Sky Italia Srl v Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:323
Date16 May 2013
Celex Number62012CC0234
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑234/12
62012CC0234

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M ME JULIANE KOKOTT

présentées le 16 mai 2013 ( 1 )

Affaire C‑234/12

Sky Italia Srl

contre

Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (Italie)]

«Directive 2010/13/UE — Services de médias audiovisuels — Limitation du temps de diffusion de publicité télévisée — Réglementation nationale plus stricte pour les chaînes de télévision payantes que pour les chaînes en clair — Principe général d’égalité de traitement du droit de l’Union — Libertés fondamentales du marché intérieur européen — Liberté et pluralisme des médias»

I – Introduction

1.

Les publicités scintillent à intervalles plus ou moins réguliers sur les écrans de la plupart des télévisions européennes. Cette publicité télévisée, que la plupart des téléspectateurs ressentent comme une déplaisante interruption de leur programme, s’est depuis longtemps transformée en facteur économique non négligeable et constitue une source de revenus significative pour les organismes de radiodiffusion télévisuelle. Il n’est donc pas surprenant qu’elle soit aussi une source inépuisable de litiges.

2.

Pour protéger de façon équilibrée les intérêts des téléspectateurs et créer dans toute la mesure du possible des conditions de concurrence équivalentes pour l’ensemble des organisateurs de radiodiffusion télévisuelle établis en Europe, le droit de l’Union prévoit un temps maximum de diffusion de 20 % par heure pour les spots de publicité télévisée. Cette règle figure dans la directive «Services de médias audiovisuels» (directive 2010/13/UE) ( 2 ), qui s’est substituée à l’ancienne directive «Télévision sans frontières» (directive 89/552/CEE) ( 3 ).

3.

La publicité télévisée peut être régie par des règles nationales plus strictes à l’intérieur des limites fixées par le droit de l’Union. La République italienne a fait usage de cette possibilité en imposant des plafonds de diffusion différents aux organismes de radiodiffusion télévisuelle payante et aux organismes de radiodiffusion télévisuelle en clair. Ainsi les chaînes italiennes payantes ne pouvaient-elles au maximum diffuser, en 2011, que 14 % de publicité par heure, alors que ce chiffre était de 18 % pour les chaînes privées en clair.

4.

Comme une chaîne payante de Sky Italia Srl (ci-après «Sky Italia») avait diffusé un soir plus de publicité que ne l’autorise le droit national, l’autorité compétente de surveillance a infligé une amende à cette entreprise. Sky Italia a formé un recours juridictionnel contre cette décision et fait notamment valoir que la réglementation italienne est incompatible avec le droit de l’Union. L’entreprise Reti Televisive Italiane SpA (RTI), qui fait partie du groupe Mediaset, est également partie à la procédure au principal; c’est en Italie le plus gros organisme privé de radiodiffusion télévisuelle en clair.

5.

Le litige entre les parties au principal porte notamment sur le point de savoir si les limites horaires différentes au temps de transmission consacré à la publicité télévisée sont compatibles avec le principe général d’égalité de traitement du droit de l’Union et si elles sont de nature à compromettre la liberté et le pluralisme des médias.

II – Cadre juridique

A – Droit de l’Union

6.

Le cadre de cette affaire en droit de l’Union est régi, sur le plan du droit secondaire, par la directive 2010/13, dont le chapitre VII, «Publicité télévisée et téléachat», comporte l’article 23, paragraphe 1, qui se lit comme suit:

«Le pourcentage de temps de diffusion de spots de publicité télévisée et de spots de téléachat à l’intérieur d’une heure d’horloge donnée ne dépasse pas 20 %.»

7.

L’article 4, paragraphe 1, qui fait partie du chapitre II, «Dispositions générales», de la directive 2010/13, est également pertinent:

«Les États membres ont la faculté, en ce qui concerne les fournisseurs de services de médias qui relèvent de leur compétence, de prévoir des règles plus détaillées ou plus strictes dans les domaines couverts par la présente directive, sous réserve que ces règles soient conformes au droit de l’Union.»

8.

On renverra à titre complémentaire aux considérants 8, 10, 41, 83 et 87 du préambule de la directive 2010/13, qui ont le contenu suivant:

«[…]

(8)

Il est essentiel que les États membres veillent à ce que soient évités des actes préjudiciables à la libre circulation et au commerce des émissions télévisées ou susceptibles de favoriser la formation de positions dominantes qui imposeraient des limites au pluralisme et à la liberté de l’information télévisée ainsi que de l’information dans son ensemble.

[…]

(10)

[…] Compte tenu de l’importance de conditions de concurrence égales et d’un véritable marché européen des services de médias audiovisuels, les principes de base du marché intérieur, tels que la libre concurrence et l’égalité de traitement, devraient être respectés de manière à assurer la transparence et la prévisibilité sur les marchés des services de médias audiovisuels et à abaisser les barrières à l’entrée sur ces marchés.

[…]

(41)

Les États membres devraient pouvoir appliquer aux fournisseurs de services de médias relevant de leur compétence des règles plus spécifiques ou plus strictes dans les domaines coordonnés par la présente directive, en veillant à ce que ces règles soient en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union. […]

[…]

(83)

Pour assurer de façon complète et adéquate la protection des intérêts des consommateurs que sont les téléspectateurs, il est essentiel que la publicité télévisée soit soumise à un certain nombre de normes minimales et de critères, et que les États membres aient la faculté de fixer des règles plus strictes ou plus détaillées et, dans certains cas, des conditions différentes pour les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence.

[…]

(87)

Une limitation des 20 % de spots de publicité télévisée et de téléachat par heure d’horloge, s’appliquant aussi aux heures de grande écoute, devrait être prévue. […]

[…]»

B – Droit national

9.

En droit national, il convient de citer le décret législatif ( 4 ) no 177 du président de la République, du 31 juillet 2005 (ci-après le «décret législatif no 177/2005»), relatif au texte unique des services de médias audiovisuels et radiophoniques ( 5 ), dont l’article 38 («Limites horaires au temps de transmission») a fait l’objet d’une nouvelle rédaction avec effet au 30 mars 2010 ( 6 ) et dont les passages pertinents prévoient depuis lors les dispositions suivantes:

«1. La diffusion de messages publicitaires par le concessionnaire du service public général de radiotélévision ne peut dépasser 4 % du temps hebdomadaire de programmation ni 12 % de chaque heure; tout dépassement éventuel – qui ne peut, en tout état de cause, dépasser 2 % en une heure – doit être récupéré sur l’heure précédente ou suivante.

2. La diffusion de spots de publicité télévisée par les organismes de radiodiffusion télévisuelle en clair – y compris analogique – dans le cadre national, autres que le concessionnaire du service public général de radiotélévision, ne peut dépasser 15 % du temps quotidien de programmation ni 18 % de chaque heure d’horloge donnée; tout dépassement éventuel – qui ne peut, en tout état de cause, dépasser 2 % en une heure – doit être récupéré sur l’heure précédente ou suivante. […]

[…]

5. La diffusion de spots de publicité télévisée par les organismes de radiodiffusion télévisuelle payante – y compris analogique – ne peut dépasser 16 % pour l’année 2010, 14 % pour l’année 2011 et, à partir de l’année 2012, 12 % de chaque heure d’horloge donnée; tout dépassement éventuel – qui ne peut, en tout état de cause, dépasser 2 % en une heure – doit être récupéré sur l’heure précédente ou suivante.

[…]»

III – Faits et procédure au principal

10.

Par décision no 233/11/CSP, du 13 septembre 2011, l’Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni ( 7 ) (ci-après l’«AGCOM») a infligé une amende de 10329 euros à Sky Italia pour violation des limites horaires au temps de transmission consacré à la publicité ( 8 ).

11.

Selon les constatations de l’AGCOM, Sky Italia a diffusé, le 5 mars 2011, dans la tranche horaire comprise entre 21 et 22 h, sur sa chaîne de télévision payante, Sky Sport 1, un total de 24 spots publicitaires pour une durée globale de 10 minutes et 4 secondes, soit plus de 16 % de l’heure de diffusion. La limite autorisée au temps de transmission consacré à la publicité télévisée, prévue à l’article 38, paragraphe 5, du décret législatif no 177/2005, qui était alors de 14 % par heure, se trouvait donc dépassée de plus de deux points de pourcentage.

12.

Sky Italia a formé un recours contre la décision litigieuse devant le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio ( 9 ). Sky Italia fait en substance valoir que cette décision est illégale au motif que la base légale sur laquelle elle repose, à savoir l’article 38, paragraphe 5, du décret législatif no 177/2005, est contraire au droit de l’Union ( 10 ).

IV – Demande de décision préjudicielle et procédure devant la Cour

13.

Le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio ( 11 ) éprouve des doutes quant à la compatibilité de la situation juridique nationale avec le droit de l’Union. Par ordonnance du 7 mars 2012, il a donc sursis à statuer et saisi la Cour des questions suivantes:

«1)

L’article 4 de la directive 2010/13/UE, le principe général d’égalité et les dispositions du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne en matière de libre...

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