Opinion of Advocate General Wathelet delivered on 28 July 2016.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:618
Date28 July 2016
Celex Number62015CC0316
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-316/15
62015CC0316

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 28 juillet 2016 ( 1 )

Affaire C‑316/15

Timothy Martin Hemming, agissant sous le nom commercial « Simply Pleasure Ltd »,

James Alan Poulton,

Harmony Ltd,

Gatisle Ltd, agissant sous le nom commercial « Janus »,

Winart Publications Ltd,

Darker Enterprises Ltd,

Swish Publications Ltd

contre

Westminster City Council

[demande de décision préjudicielle formée par la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni)]

«Renvoi préjudiciel — Libre prestation des services — Procédures d’autorisation — Notion de “charges pouvant en découler”»

I – Introduction

1.

La présente demande de décision préjudicielle offre à la Cour la première opportunité d’interpréter l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur ( 2 ) (ci‑après la « directive services »). Elle concerne le versement d’une redevance pour l’octroi ou le renouvellement d’une licence d’« établissement de commerce du sexe» ( 3 ) sur le territoire de la City of Westminster à Londres (Royaume-Uni), cette redevance étant composée de deux parties, l’une relative au traitement administratif de la demande et non remboursable en cas de rejet de la demande et l’autre (beaucoup plus importante) relative à la gestion du régime de licence et récupérable en cas de rejet de la demande.

2.

La question qui se trouve au cœur de cette affaire est essentiellement de savoir si l’exigence du paiement de la seconde partie de cette redevance est conforme à l’article 13, paragraphe 2, de la directive services. En ce sens, l’affaire dépasse les limites strictes de l’octroi et du renouvellement de licences d’exploitation de sex-shops, ce qui est illustré par le fait que plusieurs associations professionnelles, comme par exemple celles des avocats et des architectes, sont intervenues à la procédure devant la juridiction de renvoi.

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

3.

À son chapitre I, intitulé « Dispositions générales », la directive services dispose :

« Article premier

Objet

1. La présente directive établit les dispositions générales permettant de faciliter l’exercice de la liberté d’établissement des prestataires ainsi que la libre circulation des services, tout en garantissant un niveau de qualité élevé pour les services.

[...]

Article 2

Champ d’application

1. La présente directive s’applique aux services fournis par les prestataires ayant leur établissement dans un État membre.

[...]

Article 4

Définitions

Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

6)

“régime d’autorisation”, toute procédure qui a pour effet d’obliger un prestataire ou un destinataire à faire une démarche auprès d’une autorité compétente en vue d’obtenir un acte formel ou une décision implicite relative à l’accès à une activité de service ou à son exercice ;

7)

“exigence”, toute obligation, interdiction, condition ou limite prévue dans les dispositions législatives, réglementaires ou administratives des États membres ou découlant de la jurisprudence, des pratiques administratives, des règles des ordres professionnels ou des règles collectives d’associations professionnelles ou autres organisations professionnelles adoptées dans l’exercice de leur autonomie juridique ; les normes issues de conventions collectives négociées par les partenaires sociaux ne sont pas en tant que telles, considérées comme des exigences au sens de la présente directive ;

8)

“raisons impérieuses d’intérêt général”, des raisons reconnues comme telles par la jurisprudence de la Cour de justice, qui incluent les justifications suivantes : l’ordre public, la sécurité publique, la santé publique, la préservation de l’équilibre financier du système de sécurité sociale, la protection des consommateurs, des destinataires de services et des travailleurs, la loyauté des transactions commerciales, la lutte contre la fraude, la protection de l’environnement et de l’environnement urbain, la santé des animaux, la propriété intellectuelle, la conservation du patrimoine national historique et artistique, des objectifs de politique sociale et des objectifs de politique culturelle ;

[...] »

4.

La section 1, intitulée « Autorisations », du Chapitre III, intitulé « Liberté d’établissement des prestataires », de la directive services dispose :

« Article 9

Régimes d’autorisation

1. Les États membres ne peuvent subordonner l’accès à une activité de service et son exercice à un régime d’autorisation que si les conditions suivantes sont réunies :

a)

le régime d’autorisation n’est pas discriminatoire à l’égard du prestataire visé ;

b)

la nécessité d’un régime d’autorisation est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général ;

c)

l’objectif poursuivi ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle.

[...]

Article 11

Durée de l’autorisation

1. L’autorisation octroyée au prestataire ne doit pas avoir une durée limitée, à l’exception des cas suivants :

a)

l’autorisation fait l’objet d’un renouvellement automatique ou est subordonnée seulement à l’accomplissement continu d’exigences ;

b)

le nombre d’autorisations disponibles est limité par une raison impérieuse d’intérêt général ;

ou

c)

une durée limitée d’autorisation est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général.

[...]

Article 13

Procédures d’autorisation

1. Les procédures et formalités d’autorisation doivent être claires, rendues publiques à l’avance et propres à garantir aux parties concernées que leur demande sera traitée avec objectivité et impartialité.

2. Les procédures et formalités d’autorisation ne doivent pas être dissuasives ni compliquer ou retarder indûment la prestation du service. Elles doivent être facilement accessibles et les charges qui peuvent en découler pour les demandeurs doivent être raisonnables et proportionnées aux coûts des procédures d’autorisation et ne pas dépasser le coût des procédures.

[...] »

5.

La section 1, intitulée « Libre prestation des services et dérogations y afférentes », du chapitre IV, intitulé « Libre circulation des services », de la directive services dispose :

« Article 16

Libre prestation des services

1. Les États membres respectent le droit des prestataires de fournir des services dans un État membre autre que celui dans lequel ils sont établis.

L’État membre dans lequel le service est fourni garantit le libre accès à l’activité de service ainsi que son libre exercice sur son territoire.

Les États membres ne peuvent pas subordonner l’accès à une activité de service ou son exercice sur leur territoire à des exigences qui ne satisfont pas aux principes suivants :

a)

la non-discrimination : l’exigence ne peut être directement ou indirectement discriminatoire en raison de la nationalité ou, dans le cas de personnes morales, en raison de l’État membre dans lequel elles sont établies ;

b)

la nécessité : l’exigence doit être justifiée par des raisons d’ordre public, de sécurité publique, de santé publique ou de protection de l’environnement ;

c)

la proportionnalité : l’exigence doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

[...]

3. Les présentes dispositions n’empêchent pas l’État membre dans lequel le prestataire se déplace pour fournir son service d’imposer des exigences concernant la prestation de l’activité de service lorsque ces exigences sont justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique, de santé publique ou de protection de l’environnement et conformément au paragraphe 1. Elles n’empêchent pas non plus cet État membre d’appliquer, conformément au droit [de l’Union], ses règles en matière de conditions d’emploi, y compris celles énoncées dans des conventions collectives.

[...] »

B – Le droit du Royaume-Uni

6.

Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a transposé la directive services dans son droit interne par le Provision of Services Regulations 2009 (SI 2009/2999) [règlement sur la fourniture de services de 2009 (SI 2009/2999), ci-après le « règlement de 2009 »].

7.

La règle 4 de ce règlement définit le terme « régime d’autorisation » comme « tout arrangement qui a pour effet d’obliger le prestataire ou destinataire d’un service à obtenir l’autorisation d’une autorité compétente ou à notifier à une autorité compétente en vue d’avoir accès à une activité de service ou de l’exercer ».

8.

La règle 18, paragraphes 2 à 4, de ce règlement dispose :

« (2)

Les procédures et formalités prévues par une autorité compétente aux termes d’un régime d’autorisation ne doivent pas

(a)

être dissuasives, ni

(b)

compliquer ou retarder indûment la prestation du service.

(3)

Les procédures et formalités prévues par une autorité compétente aux termes d’un régime d’autorisation doivent être facilement accessibles.

(4)

Les charges prévues par une autorité compétente qui peuvent découler d’un régime d’autorisation pour les demandeurs doivent être raisonnables et proportionnées aux coûts des procédures et formalités d’autorisation aux termes du régime et ne pas dépasser le coût des procédures et formalités. »

9.

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