Gaetano Verdoliva v J. M. Van der Hoeven BV, Banco di Sardegna and San Paolo IMI SpA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:722
Date24 November 2005
Celex Number62005CC0003
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-3/05

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 24 novembre 2005 (1)

Affaire C-3/05

Gaetano Verdoliva

contre

J. M. Van der Hoeven BV e.a.

[demande de décision préjudicielle formée par la Corte d’appello di Cagliari (Italie)]

«Convention de Bruxelles – Article 36 – Notion de signification – Signification irrégulière de la décision d’exequatur – Assimilation de la connaissance à la signification – Purge des défauts de signification par la connaissance de la décision d’exequatur»





I – Introduction

1. Dans cette affaire, la Corte d’appello di Cagliari (Italie) interroge la Cour de justice à propos de l’interprétation qu’il convient de donner à l’article 36 de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (2) (ci-après la «convention de Bruxelles» ou la «convention»). Il s’agit en particulier de savoir si, dans l’hypothèse où la décision d’exequatur n’a pas été signifiée ou l’a été de manière irrégulière, la connaissance de cette décision peut néanmoins suffire à faire courir le délai prévu à l’article 36 de la convention.

II – Le cadre juridique

A – La convention de Bruxelles

2. En vertu de l’article 26 de la convention de Bruxelles, les décisions rendues dans un État contractant sont reconnues dans les autres États contractants, sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure.

3. Les articles 27 et 28 de la convention énumèrent de façon limitative les motifs pour lesquels la reconnaissance doit être refusée. L’article 27, point 2, prévoit que la décision étrangère n’est pas reconnue:

«si l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent n’a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant, régulièrement et en temps utile, pour qu’il puisse se défendre».

4. En vertu de l’article 31 de la convention de Bruxelles, les décisions rendues dans un État contractant et qui y sont exécutoires sont mises à exécution dans un autre État contractant après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée. L’article 34 ajoute que le juge saisi de la requête statue, sans que la partie contre laquelle l’exécution est demandée puisse en cet état de la procédure présenter d’observations.

5. L’article 35 prévoit que la décision rendue sur requête est aussitôt portée à la connaissance du requérant, à la diligence du greffier, suivant les modalités déterminées par la loi de l’État requis. En cas de rejet de sa requête, le requérant peut introduire un recours, conformément à l’article 40 de la convention.

6. L’article 36 de la convention de Bruxelles concerne la voie de recours ouverte à la partie contre laquelle l’exécution est poursuivie. Il est ainsi rédigé:

«Si l’exécution est autorisée, la partie contre laquelle l’exécution est demandée peut former un recours contre la décision dans le mois de sa signification.

Si cette partie est domiciliée dans un État contractant autre que celui où la décision qui autorise l’exécution a été rendue, le délai est de deux mois et court du jour où la signification a été faite à personne ou à domicile. Ce délai ne comporte pas de prorogation à raison de la distance.»

7. Conformément à ce que prévoit l’article 37 de la convention de Bruxelles, le recours prévu à l’article 36 doit être introduit en Italie auprès de la Corte d’appello. L’article 39 dispose que, tant que le délai de recours prévu à l’article 36 n’est pas venu à expiration, et tant qu’il n’a pas été statué sur le recours, il ne peut pas être procédé à des mesures autres que conservatoires sur les biens de la partie contre laquelle l’exécution est demandée.

B – Le droit national

8. En vertu de l’article 143 du code de procédure civile (Codice di Procedura Civile, ci-après le «CPC»), la signification aux personnes dont le domicile est inconnu s’effectue par le dépôt d’une copie de l’acte par l’huissier à la mairie de la commune du dernier domicile de l’intéressé, ainsi que par affichage d’une autre copie au tableau officiel de l’huissier.

9. Selon les explications fournies par la juridiction de renvoi, le dépôt de l’acte en mairie et son affichage au tableau officiel sont considérés par la jurisprudence de la Corte suprema di cassazione comme des formalités substantielles, si bien que, en leur absence, la signification est réputée inexistante (3). En outre, la jurisprudence de la Corte suprema di cassazione considère une signification effectuée en vertu de l’article 143 du CPC comme «nulle si l’huissier n’indique pas dans son procès-verbal les recherches et tentatives qu’il a effectuées pour localiser le domicile du destinataire» (4).

10. Les règles gouvernant la procédure d’injonction de payer («decreto ingiuntivo»), contenues dans les articles 633 à 659 du CPC, incluent à l’article 650 une disposition régissant l’opposition tardive contre une ordonnance portant injonction de payer (5). L’article 650 est ainsi rédigé:

«Le destinataire de l’injonction peut faire opposition même après l’expiration du délai fixé dans l’ordonnance s’il prouve ne pas en avoir eu connaissance en temps utile, en raison de l’irrégularité de la signification ou en raison d’un cas fortuit ou de force majeure […].

L’opposition n’est plus recevable passé un délai de dix jours à compter du premier acte d’exécution.»

III – Les faits et les questions préjudicielles

11. Par jugement rendu par défaut le 14 septembre 1993, l’Arrondissementsrechtsbank Den Haag (Pays‑Bas) a condamné M. Gaetano Verdoliva, domicilié en Italie, à payer la somme principale de 365 000 NLG à la société de droit néerlandais J. M. Van der Hoeven BV (ci-après «Van der Hoeven») pour la livraison et la construction de serres.

12. Le 24 mai 1994, la Corte d’appello di Cagliari a déclaré ce jugement exécutoire sur le territoire italien et a autorisé la pratique d’une saisie à l’encontre de M. Verdoliva à concurrence de 220 millions de ITL.

13. Une première tentative de signification de la décision d’exequatur au domicile de M. Verdoliva a échoué parce que, «tout en restant enregistré à cette adresse, [il] a néanmoins déménagé ailleurs depuis plus d’un an» (selon le procès‑verbal de signification infructueuse du 14 juillet 1994).

14. Par la suite, la décision d’exequatur a été signifiée conformément aux dispositions de l’article 143 du CPC, ainsi qu’il résulte du procès-verbal de signification du 27 juillet 1994. Selon cet acte, «puisque le débiteur ne peut pas être joint à l’adresse indiquée, d’où il a déménagé, j’ai [l’huissier instrumentaire] laissé une copie de l’acte en mairie ainsi qu’une seconde copie affichée au tableau officiel des huissiers, comme le prévoit l’article 143 du [CPC]».

15. M. Verdoliva n’ayant pas introduit de recours dans les 30 jours de la signification, la société Van der Hoeven a procédé à l’exécution forcée, en jonction de sa demande de mesures d’exécution déjà pendante contre M. Verdoliva.

16. Le 4 décembre 1996, M. Verdoliva a introduit un recours contre les mesures d’exécution auprès du Tribunale civile di Cagliari, faisant valoir que l’exécution du jugement néerlandais serait illégale en l’absence d’exequatur accordé par une juridiction italienne, ce qui constitue une infraction à la convention de Bruxelles. En outre, le jugement par défaut néerlandais ne pourrait pas être reconnu parce qu’il contiendrait une violation de l’article 27, point 2, de la convention de Bruxelles. Plus tard, au cours de la procédure, M. Verdoliva s’est prévalu du fait que la décision d’exequatur rendue par la Corte d’appello di Cagliari ne lui avait pas été signifiée, car, contrairement aux dires du procès‑verbal de signification, cette décision n’aurait pas été déposée à la mairie de Capoterra. Ainsi, faute de signification, le délai prévu à l’article 36 de la convention de Bruxelles n’aurait jamais commencé à courir.

17. Par décision du 7 juin 2002, le Tribunale di Cagliari a rejeté l’opposition à l’exécution ainsi que la demande d’inscription de faux présentée à cette occasion contre le procès-verbal de signification. Il a jugé que l’action en opposition était prescrite. Le délai de 30 jours pour introduire un recours avait en effet – par analogie avec ce que prévoit l’article 650 du CPC dans le contexte de la procédure d’injonction de payer – commencé à courir au plus tard à compter du premier acte d’exécution et il était manifeste qu’en l’espèce le recours n’avait pas été introduit dans ce délai.

18. M. Verdoliva s’est pourvu en appel contre ce jugement auprès de la juridiction de renvoi. Il a complété son argumentation en faisant valoir que l’huissier, avant de procéder à une signification sur le fondement de l’article 143 du CPC, n’aurait pas vérifié, comme il en avait l’obligation, si le domicile du destinataire était véritablement introuvable.

19. Dans sa décision de renvoi, la Corte d’appello indique que la décision d’exequatur constitue un titre exécutoire à l’expiration d’un délai de 30 jours. Par conséquent, aucun titre exécutoire n’aurait pu se former dans l’hypothèse où la décision d’exequatur n’a pas été valablement signifiée, le délai n’ayant pas commencé à courir.

20. En outre, la Corte d’appello observe que les parties ne contestent pas que l’appelant a eu connaissance de la décision d’exequatur au moins pendant le cours de la procédure de première instance, l’ayant lui-même versée aux débats le 20 juin 1998. Or, par la suite, il n’a introduit aucun recours contre cette décision...

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