Opinion of Advocate General Cruz Villalón delivered on 2 July 2015.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:442
Date02 July 2015
Celex Number62014CC0245
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-245/14
62014CC0245

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO CRUZ VILLALÓN

présentées le 2 juillet 2015 ( 1 )

Affaire C‑245/14

Thomas Cook Belgium NV

contre

Thurner Hotel GmbH

[demande de décision préjudicielle formée par le Handelsgericht Wien (Autriche)]

«Espace de liberté, de sécurité et de justice — Coopération en matière civile — Règlement (CE) no 1896/2006 — Procédure européenne d’injonction de payer — Article 20, paragraphe 2 — Réexamen de l’injonction de payer européenne après l’expiration du délai prévu pour former opposition — Informations fausses ou inexactes — Absence de compétence de la juridiction qui délivre l’injonction de payer européenne — Notion de ‘circonstance exceptionnelle’»

1.

La présente affaire donne à la Cour la possibilité de se prononcer, en pratique pour la première fois, sur la notion de «circonstance exceptionnelle» contenue à l’article 20, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1896/2006 ( 2 ). Il s’agit notamment de savoir si, dans le cadre de la procédure d’injonction de payer européenne, l’éventuelle absence de compétence de la juridiction nationale qui délivre une injonction de payer européenne, due à l’existence possible d’une clause attributive de compétence conclue entre les parties et qui n’a pas été mentionnée dans le formulaire de demande d’injonction, justifie, s’agissant d’une «circonstance exceptionnelle», le réexamen de ce dernier lorsque le débiteur a apparemment eu la possibilité de former opposition contre ladite injonction dans le délai imparti et qu’il ne l’a pas fait.

I – Cadre juridique

2.

Le considérant 25 du règlement no 1896/2006 dispose comme suit:

«Après l’expiration du délai prévu pour former opposition, le défendeur devrait avoir le droit, dans certains cas exceptionnels, de demander un réexamen de l’injonction de payer européenne. Le droit de demander un réexamen dans des circonstances exceptionnelles ne devrait pas signifier que le défendeur dispose d’une deuxième possibilité de s’opposer à la créance. Au cours de la procédure de réexamen, l’évaluation du bien‑fondé de la créance devrait se limiter à l’examen des moyens découlant des circonstances exceptionnelles invoquées par le défendeur. Les autres circonstances exceptionnelles pourraient notamment désigner le cas où l’injonction de payer européenne était fondée sur de fausses informations fournies dans le formulaire de demande.»

3.

L’article 16 du règlement no 1896/2006, intitulé «Opposition à l’injonction de payer européenne», dispose comme suit:

«1. Le défendeur peut former opposition à l’injonction de payer européenne auprès de la juridiction d’origine au moyen du formulaire type F figurant dans l’annexe VI, qui lui est transmis en même temps que l’injonction de payer européenne.

2. L’opposition est envoyée dans un délai de trente jours à compter de la signification ou de la notification de l’injonction au défendeur.

3. Le défendeur indique dans l’opposition qu’il conteste la créance, sans être tenu de préciser les motifs de contestation.

4. L’opposition est introduite sur support papier ou par tout autre moyen de communication accepté par l’État membre d’origine et utilisable par la juridiction d’origine, y compris par voie électronique.

[…]».

4.

L’article 20 dudit règlement est rédigé comme suit sous le titre «Réexamen dans des cas exceptionnels»:

«1. Après expiration du délai prévu à l’article 16, paragraphe 2, le défendeur a le droit de demander le réexamen de l’injonction de payer européenne devant la juridiction compétente de l’État membre d’origine si:

a)

i) l’injonction de payer a été signifiée ou notifiée selon l’un des modes prévus à l’article 14;

et

ii)

la signification ou la notification n’est pas intervenue en temps utile pour lui permettre de préparer sa défense, sans qu’il y ait faute de sa part,

ou

b)

le défendeur a été empêché de contester la créance pour cause de force majeure ou en raison de circonstances extraordinaires, sans qu’il y ait faute de sa part,

pour autant que, dans un cas comme dans l’autre, il agisse promptement.

2. Après expiration du délai prévu à l’article 16, paragraphe 2, le défendeur a également le droit de demander le réexamen de l’injonction de payer européenne devant la juridiction compétente de l’État membre d’origine lorsqu’il est manifeste que l’injonction de payer a été délivrée à tort, au vu des exigences fixées par le présent règlement, ou en raison d’autres circonstances exceptionnelles.

3. Si la juridiction rejette la demande du défendeur au motif qu’aucune des conditions de réexamen énoncées aux paragraphes 1 et 2 n’est remplie, l’injonction de payer européenne reste valable.

Si la juridiction décide que le réexamen est justifié au motif que l’une des conditions énoncées aux paragraphes 1 et 2 est remplie, l’injonction de payer européenne est nulle et non avenue.»

II – Affaire au principal et questions préjudicielles

5.

La requérante dans la procédure a quo, Thomas Cook Belgium NV (ci‑après «Thomas Cook»), est une agence de voyage établie à Gand (Belgique), qui propose différents types de services dans le domaine du tourisme. Le 3 septembre 2009, Thomas Cook a conclu avec Thurner Hotel GmbH (ci‑après «Thurner Hotel»), une société autrichienne établie à Sölden (Autriche), un contrat prévoyant de nouvelles conditions de collaboration pour la saison estivale 2010. Postérieurement, Thomas Cook n’ayant pas payé, Thurner Hotel – qui avait mis à disposition des hébergements touristiques à Sölden aux conditions dudit contrat – a introduit devant le Bezirksgericht für Handelssachen Wien (Autriche) une demande d’injonction de payer européenne à l’encontre de l’agence de voyage belge pour un montant de plus de 15000 euros. Elle a justifié la compétence de la juridiction saisie en invoquant le lieu d’exécution de la prestation, soit l’Autriche.

6.

Le 26 juin 2013, l’injonction de payer européenne a été valablement notifiée à Thomas Cook. Celle‑ci n’a pas formé opposition dans le délai de 30 jours établi à l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 1896/2006, prétendant avoir été occupée à rechercher dans ses archives si l’injonction de payer litigieuse était ou non justifiée.

7.

Le 25 septembre 2013, Thomas Cook a demandé au Bezirksgericht für Handelssachen Wien le réexamen de l’injonction de payer européenne conformément à l’article 20, paragraphe 2, du règlement no 1896/2006. Thomas Cook a essentiellement allégué que l’injonction de payer européenne avait été délivrée par une juridiction incompétente, car les conditions générales du contrat conclues entre les parties contenaient une clause attributive de compétence en faveur des juridictions de Gand (Belgique). Selon elle, l’injonction de payer européenne aurait ainsi été délivrée à tort et devrait être déclarée comme nulle et non avenue en vertu de l’article 20, paragraphe 3, du règlement no 1896/2006, le fait qu’une juridiction incompétente ait délivré l’injonction de payer constituant un motif de réexamen au sens de l’article 20, paragraphe 2, du règlement susmentionné.

8.

Par ordonnance du 28 octobre 2013, le Bezirksgericht für Handelssachen Wien a rejeté la demande de réexamen de l’injonction de payer européenne présentée par Thomas Cook. Thomas Cook a interjeté appel contre cette ordonnance, dans le délai imparti, devant la juridiction de renvoi. Thomas Cook a fondé son appel sur le considérant 25 du règlement no 1896/2006, qui qualifie expressément de «circonstances exceptionnelles» aux fins de l’article 20, paragraphe 2, dudit règlement le fait que la demande d’injonction de payer européenne ait été fondée sur de fausses informations fournies dans le formulaire de demande. Elle a estimé que le Bezirksgericht für Handelssachen Wien avait en l’espèce omis d’apprécier que les juridictions compétentes étaient non pas les juridictions autrichiennes mais celles de Gand (Belgique) en vertu des conditions générales du contrat conclu entre les parties. Selon Thomas Cook, la juridiction citée aurait dû déclarer que l’injonction de payer européenne avait manifestement été délivrée à tort au sens de l’article 20, paragraphe 2, dudit règlement.

9.

Le Handelsgericht Wien (Autriche) a décidé de surseoir à statuer et de déférer à la Cour de justice les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Le règlement (CE) no 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, instituant une procédure européenne d’injonction de payer doit‑il être interprété en ce sens que le défendeur peut également demander le réexamen, par le juge, de l’injonction de payer européenne en vertu de l’article 20, paragraphe 2, du règlement no 1896/2006, lorsque l’injonction de payer lui a été certes valablement notifiée, mais que, sur la base des éléments relatifs à la compétence figurant dans le formulaire de demande, c’est une juridiction incompétente qui l’a délivrée?

2)

En cas de réponse affirmative à la première question: le fait que l’injonction de payer européenne a été délivrée sur le fondement d’éléments figurant dans le formulaire de demande qui sont susceptibles de se révéler ultérieurement faux, en particulier lorsque la compétence de la juridiction en dépend, suffit‑il à caractériser des circonstances exceptionnelles au sens de l’article 20, paragraphe 2, du règlement no 1896/2006 conformément au considérant 25 de la communication de la Commission du 7 février 2006 (COD 2004/0055)?»

10.

En l’espèce, ont formulé des observations écrites Thurner Hotel, les gouvernements allemand, autrichien et portugais, ainsi que la Commission européenne. Thomas Cook a présenté ses observations écrites hors délai, de sorte qu’elles n’ont pas été admises. Lors de l’audience qui...

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