouvoir demeurer employés chez cet employeur.

16. Le Secretary of State a refusé de faire droit à ces demandes, au motif que les étudiants qui exercent une activité à temps partiel et les employés au pair ne pourraient pas se prévaloir de l’article 6, paragraphe 1, de la décision n° 1/80. Ces décisions de refus ont fait l’objet de recours devant les tribunaux de la part des demandeurs. La High Court of Justice (England & Wales), Queen Bench Division (Administrative Court) a accueilli leurs recours et annulé la décision du Secretary of State, au motif que les demandeurs relevaient du champ d’application de l’article 6, paragraphe 1, de la décision n° 1/80. Le Secretary of State a saisi la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) d’un recours contre les décisions de l’Administrative Court.

IV – La demande de décision préjudicielle et la procédure devant la Cour

17. Par décision du 15 juin 2006, la Court of Appeal (Civil Division) a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Dans une affaire dans laquelle:

a) une autorisation d’entrée au Royaume-Uni a été délivrée à une ressortissante turque pour une durée de deux ans dans le cadre d’un placement au pair, tel que cette notion est définie par la réglementation du Royaume-Uni sur l’immigration; et

b) son autorisation d’entrée incluait le droit d’être engagée par un employeur à ce titre; et

c) elle est restée à ce titre de manière ininterrompue au service de ce même employeur pendant plus d’une année au cours de la période de validité de son autorisation d’entrée; et

d) cet emploi constituait une activité économique réelle et effective; et

e) cet emploi était conforme à la législation nationale relative à l’emploi et à l’immigration;

pendant la période durant laquelle elle a occupé ce poste, la ressortissante turque est-elle:

i) un travailleur au sens de l’article 6 de la décision nº 1/80 du conseil d’association institué par l'accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie?

ii) appartient-elle au marché régulier de l’emploi du Royaume-Uni au sens de cette disposition?

2) Dans une affaire dans laquelle:

a) une autorisation d’entrée au Royaume-Uni a été délivrée à un ressortissant turc afin de lui permettre de suivre un cycle d’études dans ce pays; et

b) son autorisation d’entrée comportait le droit d’occuper tout poste de travail dont la durée, en dehors des vacances, ne pouvait pas dépasser 20 heures par semaine; et

c) il est resté de manière ininterrompue au service du même employeur pendant plus d’une année au cours de la période de validité de son...

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