Bundeswettbewerbsbehörde and Bundeskartellanwalt v Schenker & Co. AG and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:126
Date28 February 2013
Celex Number62011CC0681
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑681/11
62011CC0681

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M ME JULIANE KOKOTT

présentées le 28 février 2013 ( 1 )

Affaire C‑681/11

Schenker & Co. AG e.a.

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberster Gerichtshof (Autriche)]

«Concurrence — Ententes — Article 85 du traité CEE, article 81 du traité CE et article 101 TFUE — Règlement (CE) no 1/2003 — Erreur d’une entreprise sur le caractère illégal de son comportement en matière d’ententes (erreur sur la licéité d’un comportement) — Caractère excusable de l’erreur — Confiance placée dans l’avis d’un avocat — Confiance placée dans le bien-fondé d’une décision d’une autorité nationale de concurrence — Règles de clémence en vertu du droit national de la concurrence — Faculté d’une autorité nationale de concurrence de constater une infraction au droit des ententes sans infliger de sanction»

I – Introduction

1.

Une entreprise peut-elle être poursuivie pour infraction au droit des ententes alors qu’elle a considéré, par erreur, que son comportement était licite? Telle est, en substance, la question à laquelle la Cour doit répondre en l’espèce.

2.

Plusieurs entreprises de transports sont poursuivies par l’autorité autrichienne de la concurrence pour violation de l’article 101 TFUE et des dispositions correspondantes du droit national des ententes, au motif qu’elles ont conclu des accords sur les prix pendant de longues années. Les entreprises concernées objectent, pour l’essentiel, qu’elles se sont fiées en toute bonne foi à l’avis d’un cabinet d’avocats spécialisé ainsi qu’à la décision d’une juridiction nationale compétente, si bien qu’elles ne peuvent pas être accusées d’avoir participé à une infraction au droit des ententes ni se voir infliger des amendes.

3.

Cette affaire montre une nouvelle fois que les autorités et juridictions de la concurrence sont, lors de l’exécution de leurs tâches, confrontées à des problèmes qui ne sont pas sans rappeler ceux du droit pénal et dont la résolution soulève des questions délicates en matière de protection des droits fondamentaux. Les orientations que la Cour donnera à ce sujet sont d’une importance fondamentale pour l’évolution et la mise en œuvre concrète du droit européen de la concurrence, tant au niveau de l’Union que sur le plan national.

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

4.

Au niveau du droit primaire de l’Union, la présente affaire est régie par les articles 85 du traité C(E)E et 81 du traité CE ainsi que par les principes généraux du droit de l’Union. Au niveau du droit dérivé, c’est le règlement no 17 ( 2 ) qui est pertinent pour la période allant jusqu’au 30 avril 2004, tandis que le règlement (CE) no 1/2003 ( 3 ) a vocation à régir la période postérieure au 1er mai 2004.

1. Le règlement no 17

5.

En vertu de l’article 2 du règlement no 17, les entreprises et associations d’entreprises avaient la possibilité d’obtenir de la Commission européenne une «attestation négative»:

«La Commission peut constater, sur demande des entreprises et associations d’entreprises intéressées, qu’il n’y a pas lieu pour elle, en fonction des éléments dont elle a connaissance, d’intervenir à l’égard d’un accord, d’une décision ou d’une pratique en vertu des dispositions de l’article 85, paragraphe 1, ou de l’article 86 du traité [CEE].»

2. Le règlement no 1/2003

6.

L’article 5 du règlement no 1/2003 dispose, sous l’intitulé «Compétence des autorités de concurrence des États membres»:

«Les autorités de concurrence des États membres sont compétentes pour appliquer les articles 81 et 82 du traité [CE] dans des cas individuels. À cette fin, elles peuvent, agissant d’office ou saisies d’une plainte, adopter les décisions suivantes:

ordonner la cessation d’une infraction,

ordonner des mesures provisoires,

accepter des engagements,

infliger des amendes, astreintes ou toute autre sanction prévue par leur droit national.

Lorsqu’elles considèrent, sur la base des informations dont elles disposent, que les conditions d’une interdiction ne sont pas réunies, elles peuvent également décider qu’il n’y a pas lieu pour elles d’intervenir.»

7.

Par ailleurs, l’article 6 du règlement no 1/2003 contient la règle suivante sur la «[c]ompétence des juridictions nationales»:

«Les juridictions nationales sont compétentes pour appliquer les articles 81 et 82 du traité [CE].»

8.

En vertu de l’article 35, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, des juridictions peuvent également figurer parmi les autorités nationales de concurrence désignées pour appliquer les articles 81 et 82 du traité CE.

9.

Les compétences de la Commission sont régies comme suit à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1/2003:

«Si la Commission, agissant d’office ou saisie d’une plainte, constate l’existence d’une infraction aux dispositions de l’article 81 ou 82 du traité [CE], elle peut obliger par voie de décision les entreprises et associations d’entreprises intéressées à mettre fin à l’infraction constatée. [...] Lorsque la Commission y a un intérêt légitime, elle peut également constater qu’une infraction a été commise dans le passé.»

10.

Par ailleurs, l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 accorde à la Commission la faculté d’infliger des amendes:

«La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

a)

elles commettent une infraction aux dispositions de l’article 81 ou 82 du traité [CE] [...]»

11.

Il convient également de mentionner, à titre complémentaire, l’article 10 du règlement no 1/2003, qui contient la disposition suivante en matière de «constatation d’inapplication»:

«Lorsque l’intérêt public communautaire concernant l’application des articles 81 et 82 du traité [CE] le requiert, la Commission, agissant d’office, peut constater par voie de décision que l’article 81 du traité [CE] est inapplicable à un accord, une décision d’association d’entreprises ou une pratique concertée soit parce que les conditions de l’article 81, paragraphe 1, du traité [CE] ne sont pas remplies, soit parce que les conditions de l’article 81, paragraphe 3, du traité [CE] sont remplies.

[...]»

B – Le droit national

12.

La loi sur les ententes de 1988 (Kartellgesetz 1988, ci-après le «KartG 1988») ( 4 ) s’est appliquée en Autriche du 1er janvier 1989 au 31 décembre 2005. L’article 16 du KartG 1988 définissait comme suit la notion d’«ententes mineures»:

«Les ententes d’importance mineure sont des ententes dont la part dans l’approvisionnement, au moment où elles ont vu le jour,

1)

est inférieure à 5 % de l’ensemble du marché national et

2)

est inférieure à 25 % d’un éventuel sous-marché local qui existerait dans le marché national.»

13.

En vertu de l’article 18, paragraphe 1, point 1, du KartG 1988, les ententes mineures pouvaient être mises en œuvre avant même leur autorisation définitivement valide, à moins que les seuils définis à l’article 16 du KartG 1988 ne soient plus remplis à la suite de l’adhésion d’une entreprise.

14.

La loi sur les ententes de 2005 (Kartellgesetz 2005, ci-après le «KartG 2005») ( 5 ) s’applique depuis le 1er janvier 2006 en Autriche. L’article 1er, paragraphe 1, de cette loi interdit, de manière similaire à l’article 81, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 101, paragraphe 1, TFUE), les pratiques anticoncurrentielles. Là encore, l’article 2, paragraphe 2, point 1, du KartG 2005 exclut de cette règle:

«les ententes auxquelles participent des entreprises dont la part commune est inférieure à 5 % dans l’ensemble du marché national et à 25 % dans un éventuel sous-marché local qui existerait dans le marché national (ententes d’importance mineure)».

15.

L’article 28, paragraphe 1, du KartG 2005 dispose:

«Lorsqu’une infraction [...] a cessé, le Kartellgericht [juridiction autrichienne en matière d’ententes] est tenu de la constater dès lors qu’il existe un intérêt légitime.»

III – Les faits et le litige au principal

16.

Les juridictions autrichiennes compétentes en matière d’ententes ont été saisies d’un litige opposant la Bundeswettbewerbsbehörde (autorité autrichienne de la concurrence) à toute une série d’entreprises de transports opérant en Autriche.

17.

Ce litige a pour origine un cartel composé d’une quarantaine d’entreprises de transports qui, pendant de nombreuses années, ont opéré sur le marché des prestations de transports sous la forme d’une «communauté d’intérêts» (conférence des transporteurs de colis groupés ou Spediteurs-Sammelladungs-Konferenz, ci-après la «SSK») ( 6 ). Dans le cadre de la SSK, les entreprises de transports ont notamment conclu des accords sur les tarifs du transport national de colis groupés (prestations de transport dans le cadre desquelles des envois individuels provenant de différents expéditeurs sont, au niveau logistique, regroupés dans un même chargement avant d’être répartis vers les divers lieux d’acheminement).

18.

La SSK est apparue au milieu des années 1990. Compte tenu de la création de l’Espace économique européen le 1er janvier 1994, les entreprises participantes ont souhaité prévenir tout conflit avec le droit européen de la concurrence et ont par conséquent limité leur collaboration au territoire de la République d’Autriche.

19.

Le 30 mai 1994, la SSK a pris la forme d’une société civile sous la condition suspensive de son autorisation par le Kartellgericht.

20.

Le 28 juin 1994...

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