Essent Belgium NV v Vlaamse Reguleringsinstantie voor de Elektriciteits- en Gasmarkt.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:294
Date08 May 2013
Celex Number62012CC0204
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑204/12,C‑208/12
62012CC0204

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 8 mai 2013 ( 1 )

Affaires jointes C‑204/12 à C‑208/12

Essent Belgium NV

contre

Vlaamse Reguleringsinstantie voor de Elektriciteits- en Gasmarkt

[demandes de décision préjudicielle formées par le rechtbank van eerste aanleg te Brussel (Belgique)]

«Libre circulation des marchandises — Mesures d’effet équivalent à une restriction quantitative — Directive 2001/77/CE — Régimes nationaux de soutien aux énergies renouvelables — Obligation faite aux fournisseurs d’électricité d’acquérir des certificats verts — Interdiction de prise en compte des garanties d’origine en provenance d’autres États membres de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen»

1.

L’instauration d’un régime de soutien à l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables qui octroie des certificats verts aux producteurs d’électricité verte établis dans une région déterminée et impose aux distributeurs d’électricité de remettre chaque année un nombre de certificats verts correspondant à un quota, en leur interdisant d’utiliser des garanties d’origine délivrées dans un autre État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen (EEE), est-elle compatible avec la libre circulation des marchandises et l’interdiction des discriminations?

2.

Telle est, en substance, la question principale posée par les présentes demandes de décision préjudicielle qui portent, également, sur l’interprétation des dispositions de la directive 2001/77/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 septembre 2001, relative à la promotion de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables sur le marché intérieur de l’électricité ( 2 ), et de la directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 96/92/CE ( 3 ).

3.

Intervenant dans une zone d’interférence et de confrontation potentielle entre deux forces très puissantes de la construction européenne, la libre circulation des marchandises et la protection de l’environnement, les présentes affaires paraissent, de prime abord, contraindre la Cour à se livrer à un exercice difficile et périlleux de conciliation et de recherche d’un équilibre entre ces objectifs qui ont tous deux une valeur fondamentale.

4.

Toutefois, la Cour n’aura pas, selon nous, à se consacrer à cet exercice, car la réglementation nationale en cause, en ce qu’elle interdit la prise en compte des garanties d’origine en provenance de l’étranger, n’a pas et ne peut avoir pour objectif la protection de l’environnement.

5.

Dans les présentes conclusions, nous soutiendrons que si l’article 5 de la directive 2001/77 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation interne de soutien aux énergies renouvelables, telle que celle en cause au principal qui, en octroyant des certificats verts aux producteurs d’électricité verte dans une région déterminée et en imposant aux distributeurs d’électricité de remettre chaque année un nombre de certificats verts correspondant à un quota, exclut la prise en compte des garanties d’origine délivrées dans un autre État membre de l’Union ou de l’EEE, en revanche, les articles 28 CE et 11 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 ( 4 ), s’opposent à une telle réglementation, qui entrave, de façon discriminatoire, le commerce entre les États membres sans être justifiée par des exigences impératives relevant de la protection de l’environnement.

I – Le droit applicable

A – Le droit de l’Union

1. La directive 2001/77

6.

Arrêtée, selon son considérant 1, afin de contribuer à la protection de l’environnement et au développement durable, de générer des emplois sur place, de renforcer la cohésion sociale, de contribuer à la sécurité des approvisionnements et d’accélérer la réalisation des objectifs fixés dans le protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, adopté le 11 décembre 1997 ( 5 ) et approuvé au nom de la Communauté européenne par la décision 2002/358/CE ( 6 ), la directive 2001/77 a fixé des objectifs indicatifs nationaux de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables, afin d’atteindre une part globale de 22 % en 2010.

7.

Les considérants 10, 11 et 14 à 16 de la directive 2001/77 étaient ainsi rédigés:

«(10)

En vertu de la présente directive, les États membres ne sont pas tenus de reconnaître que l’acquisition d’une garantie d’origine auprès d’autres États membres ou l’achat correspondant d’électricité constitue une contribution au respect d’un quota national obligatoire. Toutefois, pour faciliter les échanges d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables et pour accroître la transparence pour le choix du consommateur entre l’électricité produite à partir de sources d’énergie non renouvelables et l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables, la garantie d’origine de cette électricité est requise. Les régimes prévus pour la garantie d’origine n’entraînent pas par nature le droit de bénéficier des mécanismes de soutien nationaux instaurés dans différents États membres. Il importe que toutes les formes d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables soient couvertes par de telles garanties d’origine.

(11)

Il importe de bien distinguer les garanties d’origine des certificats verts échangeables.

[...]

(14)

Les États membres appliquent différents mécanismes de soutien des sources d’énergie renouvelables au niveau national, notamment des certificats verts, une aide à l’investissement, des exonérations ou réductions fiscales, des remboursements d’impôt ou des régimes de soutien direct des prix. Un moyen important pour réaliser l’objectif de la présente directive est de garantir le bon fonctionnement de ces mécanismes, jusqu’à ce qu’un cadre communautaire soit mis en œuvre, de façon à conserver la confiance des investisseurs.

(15)

Il est prématuré d’arrêter un cadre communautaire concernant les régimes de soutien, étant donné l’expérience limitée des régimes nationaux et la part actuellement assez faible de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables dont le prix est soutenu dans la Communauté.

(16)

Après une période transitoire suffisante, il est toutefois nécessaire d’adapter les régimes de soutien aux principes du marché intérieur de l’électricité en expansion. [...]»

8.

L’article 1er de la directive 2001/77 disposait que celle-ci «a pour objet de favoriser une augmentation de la contribution des sources d’énergie renouvelables dans la production d’électricité sur le marché intérieur de l’électricité et de jeter les bases d’un futur cadre communautaire en la matière».

9.

Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive:

«Les États membres prennent des mesures appropriées pour promouvoir l’accroissement de la consommation d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables conformément aux objectifs indicatifs nationaux visés au paragraphe 2. Ces mesures doivent être proportionnées à l’objectif à atteindre.»

10.

L’article 4 de ladite directive, intitulé «Régimes de soutien», énonçait:

«1. Sans préjudice des articles 87 et 88 du traité [CE], la Commission évalue l’application des mécanismes mis en œuvre dans les États membres par lesquels un producteur d’électricité bénéficie, sur la base d’une réglementation édictée par les autorités publiques, d’aides directes ou indirectes, et qui pourraient avoir pour effet de limiter les échanges, en tenant compte du fait que ces mécanismes contribuent à la réalisation des objectifs visés aux articles 6 et 174 du traité [CE].

2. La Commission présente, au plus tard le 27 octobre 2005, un rapport [...] accompagné, le cas échéant, d’une proposition de cadre communautaire relatif aux régimes de soutien de l’électricité produite à partir de sources renouvelables.

Tout cadre proposé devrait:

[...]

b)

être compatible avec les principes du marché intérieur de l’électricité;

[...]»

11.

L’article 5 de la directive 2001/77, intitulé «Garantie d’origine de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables», prévoyait:

«1. Au plus tard le 27 octobre 2003, les États membres font en sorte que l’origine de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables puisse être garantie comme telle au sens de la présente directive, selon des critères objectifs, transparents et non discriminatoires définis par chaque État membre. Ils veillent à ce que des garanties d’origine soient délivrées à cet effet en réponse à une demande.

[...]

3. Les garanties d’origine:

mentionnent la source d’énergie à partir de laquelle l’électricité a été produite, spécifient les dates et lieux de production et, dans le cas des installations hydroélectriques, précisent la capacité,

ont pour but de permettre aux producteurs d’électricité utilisant des sources d’énergie renouvelables d’établir que l’électricité qu’ils vendent est produite à partir de sources d’énergie renouvelables.

4. Les garanties d’origine délivrées conformément au paragraphe 2 devraient être mutuellement reconnues par les États membres, exclusivement à titre de preuve des éléments visés au paragraphe 3. Tout refus de reconnaître des garanties d’origine comme une telle preuve, notamment pour des raisons liées à la prévention des fraudes, doit se fonder sur des critères objectifs, transparents et non discriminatoires. [...]»

...

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