Opinion of Advocate General Sharpston delivered on 6 December 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:995
Date06 December 2018
Celex Number62017CC0566
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-566/17
62017CC0566

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 6 décembre 2018 ( 1 )

Affaire C‑566/17

Związek Gmin Zagłębia Miedziowego w Polkowicach

contre

Szef Krajowej Administracji Skarbowej

[demande de décision préjudicielle introduite par le Wojewódzki Sąd Administracyjny we Wrocławiu (tribunal administratif de voïvodie de Wrocław, Pologne)]

« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Droit à déduire la taxe payée en amont sur les fournitures de produits et de services utilisées de manière indissociable aux fins d’activités économiques et non économiques – Détermination de la part déductible de la taxe payée en amont – Principe de neutralité fiscale – Question de savoir si le calcul de la taxe payée en amont doit être prévu par la loi et dans quelle mesure – Absence de règles nationales relatives aux méthodes de détermination de la répartition de la taxe payée en amont sur les biens et les services utilisés de manière indissociable aux fins d’activités économiques et non économiques »

1.

La présente demande de décision préjudicielle est soulevée dans le cadre d’un litige portant sur l’étendue du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) payée en amont sur des biens et services utilisés indissociablement par des assujettis, tant aux fins de leurs activités économiques que de leurs activités non économiques.

2.

Bien qu’il semble découler du système de la directive 2006/112/CE ( 2 ) que ce droit ne peut être revendiqué que dans la mesure où les biens et services sont utilisés aux fins du premier type d’activités, cette directive ne prévoit pas de méthode ou de critère de répartition de la taxe payée en amont dans de telles situations. La juridiction de renvoi se pose la question de savoir si le fait qu’il n’existe pas non plus en droit national de règles spécifiques concernant ce problème a un effet sur la portée, pour un assujetti, du droit à déduction de la TVA payée en amont pour de tels biens et services. La juridiction nationale s’interroge notamment sur la question de l’existence, en droit de l’Union, d’un principe général ou d’un droit fondamental qui s’opposerait à ce qu’elle applique, dans de telles circonstances, ces limitations au droit à déduction dans l’affaire objet de la procédure au principal.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2006/112

3.

L’article 9, paragraphe 1, de la directive 2006/112 dispose qu’« est considéré comme “assujetti” quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité ». En vertu de l’article 13 de cette directive, les organismes de droit public ne devraient pas être considérés comme des assujettis « pour les activités ou opérations qu’ils accomplissent en tant qu’autorités publiques, même lorsque, à l’occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions ».

4.

Le titre X de la directive 2006/112 (« Déductions ») est divisé en plusieurs chapitres. L’article 168 du chapitre 1, intitulé « Naissance et étendue du droit à déduction », prévoit que « [d]ans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable [ ( 3 )] : a) la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti» ( 4 ).

5.

Au chapitre 2 intitulé « Prorata de déduction », l’article 173, paragraphe 1, dispose qu’« en ce qui concerne les biens et les services utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction et des opérations n’ouvrant pas droit à déduction [...], la déduction n’est admise que pour la partie de la TVA qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations ». Cet article précise ensuite que « [l]e prorata de déduction est déterminé conformément [à la formule prévue par les] articles 174 et 175» ( 5 ).

Le droit polonais

La Constitution de la République de Pologne

6.

En vertu de l’article 217 de la Constitution de la République de Pologne, une loi détermine l’assujettissement aux impôts et à d’autres contributions, les assujettis et les assiettes de l’imposition, les taux de l’impôt, les principes de l’octroi d’allégements et d’amortissements ainsi que les catégories d’assujettis exempts d’impôt.

La loi relative à la TVA

7.

La directive 2006/112 a été transposée dans l’ordre juridique polonais au moyen de l’Ustawa o podatku od towarów i usług (loi relative à la taxe sur les biens et services) du 11 mars 2004, telle que modifiée ( 6 ) (ci-après la « loi relative à la TVA »).

8.

L’article 15, paragraphe 6, de la loi polonaise relative à la TVA prévoit que ne sont pas considérés comme « assujettis » les organes d’autorités publiques et les bureaux de ces organes en ce qui concerne les missions instituées par des dispositions pertinentes et pour la réalisation desquelles ils ont été désignés, à l’exclusion des activités réalisées en vertu de contrats de droit privé.

9.

L’article 86, paragraphe 1, de la loi relative à la TVA transpose l’article 168 de la directive 2006/112 dans l’ordre juridique national. Il dispose que « [d]ans la mesure où les biens et services sont utilisés aux fins d’opérations imposables, l’assujetti visé à l’article 15 bénéficie d’un droit de réduire la taxe due de la taxe payée en amont […] » (c’est moi qui souligne).

10.

L’article 90, paragraphes 1 et 3, de la loi relative à la TVA correspond aux articles 173 à 175 de la directive 2006/112, dans la mesure où ces dispositions régissent le prorata de déduction de la TVA pour les biens et services utilisés par un assujetti à la fois aux fins des activités économiques pour lesquelles la TVA est déductible et aux fins de celles pour lesquelles la TVA n’est pas déductible.

11.

À partir du 1er janvier 2016, les paragraphes 2a à 2h ont été ajoutés à l’article 86 de la loi relative à la TVA. Ces dispositions insèrent une liste non exhaustive de critères susceptibles d’être utilisés par un assujetti pour déterminer la part déductible de la TVA payée en amont sur les livraisons de produits et les prestations de services utilisés à la fois aux fins des activités économiques et non économiques de cet assujetti.

Les faits, la procédure et la question préjudicielle

12.

La Związek Gmin Zagłębia Miedziowego w Polkowicach (ci-après la « communauté de communes ») est une entité de droit public laquelle a été chargée par plusieurs autorités locales d’exercer leurs missions légales en matière de gestion des déchets, dans les zones géographiques pour lesquelles elles sont solidairement responsables. La communauté de communes perçoit une taxe de gestion des déchets pour la délégation de cette mission. En vertu du droit national, la communauté de communes n’est pas considérée comme un assujetti à cet égard et ses activités ne sont pas soumises à la TVA.

13.

Entre 2013 et 2015, la communauté de communes a fourni des services supplémentaires moyennant paiement, qui consistaient dans la mise à disposition et le transport de conteneurs destinés à différents types de déchets. La fourniture de ces services est une activité économique aux fins de la directive 2006/112. Certains de ces services sont soumis à la TVA à différents taux, alors que d’autres sont exonérés de TVA.

14.

Durant cette période, la communauté de communes a effectué des dépenses courantes et patrimoniales. Certaines de ces dépenses concernaient des opérations effectuées à la fois dans le cadre de ses activités économiques et de ses activités non économiques.

15.

La communauté de communes a eu des doutes sur la manière de calculer correctement la part déductible de la TVA payée en amont sur de telles fournitures. Partant, elle a présenté une demande de rescrit fiscal concernant les règles relatives à la TVA au Szef Krajowej Administracji Skarbowej (chef de l’administration fiscale, Pologne) ( 7 ).

16.

Le 17 octobre 2016, le chef de l’administration ( 8 ) a considéré que, aux fins de déterminer la part déductible de la taxe payée en amont, la communauté de communes devait, premièrement, déterminer la part de la taxe payée en amont liée à ses activités économiques, c’est-à-dire les transactions soumises à la TVA et exonérées de cette taxe, puis, deuxièmement, dès lors que certaines de ces activités étaient exonérées de TVA, appliquer au montant ainsi obtenu la formule définie à l’article 90 de la loi relative à la TVA. Le chef de l’administration a également affirmé que le choix de la méthode de calcul était de la responsabilité exclusive de la communauté de communes.

17.

La communauté de communes a introduit un recours contre cette décision devant la juridiction de renvoi. Elle a affirmé que la loi relative à la TVA ne prévoyait aucune répartition initiale de la TVA payée en amont, de sorte que son droit à déduction de cette taxe ne pouvait qu’être soumis à l’application de la formule définie à l’article 90 de la loi relative à la TVA.

18.

À cet égard, la juridiction de renvoi déclare qu’il n’existait alors aucune disposition dans l’ordre juridique national prévoyant des critères ou des méthodes de calcul de la part déductible de la TVA payée en amont sur les biens et services utilisés de manière indissociable à la fois aux fins des activités économiques d’un assujetti et aux fins de...

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