European Commission v Republic of Malta.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:392
Docket NumberC-508/08
Date01 July 2010
Celex Number62008CC0508
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
CourtCourt of Justice (European Union)

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme E. Sharpston

présentées le 1er juillet 2010 (1)

Affaire C‑508/08

Commission européenne

contre

République de Malte

«Transports maritimes – Libre prestation des services – Règlement (CEE) n° 3577/92 du Conseil – Contrat de service public exclusif de fourniture de services de cabotage avec les îles au sein d’un État membre – Contrat attribué avant adhésion à l’Union européenne sans procédure d’appel d’offres européenne – Obligation d’agir de bonne foi avant l’entrée en vigueur du traité d’adhésion»





1. La Commission européenne conclut à ce qu’il plaise à la Cour constater que, en signant le 16 avril 2004, sans avoir préalablement lancé un appel d’offres, un contrat exclusif de service public avec l’entreprise Gozo Channel Company Ltd (ci-après «GCCL»), la République de Malte a manqué aux obligations qui lui incombent au titre du règlement (CEE) n° 3577/92 (2) et notamment ses articles 1er et 4.

2. Le principal moyen de défense de la République de Malte porte sur le fait que ce règlement ne lui était pas applicable à la date en cause. La République de Malte n’a adhéré à l’Union européenne que le 1er mai 2004 même si le traité d’adhésion (3) a été signé le 16 avril 2003.

3. À la suite d’une réflexion suggérée par la Cour, la Commission a souligné l’obligation, incombant à un État, de respecter de bonne foi les termes d’un traité et, avant son entrée en vigueur, de s’abstenir d’actes qui le priveraient de son objet et de son but, principes de droit international énoncés aux articles 18 et 26 de la convention de Vienne sur le droit des traités (4).

Le cadre juridique

La convention de Vienne

4. La convention de Vienne codifie dans une large mesure le droit international des traités. En vertu de son article 1er, elle s’applique aux traités entre États (donc y compris au traité d’adhésion) et, aux termes de son article 5, à tout traité qui est l’acte constitutif d’une organisation internationale (donc y compris aux divers traités de la Communauté et de l’Union européennes) (5). Certaines dispositions reflètent les règles du droit international coutumier, qui, en tant que telles, font partie de l’ordre juridique communautaire (6). L’article 18 (qui consacre ce qu’on appelle une «obligation intérimaire») et l’article 26 (qui stipule l’exécution de bonne foi) sont généralement considérés comme faisant partie de ces dispositions (7). Quoiqu’ils ne soient pas, en tant que tels, contraignants pour la République de Malte (8), il est utile de les rappeler car ils reflètent les règles du droit international coutumier que Malte estime lui être applicables.

5. L’article 18 de la convention de Vienne, intitulé «Obligation de ne pas priver un traité de son objet et de son but avant son entrée en vigueur», stipule:

«Un État doit s’abstenir d’actes qui priveraient un traité de son objet et de son but:

a) Lorsqu’il a signé le traité ou a échangé les instruments constituant le traité sous réserve de ratification, d’acceptation ou d’approbation, tant qu’il n’a pas manifesté son intention de ne pas devenir partie au traité; ou

b) Lorsqu’il a exprimé son consentement à être lié par le traité, dans la période qui précède l’entrée en vigueur du traité et à condition que celle-ci ne soit pas indûment retardée.»

6. L’article 26, intitulé «Pacta sunt servanda», dispose:

«Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi.»

Le traité CE

7. L’article 226 CE (actuellement article 258 TFUE) prévoit:

«Si la Commission estime qu’un État membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu [du présent traité/des traités], elle émet un avis motivé à ce sujet, après avoir mis cet État en mesure de présenter ses observations.

Si l’État en cause ne se conforme pas à cet avis dans le délai déterminé par la Commission, celle-ci peut saisir la Cour de justice [de l’Union européenne].»

8. Aux termes de l’article 249, deuxième alinéa, CE (actuellement article 288, deuxième alinéa, TFUE):

«Le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tout État membre.»

9. En vertu de l’article 254, paragraphes 1 et 2, CE (actuellement, après amendement, article 297 TFUE), les règlements entrent en vigueur à la date qu’ils fixent ou, à défaut, le vingtième jour suivant leur publication au Journal officiel de l’Union européenne.

Le traité d’adhésion et l’acte d’adhésion

10. Au titre de l’article 1er, paragraphe 1, du traité d’adhésion, dix nouveaux États, y compris la République de Malte, sont devenus «membres de l’Union européenne et parties aux traités sur lesquels l’Union est fondée, tels qu’ils ont été modifiés ou complétés». L’article 1er, paragraphe 2, précise:

«Les conditions de l’admission et les adaptations des traités sur lesquels l’Union européenne est fondée que celle-ci entraîne figurent dans l’acte annexé au présent traité [ (9)]. Les dispositions de cet acte font partie intégrante du présent traité.»

11. En vertu de son article 2, paragraphe 2, le traité d’adhésion, signé à Athènes le 16 avril 2003, est entré en vigueur le 1er mai 2004.

12. L’article 2 de l’acte d’adhésion énonce:

«Dès l’adhésion, les dispositions des traités originaires et les actes pris, avant l’adhésion, par les institutions et la Banque centrale européenne lient les nouveaux États membres et sont applicables dans ces États dans les conditions prévues par ces traités et par le présent acte».

13. Aucune condition n’a été spécifiée concernant l’application du règlement à Malte.

14. Le 30 juillet 2003, la République de Malte a déposé ses instruments de ratification du traité d’adhésion auprès du gouvernement italien.

Le règlement

15. Le règlement a été adopté par le Conseil le 7 décembre 1992 et publié au Journal officiel des Communautés européennes le 12 décembre 1992.

16. L’article 1er, paragraphe 1, du règlement dispose:

«À partir du 1er janvier 1993, la libre prestation des services de transport maritime à l’intérieur d’un État membre (cabotage maritime) s’applique aux armateurs communautaires exploitant des navires immatriculés dans un État membre et battant pavillon de cet État membre, sous réserve que ces navires remplissent toutes les conditions requises pour être admis au cabotage dans cet État membre, y compris les navires immatriculés dans le registre Euros dès que ce registre aura été approuvé par le Conseil.

17. Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, du règlement, on entend par «services de transport maritime à l’intérieur d’un État membre (cabotage maritime)» les «services normalement fournis contre rémunération», comprenant notamment, sous c), deuxième tiret, «le cabotage avec les îles: le transport par mer de passagers ou de marchandises entre [...] des ports situés sur les îles d’un seul et même État membre».

18. L’article 2, paragraphe 4, du règlement définit les «obligations de service public» comme «les obligations que, s’il considérait son propre intérêt commercial, l’armateur communautaire en question n’assumerait pas ou n’assumerait pas dans la même mesure ni dans les mêmes conditions».

19. L’article 4 du règlement dispose:

«1. Un État membre peut conclure des contrats de service public avec des compagnies de navigation qui participent à des services réguliers à destination et en provenance d’îles ainsi qu’entre des îles ou leur imposer des obligations de service public en tant que condition à la prestation de services de cabotage.

Lorsqu’un État membre conclut des contrats de service public ou impose des obligations de service public, il le fait sur une base non discriminatoire à l’égard de tous les armateurs communautaires.

2. S’ils imposent des obligations de service public, les États membres s’en tiennent à des exigences concernant les ports à desservir, la régularité, la continuité, la fréquence, la capacité à prester le service, les tarifs pratiqués et l’équipage du navire.

Toute compensation due, le cas échéant, en contrepartie d’obligations de service public doit être versée à tous les armateurs communautaires.

3. Les contrats de service public existants peuvent rester en vigueur jusqu’à leur date d’expiration.»

20. Conformément à son article 11, le règlement est entré en vigueur le 1er janvier 1993. Néanmoins, aux termes de son article 6, plusieurs services de cabotage – effectués en Méditerranée et le long de la côte de l’Espagne, du Portugal et de la France, ainsi que pour un certain nombre d’îles côtières et d’îles et territoires faisant partie de ces mêmes États situés hors d’Europe – ont été exemptés de l’application du règlement jusqu’à des dates différentes, situées entre le 1er janvier 1995 et le 1er janvier 2004.

Les faits et la procédure

21. Lors des négociations ayant abouti à la conclusion du traité d’adhésion, la question de la mise en conformité progressive du droit maltais à l’acquis communautaire, notamment en matière de transport maritime, a été soulevée et discutée à plusieurs reprises.

22. Dans ce contexte, une position commune du 26 octobre 2001 (10) a déclaré que «l’UE prend acte de l’intention de Malte de conclure, d’ici le 30 juin 2002, des contrats d’une durée de cinq ans chacun comportant explicitement des obligations de service public avec la Sea Malta Co. Ltd. et la Gozo Channel Co Ltd; elle note que, lors de l’expiration de ces contrats, des procédures d’appel d’offres s’appliqueront conformément aux dispositions pertinentes de l’acquis». Dans cette position commune, l’UE a également noté que, «à ce stade, il n’est pas nécessaire de poursuivre les négociations sur le présent chapitre», mais elle a souligné que, dans le cadre du suivi de la mise en œuvre de l’acquis, elle «pourrait revenir à ce chapitre au moment voulu».

23. En l’occurrence, le contrat conclu avec GCCL (11) aux fins de la fourniture d’un service régulier de ferry à grande vitesse entre les îles de Malte et de Gozo n’a été...

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