Criminal proceedings against Nikolay Kolev and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:257
Date04 April 2017
Celex Number62015CC0612
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-612/15
62015CC0612

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 4 avril 2017 ( 1 )

Affaire C‑612/15

Procédure pénale

contre

Nikolay Kolev,

Stefan Kostadinov

[demande de décision préjudicielle formée par le Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé, Bulgarie)]

« Renvoi préjudiciel – Procédure pénale – Directive 2012/13/UE – Droit d’être informé de l’accusation portée contre soi – Droit d’accès au dossier – Directive 2013/48/UE – Droit d’accès à un avocat – Fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne – Infractions pénales – Sanctions effectives et dissuasives – Délai préfix – Clôture de la procédure pénale sans examen au fond des accusations – Droit à un procès équitable – Droit de la défense – Délai raisonnable »

1.

La présente affaire offre à la Cour l’opportunité de se prononcer sur des notions fondamentales du droit pénal. Elle est ainsi sollicitée par le Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé, Bulgarie) afin de dire pour droit si le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui impose au juge, saisi en ce sens par la personne concernée, de clôturer la procédure pénale engagée à l’encontre de cette dernière, lorsqu’un délai de plus de deux ans s’est écoulé depuis le début de la phase préliminaire, quelle que soit la gravité de l’affaire et sans qu’il soit possible de pallier l’obstruction délibérée des personnes poursuivies. La Cour est appelée à examiner quelles seraient, dans ces circonstances, les conséquences d’une éventuelle incompatibilité de cette réglementation nationale avec le droit de l’Union.

2.

Par ailleurs, la juridiction de renvoi pose plusieurs questions à la Cour relatives au moment auquel la personne poursuivie doit être informée de l’accusation portée contre elle et au moment où elle, ou son avocat, doit avoir accès aux pièces du dossier. Enfin, la Cour est amenée à examiner si est contraire au droit de l’Union une disposition nationale prévoyant que l’avocat protégeant des prévenus ayant des intérêts contraires dans le cadre d’une seule et même affaire doit être écarté et remplacé par un avocat commis d’office.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. Le droit primaire

3.

L’article 325 TFUE dispose :

« 1. L’Union [européenne] et les États membres combattent la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union par des mesures prises conformément au présent article qui sont dissuasives et offrent une protection effective dans les États membres, ainsi que dans les institutions, organes et organismes de l’Union.

2. Les États membres prennent les mêmes mesures pour combattre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union que celles qu’ils prennent pour combattre la fraude portant atteinte à leurs propres intérêts financiers.

[...]

4. Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, arrêtent, après consultation de la Cour des comptes, les mesures nécessaires dans les domaines de la prévention de la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union et de la lutte contre cette fraude en vue d’offrir une protection effective et équivalente dans les États membres ainsi que dans les institutions, organes et organismes de l’Union.

[...] »

2. Le droit dérivé

a) Le règlement (CE) no 450/2008

4.

En vertu de l’article 21, paragraphe 1, du règlement (CE) no 450/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, établissant le code des douanes communautaire (code des douanes modernisé) ( 2 ), « [c]haque État membre prévoit des sanctions en cas d’infraction à la législation douanière communautaire. Ces sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives ».

b) La convention PIF et le premier protocole à la convention PIF

5.

Le préambule de la convention établie sur la base de l’article K.3 du traité sur l’Union européenne, relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, signée à Luxembourg le 26 juillet 1995 ( 3 ), indique que les hautes parties contractantes à cette convention, États membres de l’Union européenne, sont convaincues « que la protection des intérêts financiers des Communautés européennes exige que tout comportement frauduleux portant atteinte aux intérêts en question donne lieu à des poursuites pénales » ( 4 ) et « de la nécessité d’ériger ces comportements en infractions pénales passibles de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives, sans préjudice de l’application d’autres sanctions dans certains cas appropriés, et de prévoir, au moins dans les cas graves, des peines privatives de liberté » ( 5 ).

6.

L’article 1er, paragraphe 1, sous b), premier tiret, et paragraphe 2, de la convention PIF prévoit ce qui suit :

« Aux fins de la présente convention, est constitutif d’une fraude portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes :

[...]

b)

en matière de recettes, tout acte ou omission intentionnel relatif :

à l’utilisation ou à la présentation de déclarations ou de documents faux, inexacts ou incomplets, ayant pour effet la diminution illégale de ressources du budget général des Communautés européennes ou des budgets gérés par les Communautés européennes ou pour leur compte,

[...]

2. [C]haque État membre prend les mesures nécessaires et appropriées pour transposer en droit pénal interne les dispositions du paragraphe 1 de telle sorte que les comportements qu’elles visent soient érigés en infractions pénales. »

7.

Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de cette convention :

« Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour assurer que les comportements visés à l’article 1er, ainsi que la complicité, l’instigation ou la tentative relatives aux comportements visés à l’article 1er, paragraphe 1, sont passibles de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives, incluant, au moins dans le cas de fraude grave, des peines privatives de liberté pouvant entraîner l’extradition, étant entendu que doit être considérée comme fraude grave toute fraude portant sur un montant minimal à fixer dans chaque État membre. Ce montant minimal ne peut pas être fixé à plus de 50000 [euros]. »

8.

L’article 2 du protocole établi sur la base de l’article K.3 du traité sur l’Union européenne, à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ( 6 ), intitulé « Corruption passive », est rédigé de la manière suivante :

« 1. Aux fins du présent protocole, est constitutif de corruption passive le fait intentionnel, pour un fonctionnaire, directement ou par interposition de tiers, de solliciter ou de recevoir des avantages, de quelque nature que ce soit, pour lui-même ou pour un tiers, ou d’en accepter la promesse, pour accomplir ou ne pas accomplir, de façon contraire à ses devoirs officiels, un acte de sa fonction ou un acte dans l’exercice de sa fonction, qui porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes.

2. Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour assurer que les comportements visés au paragraphe 1 sont érigés en infractions pénales. »

9.

L’article 3 du premier protocole à la convention PIF, intitulé « Corruption active », énonce :

« 1. Aux fins du présent protocole, est constitutif de corruption active le fait intentionnel, pour quiconque, de promettre ou de donner, directement ou par interposition de tiers, un avantage, de quelque nature que ce soit, à un fonctionnaire, pour lui-même ou pour un tiers, pour qu’il accomplisse ou s’abstienne d’accomplir, de façon contraire à ses devoirs officiels, un acte de sa fonction ou un acte dans l’exercice de sa fonction qui porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes.

2. Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour assurer que les comportements visés au paragraphe 1 sont érigés en infractions pénales. »

c) La directive 2012/13/UE

10.

Conformément à son article 1er, la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales ( 7 ), a pour objet de « [définir] des règles concernant le droit des suspects ou des personnes poursuivies d’être informés de leurs droits dans le cadre des procédures pénales et de l’accusation portée contre eux ».

11.

Aux termes de l’article 6 de cette directive :

« 1. Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies soient informés de l’acte pénalement sanctionné qu’ils sont soupçonnés ou accusés d’avoir commis. Ces informations sont communiquées rapidement et de manière suffisamment détaillée pour garantir le caractère équitable de la procédure et permettre l’exercice effectif des droits de la défense.

[...]

3. Les États membres veillent à ce que des informations détaillées sur l’accusation, y compris sur la nature et la qualification juridique de l’infraction pénale, ainsi que sur la nature de la participation de la personne poursuivie, soient communiquées au plus tard au moment où la juridiction est appelée à se prononcer sur le bien-fondé de l’accusation.

4. Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies soient rapidement informés de tout changement dans les informations fournies en vertu du présent article, lorsque cela est nécessaire pour garantir le caractère équitable de la procédure. »

12.

L’article 7 de ladite directive est rédigé de la manière suivante :

« 1. Lorsqu’une personne est arrêtée et détenue à n’importe...

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