Koppensteiner GmbH v Bundesimmobiliengesellschaft mbH.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2004:832
Date16 December 2004
Celex Number62004CC0015
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-15/04

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

MME CHRISTINE STIX-HACKL

présentées le 16 décembre 2004 (1)

Affaire C-15/04

Koppensteiner GmbH

contre

Bundesimmobiliengesellschaft mbH

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesvergabeamt (Autriche)]

«Marchés publics – Directive 89/665/CEE – Applicabilité directe – Retrait – Décision relative au retrait – Recours – Annulation»






I – Introduction

1. La présente procédure préjudicielle concerne le problème juridique de la possibilité de contrôler le retrait d’une procédure d’attribution de marché. Plus précisément se pose la question de savoir si la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (2) (ci‑après la «directive»), oblige les États membres à prévoir la possibilité de l’annulation également pour le retrait ou du moins pour la décision du pouvoir adjudicateur de procéder à un retrait.

II – Cadre juridique

A – Droit communautaire

2. L’article 1er, paragraphe 1, stipule que:

«Les États membres prennent, en ce qui concerne les procédures de passation des marchés publics relevant du champ d’application des directives 71/305/CEE et 77/62/CEE, les mesures nécessaires pour assurer que les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs peuvent faire l’objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible, dans les conditions énoncées aux articles suivants, et notamment à l’article 2 paragraphe 7, au motif que ces décisions ont violé le droit communautaire en matière de marchés publics ou les règles nationales transposant ce droit.»

3. L’article 2, paragraphe 1, qui énumère les possibilités de recours devant être mises en place par les États membres, stipule notamment que:

«Les États membres veillent à ce que les mesures prises aux fins des recours visés à l’article 1er prévoient les pouvoirs permettant,

[...]

b) d’annuler ou de faire annuler les décisions illégales, y compris de supprimer les spécifications techniques, économiques ou financières discriminatoires figurant dans les documents de l’appel à la concurrence, dans les cahiers des charges ou dans tout autre document se rapportant à la procédure de passation du marché en cause;

[...]»

B – Droit national

4. Le système de recours prévu par la loi fédérale de 2002 sur la passation des marchés publics (Bundesvergabegesetz 2002, ci‑après le «BVerG») (3) est fondé sur une distinction entre les décisions qui peuvent être attaquées séparément et celles qui ne peuvent pas l’être. Les décisions qui ne peuvent pas être attaquées séparément ne peuvent l’être que conjointement avec des décisions ultérieures susceptibles d’être attaquées séparément.

5. Selon l’article 20, point 13, sous a), aa), du BverG, les décisions qui peuvent être attaquées séparément dans la procédure d’adjudication ouverte sont: l’appel d’offres, diverses constatations intervenues pendant le délai de soumission des offres et la décision d’attribution. Il s’ensuit que le retrait après l’ouverture des offres n’est pas une décision susceptible d’être attaquée séparément.

6. L’article 105 réglemente le retrait après l’expiration du délai de présentation des offres. Le paragraphe 2 de cet article autorise le pouvoir adjudicateur à procéder au retrait pour des motifs graves, qui justifient objectivement le retrait. Le retrait d’un appel d’offres dans le seul but de permettre un nouvel appel d’offres afin de réduire le prix d’une offre n’est pas objectivement justifié.

7. En vertu de l’article 162, paragraphe 2, point 2, du BverG, le Bundesvergabeamt est compétent, jusqu’à l’attribution du marché, pour déclarer nulles les décisions illégales du pouvoir adjudicateur, pour les motifs invoqués par un demandeur, et ce dans le but de mettre fin à des infractions à cette loi fédérale et à ses règlements d’application.

8. Selon l’article 166, paragraphe 2, point 1, du BVerG, un recours est irrecevable s’il ne vise pas une décision susceptible d’être attaquée séparément.

9. D’après la juridiction de renvoi, on ne saurait, en l’espèce, selon le système institué par le BVerG, engager un recours contre l’illégalité éventuelle du retrait de l’appel d’offres après l’ouverture des offres en liaison avec une décision ultérieure susceptible d’être attaquée séparément, dès lors que, le retrait mettant fin à la procédure d’adjudication, le pouvoir adjudicateur ne prendra plus aucune autre décision dans cette affaire.

10. La juridiction de renvoi en déduit que le système établi par le BVerG ne permet pas de faire examiner et, le cas échéant, annuler, dans le cadre d’un recours, le retrait de l’appel d’offres après l’ouverture des offres dans une procédure d’adjudication ouverte. La juridiction de renvoi estime que, dans ce système, le Bundesvergabeamt est, après le retrait d’un appel d’offres, (seulement) compétent pour vérifier si ce retrait était illégal en raison d’une violation de cette loi fédérale. Une constatation en ce sens, par le Bundesvergabeamt, est la condition qui permet aux entreprises de faire valoir des demandes de dommages‑intérêts fondées sur l’illégalité du retrait à l’encontre du pouvoir adjudicateur.

III – Faits, procédure au principal et questions préjudicielles

11. Par avis du 26 septembre 2003, la société Bundesimmobiliengesellschaft mbH (ci‑après la «BIG») a lancé un appel d’offres pour le lot «Travaux de démolition» du marché libellé «lycée ‘académique’, construction d’une école primaire et de trois gymnases à 6020 Innsbruck, Angerzellgasse 14» par le biais d’une procédure d’adjudication ouverte (ci‑après la «première procédure d’adjudication»).

12. La BIG, dont l’État fédéral détient 100 % des parts, a été fondée notamment pour adapter la gestion des constructions et des biens fonciers de l’État. L’objet de l’entreprise comprend entre autres: la mise à disposition d’espaces à des fins d’intérêt fédéral, seule ou en commun avec des tiers et, dans ce cadre, en tenant tout particulièrement compte des besoins de l’État fédéral, notamment l’achat, l’utilisation, la gestion, la mise en location et la vente de biens fonciers et de locaux, la construction et l’entretien de bâtiments, la prestation centralisée de services de gestion immobilière ainsi que l’exécution de diverses missions auxiliaires ou annexes en rapport avec l’objet de l’entreprise, à l’exclusion cependant de toutes les opérations qui relèvent de la loi sur le crédit (Kreditwesengesetz).

13. La première procédure d’adjudication concerne un marché de construction évalué à 8 600 000 euros. Le lot «Travaux de démolition» litigieux était évalué à 95 000 euros.

14. Par lettre du 29 octobre 2003, la BIG a signalé notamment à la société Koppensteiner GmbH (ci‑après «Koppensteiner») que l’appel d’offres avait été retiré à l’issue du délai imparti pour soumettre des offres en raison de motifs graves au sens de l’article 105 du BVerG.

15. Le 6 novembre 2003, Koppensteiner a, par téléphone, été invitée par la BIG à participer à une procédure de négociation sans avis de marché préalable pour les travaux de démolition (salle de sports située dans l’Angerzellgasse) afférents au projet immobilier «Construction d’une école primaire avec une garderie et de trois gymnases souterrains (ci‑après la «seconde procédure d’adjudication»). Koppensteiner a aussi fait une offre dans cette seconde procédure. Il s’agissait, en substance, des mêmes prestations dans les deux procédures, même si, dans la seconde, il était précisé que «le tri sommaire des matériaux est possible sur place». Dans la seconde procédure, la valeur du marché était désormais évaluée à 90 000 euros.

16. Le 13 novembre 2003, Koppensteiner a, concernant la première procédure d’adjudication, demandé l’annulation du retrait de l’appel d’offres et l’interdiction d’un nouvel appel d’offres dans le cadre d’une nouvelle procédure d’adjudication ainsi que, à titre subsidiaire, la constatation du caractère illégal du retrait. Concernant la seconde procédure d’adjudication, Koppensteiner a, entre autres, demandé l’annulation de cette procédure.

17. Par décision du Bundesvergabeamt du 20 novembre 2003, la BIG s’est vu interdire d’ouvrir les offres de la seconde procédure d’adjudication pour la durée de la procédure de recours, mais au plus tard jusqu’au 13 janvier 2004.

18. Ainsi qu’il ressort du dossier, la BIG a, le 28 janvier 2004, attribué le marché à une autre entreprise dans le cadre de la seconde procédure d’adjudication. Les travaux de démolition ont d’ailleurs déjà été effectués par cette entreprise.

19. Face au Bundesvergabeamt, la BIG a fait valoir en substance, à titre de motif du retrait, que toutes les offres chiffrées, en dépit du sérieux de l’évaluation du marché, s’étaient révélées très supérieures à la valeur évaluée du marché. Le lot «Travaux de démolition» avait été évalué à 95 000 euros pour la première procédure d’adjudication et à 90 000 euros pour la seconde. Or, l’offre la moins chère était de 304 150 euros pour la première procédure et, partant, encore beaucoup trop élevée.

20. Koppensteiner a fait valoir, entre autres, que, en vertu de l’arrêt de la Cour dans l’affaire HI, «la décision du pouvoir adjudicateur de retirer l’appel d’offres [... doit pouvoir] faire l’objet d’une procédure de recours et être annulée, le cas échéant, au motif qu’elle a violé le droit communautaire en matière de marchés publics» (4).

21. De plus, Koppensteiner a soutenu que, «par application analogique de l’article 100, paragraphe 2, du BVerG et du délai de statu quo qui y est prévu, les soumissionnaires doivent pouvoir attaquer la décision de retrait par application analogique des dispositions concernant la décision d’attribution du marché». Selon Koppensteiner, la décision de retirer l’offre est à interpréter par analogie comme une décision...

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