European Commission v Kingdom of Spain.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:33
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-184/11
Date23 January 2014
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number62011CC0184
62011CC0184

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 23 janvier 2014 ( 1 )

Affaire C‑184/11

Commission européenne

contre

Royaume d’Espagne

«Décisions de la Commission constatant l’incompatibilité d’une aide d’État avec le marché commun — Mesures nécessaires pour se conformer à ces décisions — Arrêt de la Cour de justice constatant que l’État membre a manqué aux obligations qui lui incombent — Défaut d’exécution de l’arrêt dans les délais — Astreinte»

1.

En 2001, la Commission européenne a constaté, dans six décisions, que certaines mesures fiscales adoptées par la Comunidad Autónoma del País Vasco (Pays basque) étaient des aides d’État incompatibles avec le marché commun et elle a invité le Royaume d’Espagne à les récupérer. En 2006, la Commission a obtenu de la Cour un arrêt déclarant que le Royaume d’Espagne ne s’était pas conformé à ces décisions. La Commission veut maintenant qu’il soit déclaré que le Royaume d’Espagne ne s’est pas conformé à cet arrêt en temps utile et qu’il doit verser une somme forfaitaire en manière de sanction pour la période d’inexécution.

2.

Le Royaume d’Espagne soutient que la Commission aurait surévalué les montants qui auraient dû être récupérés et que, en toute hypothèse, le montant de la sanction imposée devrait être inférieur à ce que la Commission a demandé.

Contexte

L’aide et les décisions de 2001

3.

Entre 1994 et 1997, les trois provinces du Pays basque – Álava, Vizcaya et Guipúzcoa ( 2 ) – ont toutes adopté des mesures fiscales de deux types, qui sont restées en vigueur jusque 1999 ou 2000: un crédit d’impôt pour entreprise, égal à 45 % des investissements de celle-ci, et une réduction dégressive sur quatre ans de la base imposable des entreprises nouvelles, ces mesures étant toutes deux soumises à conditions.

4.

Ces mesures n’ont pas été notifiées à la Commission. Lorsque cette dernière en a eu connaissance, elle a décidé d’ouvrir la procédure au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE ( 3 ). Le 11 juillet 2001, elle a adopté six décisions ( 4 ).

5.

Dans chacune, la Commission a constaté que la mesure en cause constituait un régime d’aide. Faute de détails au sujet des bénéficiaires effectifs, il suffisait que les bénéficiaires potentiels puissent bénéficier d’une aide non conforme aux directives, aux lignes directrices et aux encadrements applicables ( 5 ). Avant de conclure que les régimes en question avaient été illégalement mis en œuvre et étaient incompatibles avec le marché commun, la Commission a souligné que les décisions s’entendaient «sans préjudice de la possibilité que des aides individuelles soient considérées, totalement ou partiellement, comme compatibles avec le marché commun sur la base de leurs caractéristiques propres, que ce soit dans le cadre d’une décision ultérieure de la Commission ou en application des règlements d’exemption» ( 6 ). Ainsi, aucune des décisions n’a identifié une aide spécifique comme incompatible avec le marché commun et aucune n’a exclu la possibilité qu’une partie de l’aide puisse être compatible. Toutefois, tous les régimes d’aide ont été déclarés incompatibles.

Les appréciations portées sur la compatibilité

– Les régimes de crédit d’impôt de 45 %

6.

Les appréciations sont globalement les mêmes dans les trois décisions ( 7 ). L’aide pourrait être considérée comme une aide à l’investissement au sens des lignes directrices de 1998 concernant les aides d’État à finalité régionale ( 8 ), à condition qu’elle soit basée sur un montant investi dans la région et qu’elle soit soumise à un plafond exprimé sous forme de pourcentage de ce montant. Toutefois, le produit intérieur brut (PIB) régional par habitant était trop élevé pour appliquer la dérogation régionale de l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE et, en ce qui concerne l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, le plafond en termes d’équivalent-subvention net (ESN) n’a pas été respecté. Au demeurant, seuls les investissements initiaux étaient éligibles dans le cadre des lignes directrices, alors que les régimes en cause pouvaient s’appliquer à d’autres dépenses également. Il y avait encore d’autres exigences à remplir ( 9 ). Une aide ne remplissant pas les critères applicables devait être regardée comme une aide au fonctionnement et non comme une aide à l’investissement. Or, toute aide au fonctionnement doit remplir les critères fixés aux points 4.15 à 4.17 des lignes directrices de 1998 sur les aides à finalité régionale, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, puisque les provinces du Pays basque n’étaient ni des régions ultrapériphériques ni des régions à faible densité de population. Par conséquent, les régimes d’aide n’étaient pas conformes aux règles sur l’aide régionale. D’ailleurs, l’aide aux investissements en dehors de la région ne pouvait être regardée comme régionale et la possibilité d’une dérogation au titre de l’aide aux petites et moyennes entreprises (PME) était exclue, puisque l’aide n’était pas limitée à 7,5 ou à 15 %, selon les cas, de l’équivalent-subvention brut (ESB). En tout cas, si certains secteurs ont été exclus des lignes directrices de 1998 sur les aides à finalité régionale, ils ne l’ont pas été des régimes d’aide en question.

– Les régimes de réduction de la base d’imposition

7.

Une nouvelle fois, les appréciations sont globalement les mêmes dans les trois décisions ( 10 ), et elles sont analogues à celles qui ont été portées sur les régimes de crédit d’impôt de 45 %. Le PIB par habitant était trop élevé pour que la dérogation de l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE s’applique. Malgré le fait que l’aide au développement régional pourrait être considérée comme compatible au titre de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, les régimes en question doivent être considérés non pas comme une aide à l’emploi ou à l’investissement, mais comme une aide au fonctionnement. Toutefois, tout comme dans le cas des régimes de crédit d’impôt de 45 % et pour les mêmes raisons, ils n’étaient pas conformes aux règles en matière d’aides régionales. L’aide ne pouvait pas non plus être considérée comme compatible dans la mesure où elle était accessible à des personnes soumises à certaines règles sectorielles, en particulier parce qu’elle ne remplissait pas la condition de ne pas promouvoir de nouvelles capacités de production. Finalement, aucune des autres dérogations prévues à l’article 87, paragraphes 2 et 3, CE ne pouvait entrer en ligne de compte.

8.

La Commission a donc apprécié les deux types de régime fiscal dans leur ensemble, au regard non des circonstances dans lesquelles ils ont été appliqués, mais des circonstances dans lesquelles ils pourraient l’être.

Les dispositifs des décisions de 2001

9.

Dans chaque décision, l’article 1er a constaté que le régime d’aide pertinent avait été illégalement mis en œuvre et était incompatible avec le marché commun. L’article 2 a imposé au Royaume d’Espagne de supprimer le régime en question. L’article 3, paragraphe 1, a exigé que le Royaume d’Espagne prenne «toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de leurs bénéficiaires les aides visées à l’article 1er et déjà illégalement mises à leur disposition» et suspende tout versement des aides non encore versées. Aux termes de l’article 3, paragraphe 2, l’aide devait être récupérée sans retard conformément à des procédures nationales immédiates et effectives et les sommes correspondantes devaient porter intérêts.

Les procédures en annulation, les pourvois et les procédures en manquement

10.

Les autorités des provinces du Pays basque ont saisi le Tribunal de première instance de recours en annulation contre les six décisions.

11.

Comme ces procédures n’avaient pas d’effet suspensif, la Commission a rappelé aux autorités espagnoles l’obligation de récupérer l’aide déclarée illégale dans les décisions de 2001. Après quelque deux ans d’échanges sans résultat, la Commission a introduit six recours en manquement contre le Royaume d’Espagne en novembre 2003.

12.

Par arrêt du 14 décembre 2006 ( 11 ), la Cour a déclaré que, en n’ayant pas adopté dans le délai toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux articles 2 et 3 des six décisions, le Royaume d’Espagne avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu desdites décisions. En particulier, le Royaume d’Espagne a négligé d’adopter les mesures nécessaires pour récupérer l’aide mise à disposition ( 12 ). Toutefois, l’aide visée n’était pas identifiée dans l’arrêt de 2006 et la question de son identification n’avait d’ailleurs pas été abordée en cours de procédure.

13.

Les échanges qui ont suivi, entre décembre 2006 et novembre 2010, ont révélé des différences d’opinion quant aux montants qu’il y avait lieu de récupérer. Pendant cette période, le Royaume d’Espagne a récupéré une partie de l’aide. La Commission a également considéré que le Royaume d’Espagne ne fournissait pas suffisamment d’information. Agissant au titre de l’article 228, paragraphe 2, CE, elle a envoyé le 11 juillet 2007 une lettre de mise en demeure, puis un avis motivé du 26 juin 2008, pour obtenir que l’arrêt de 2006 soit entièrement mis en œuvre dans un délai de deux mois, c’est-à-dire au plus tard le 26 août 2008.

14.

Le 9 septembre 2009, le Tribunal de première instance a rejeté les recours en annulation ( 13 ). Les pourvois introduits par les autorités des provinces basques ont été rejetés le 28 juillet 2011 ( 14 ).

15.

Dans son arrêt relatif au régime de crédit d’impôt de 45 %, la Cour a rappelé que, lorsque la Commission statue de façon générale et abstraite sur un régime d’aide d’État, elle n’est pas tenue d’analyser des cas individuels. Ce n’est qu’au...

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