Robert Michal Chmielewski v Nemzeti Adó- és Vámhivatal Dél-alföldi Regionális Vám- és Pénzügyőri Főigazgatósága.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:308
Docket NumberC-255/14
Celex Number62014CC0255
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date07 May 2015
62014CC0255

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 7 mai 2015 ( 1 )

Affaire C‑255/14

Robert Michal Chmielewski

contre

Nemzeti Adó‑ és Vámhivatal Dél‑alföldi Regionális Vám‑ és Pénzügyőri Főigazgatósága

[demande de décision préjudicielle formée par le Kecskeméti Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (Hongrie)]

«Contrôles de l’argent liquide entrant ou sortant de l’Union européenne — Règlement (CE) no 1889/2005 — Violation de l’obligation de déclaration — Proportionnalité des sanctions — Libre circulation des capitaux et des paiements»

I – Introduction

1.

La présente demande de décision préjudicielle porte sur la proportionnalité d’une amende administrative prévue en droit hongrois pour sanctionner la violation de l’obligation de déclaration prévue par l’article 3 du règlement (CE) no 1889/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 2005, relatif aux contrôles de l’argent liquide entrant ou sortant de la Communauté ( 2 ).

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

2.

À son article 17, intitulé «Droit de propriété», la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la «Charte») consacre et protège, à son paragraphe 1, le droit de propriété selon les termes suivants:

«Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général.»

2. Le règlement no 1889/2005

3.

Selon le paragraphe 1 de l’article 1er, intitulé «Objectif»:

«Le présent règlement complète les dispositions de la directive 91/308/CEE concernant les transactions effectuées à travers les institutions financières, les établissements de crédit et certaines professions, en établissant des règles harmonisées concernant le contrôle, par les autorités compétentes, des mouvements d’argent liquide entrant ou sortant de [l’Union européenne].»

4.

Son article 3, intitulé «Obligation de déclaration», dispose ce qui suit:

«1. Toute personne physique entrant ou sortant de [l’Union] avec au moins 10000 euros en argent liquide déclare la somme transportée aux autorités compétentes de l’État membre par lequel elle entre ou sort de [l’Union], conformément au présent règlement. L’obligation de déclaration n’est pas réputée exécutée si les informations fournies sont incorrectes ou incomplètes.

2. La déclaration visée au paragraphe 1 contient des informations sur:

[…]

e)

la provenance de cet argent liquide et l’usage qu’il est prévu d’en faire;

[…]»

5.

L’article 4, intitulé «Pouvoirs des autorités compétentes», prévoit, à son paragraphe 2, ce qui suit:

«En cas de non‑respect de l’obligation de déclaration prévue à l’article 3, l’argent liquide peut être retenu par décision administrative, conformément aux conditions fixées par la législation nationale.»

6.

Selon l’article 6, intitulé «Échange d’informations»:

«1. Lorsqu’il y a des indices que des sommes en argent liquide sont liées à une activité illégale associée au mouvement d’argent liquide, visée dans la directive 91/308/CEE, les informations obtenues par le biais de la déclaration prévue à l’article 3 ou des contrôles prévus à l’article 4 peuvent être transmises aux autorités compétentes d’autres États membres.

Le règlement (CE) no 515/97 s’applique mutatis mutandis.

2. Lorsqu’il y a des indices que des sommes en argent liquide sont liées au produit d’une fraude ou à toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de la Communauté, lesdites informations sont également transmises à la Commission.»

7.

L’article 7, intitulé «Échange d’informations avec les pays tiers», dispose:

«Dans le cadre de l’assistance administrative mutuelle, les informations obtenues en application du présent règlement peuvent être communiquées à un pays tiers par les États membres ou par la Commission, sous réserve de l’accord des autorités compétentes qui ont obtenu les informations conformément à l’article 3 et/ou à l’article 4 et dans le respect des dispositions nationales et communautaires applicables au transfert de données à caractère personnel à des pays tiers. Les États membres informent la Commission de ces échanges d’informations lorsque cela présente un intérêt particulier pour la mise en œuvre du présent règlement.»

8.

L’article 9, intitulé «Sanctions», dispose, à son paragraphe 1, ce qui suit:

«Chaque État membre introduit des sanctions applicables en cas de non exécution de l’obligation de déclaration prévue à l’article 3. Ces sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.»

B – La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

9.

Selon l’article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, intitulé «Droit de propriété»:

«Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes.»

C – Le droit hongrois

10.

L’article 2 de la loi no XLVIII de 2007 dispose:

«(1) L’obligation de déclaration prévue à l’article 3 du règlement [no 1889/2005] doit être remplie par écrit.

(2) Il convient, en application de l’article 3, paragraphe 2, sous b), du règlement [no 1889/2005], d’indiquer le nom et l’adresse complets du propriétaire de l’argent liquide, en application de l’article 3, paragraphe 2, sous c), [de ce] règlement, le nom et l’adresse complets du destinataire projeté de cet argent liquide, ainsi que, en application de l’article 3, paragraphe 2, sous g), [dudit] règlement, le moyen de transport utilisé et, s’il s’agit d’un véhicule automobile, son numéro d’immatriculation.

[…]»

11.

L’article 5/A de la loi no XLVIII de 2007 prévoit:

«Toute personne physique entrant ou sortant de [l’Union] qui remplit de façon incorrecte ou incomplète l’obligation de déclaration prévue à l’article 3, paragraphe 1, du règlement [no 1889/2005], concernant l’argent liquide qu’elle transporte, tel que défini à l’article 2, paragraphe 2, du règlement [no 1889/2005], ou qui ne la remplit pas du tout, doit, en application de l’article 9 du règlement [no 1889/2005], s’acquitter sur place d’une amende fixée en forints d’un montant équivalent

a)

à 10 % de la somme d’argent liquide en sa possession, lorsque celle‑ci est égale ou supérieure à 10000 euros, mais n’excède pas 20000 euros,

b)

à 40 % de la somme d’argent liquide en sa possession, lorsque celle‑ci est supérieure à 20000 euros, mais n’excède pas 50000 euros,

c)

à 60 % de la somme d’argent liquide en sa possession, lorsque celle‑ci est supérieure à 50000 euros.»

III – Le litige au principal et les questions préjudicielles

12.

Le 9 août 2012, M. Chmielewski est entré sur le territoire hongrois en provenance de Serbie, sans déclarer la somme d’argent liquide qu’il transportait, à savoir un montant total de 147492 euros, composé de 249150 leva bulgares (BGN) (environ 127400 euros), 30000 livres turques (TRY) (environ 6500 euros) et 29394 lei roumains (RON) (environ 13600 euros).

13.

Selon la Commission, lors du contrôle, M. Chmielewski a déclaré aux agents des douanes être en possession de cette importante somme d’argent parce qu’il avait prévu d’acheter une maison en Bulgarie, mais qu’il rentrait bredouille en Pologne.

14.

Lors de l’audience, la Nemzeti Adó‑ és Vámhivatal Dél‑alföldi Regionális Vám‑ és Pénzügyőri Főigazgatósága (direction générale des douanes et des finances de la région Del‑alföld) a précisé que 60 % de la somme détenue par M. Chmieliewski (à savoir l’équivalent de 24532000 HUF) fut retenue au titre de l’amende instaurée par l’article 5/A, paragraphe 1, sous c), de la loi no XLVIII de 2007 pour défaut de déclaration.

15.

Par une décision du 4 octobre 2013, la Nemzeti Adó‑ és Vámhivatal Dél‑alföldi Regionális Vám‑ és Pénzügyőri Főigazgatósága (direction générale des douanes et des finances de la région Del‑alföld) a rejeté la demande de M. Chmielewski de l’exonérer de l’amende en prenant en compte les circonstances personnelles qu’il invoquait et a confirmé l’amende administrative de 24532000 HUF, qui lui avait été imposée par les agents des douanes, puisque, en ayant omis de déclarer ladite somme lors de son entrée sur le territoire de l’Union, il n’avait pas respecté l’obligation qui lui est imposée par le règlement no 1889/2005 et par la loi no XLVIII de 2007.

16.

M. Chmielewski a introduit un recours contre cette décision devant le Kecskeméti Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal des affaires administratives et du travail de Kecskemét) en faisant notamment valoir que les dispositions de la loi no XLVIII de 2007 étaient contraires au droit de l’Union.

17.

C’est dans ces conditions que le Kecskeméti Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság a décidé de surseoir à...

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