Agip Petroli SpA v Capitaneria di porto di Siracusa and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:755
Date08 December 2005
Celex Number62004CC0456
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-456/04

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme JULIANE Kokott

présentées le 8 décembre 2005 (1)

Affaire C-456/04

Agip Petroli SpA

contre

Ministero delle Infrastrutture e dei Trasporti,

Capitaneria di porto di Siracusa – Sezione staccata di Santa Panagia

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale amministrativo regionale per la Sicilia (Italie)]

«Transports maritimes – Libre prestation des services – Cabotage maritime – Article 3, paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 3577/92 – Cabotage avec les îles – Navires jaugeant plus de 650 tonnes brutes – Questions concernant l’équipage des navires – Droit applicable – État du pavillon ou État d’accueil – Notion de ‘Voyage qui suit ou précède un voyage à destination d’un autre État’»





I – Introduction

1. La demande du Tribunale amministrativo regionale per la Sicilia (2) (Italie) a trait à la portée de la libre prestation de services en matière de cabotage maritime.

2. La juridiction de renvoi demande à la Cour de justice de lui dire si, dans le cas de cabotage avec les îles (3) au moyen de navires de transport de marchandises jaugeant plus de 650 tonnes brutes, la réglementation en matière d’équipage est celle de l’État du pavillon ou celle de l’État où a lieu ledit cabotage avec les îles lorsque le voyage de cabotage suit ou précède un voyage international sans cargaison à bord. Cette question a une apparence technique mais elle est d’une importance considérable pour le secteur du transport maritime (4) qui représentait en 2002 quelque 41 % des prestations de transport à l’intérieur de la Communauté et qui était ainsi presque à égalité, à la première place, avec le transport sur route (5).

3. La juridiction de renvoi juge nécessaire de disposer d’une réponse à cette question pour statuer sur un litige qui oppose la société Agip Petroli SpA (ci-après «Agip Petroli») à, notamment, la Capitaneria di porto di Siracusa (capitainerie du port de Syracuse). Agip Petroli conteste entre autres une décision qui lui interdit de transporter du pétrole brut entre deux ports siciliens au motif que le parcours de continuation vers un port étranger devrait se faire sans cargaison et que l’équipage du navire ne remplissait pas les conditions posées par le droit italien.

II – Le cadre juridique

4. L’article 61, paragraphe 1, du traité CE (devenu, après modification, article 51, paragraphe 1, CE) dispose ce qui suit en ce qui concerne les rapports entre la libre circulation des services et le secteur des transports:

«La libre circulation des services, en matière de transports, est régie par les dispositions du titre relatif aux transports.»

5. Dans le titre relatif aux transports, l’article 84 du traité CE (devenu, après modification, article 80 CE) apporte les précisions suivantes:

«1. Les dispositions du présent titre s’appliquent aux transports par chemin de fer, par route et par voie navigable.

2. Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, pourra décider si, dans quelle mesure et par quelle procédure, des dispositions appropriées pourront être prises pour la navigation maritime […]»

6. Le Conseil, s’appuyant sur l’article 84, paragraphe 2, CE, a adopté le 7 décembre 1992 le règlement (CEE) n° 3577/92, concernant l’application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l’intérieur des États membres (cabotage maritime) (6). Son préambule prévoit notamment ceci:

«[3] considérant que l’abolition des restrictions à la prestation des services de transport maritime à l’intérieur des États membres est nécessaire à la création du marché intérieur; que le marché intérieur comporte un espace dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée;

[4] considérant que, de ce fait, la libre prestation des services devrait s’appliquer aux transports maritimes à l’intérieur des États membres;

[5] considérant que les bénéficiaires de cette liberté devraient être des armateurs communautaires exploitant des navires immatriculés dans un État membre et battant pavillon de cet État membre, que ce dernier ait ou non un littoral;

[6] […]

[7] considérant que, en vue d’éviter une distorsion de la concurrence, les armateurs communautaires bénéficiant de la libre prestation des services de cabotage devraient remplir toutes les conditions requises pour pratiquer le cabotage dans l’État membre dans lequel leurs navires sont immatriculés; que les armateurs communautaires exploitant des navires immatriculés dans un État membre qui n’ont pas le droit de pratiquer le cabotage dans cet État devraient néanmoins bénéficier du présent règlement au cours d’une période transitoire;

[8] considérant que la mise en œuvre de cette liberté devrait être progressive et ne pas suivre nécessairement un modèle uniforme pour tous les services concernés, compte tenu de la nature de certains services spécifiques et de l’étendue des efforts que certaines économies de la Communauté présentant des différences de développement devront supporter».

7. L’article 1er, paragraphe 1, du règlement pose en principe:

«À partir du 1er janvier 1993, la libre prestation des services de transport maritime à l’intérieur d’un État membre (cabotage maritime) s’applique aux armateurs communautaires exploitant des navires immatriculés dans un État membre et battant pavillon de cet État membre, sous réserve que ces navires remplissent toutes les conditions requises pour être admis au cabotage dans cet État membre […]»

8. L’article 2 du règlement donne notamment les définitions suivantes:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

1) ‘services de transport maritime à l’intérieur d’un État membre (cabotage maritime)’: les services normalement fournis contre rémunération et comprenant notamment:

[…]

c) ‘le cabotage avec les îles’: le transport par mer de passagers ou de marchandises entre: […]

– des ports situés sur les îles d’un seul et même État membre, […]».

9. D’après l’article 3 du règlement, enfin:

« […]

2. Pour les navires pratiquant le cabotage avec les îles, toutes les questions relatives à l’équipage relèvent de la responsabilité de l’État dans lequel le navire effectue un service de transport maritime (État d’accueil).

3. Toutefois, pour les navires de transport de marchandises jaugeant plus de 650 tonnes brutes et pratiquant le cabotage avec les îles, lorsque le voyage concerné suit ou précède un voyage à destination d’un autre État ou à partir d’un autre État, toutes les questions relatives à l’équipage relèveront, à partir du 1er janvier 1999, de la responsabilité de l’État dans lequel le navire est immatriculé (État du pavillon).

4. La Commission consacre un examen approfondi aux conséquences économiques et sociales de la libéralisation du cabotage avec les îles et présente un rapport au Conseil avant le 1er janvier 1997 au plus tard.

[…]»

III – Les faits, la procédure au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

10. Agip Petroli entendait transporter le 7 décembre 2001 du pétrole brut entre Magnisi (Sicile) et Gela (également en Sicile) et elle avait affrété à cette fin le Theodoros IV, pétrolier battant pavillon grec et jaugeant plus de 650 tonnes brutes. Après avoir déchargé sa cargaison de pétrole brut à Gela, le Theodoros IV devait poursuivre sa route sur lest et se rendre directement dans un port étranger.

11. Le 6 décembre 2001, la Capitaneria di porto di Siracusa a refusé à Agip Petroli l’autorisation d’effectuer le trajet Magnisi-Gela au motif que le Theodoros IV ne satisfaisait pas aux conditions prévues à l’article 318 du code de la navigation italien (Codice della navigazione). D’après cette disposition, l’équipage de navires pratiquant le cabotage avec les îles doit se composer exclusivement de ressortissants d’États membres de l’Union européenne. Or, quelques-uns des membres de l’équipage du Theodoros IV étaient de nationalité philippine, comme le droit grec l’autorise.

12. La Capitaneria di porto di Siracusa juge inapplicable le droit de l’État du pavillon, la République hellénique. Certes, l’article 3, paragraphe 3, du...

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