Inter-Environnement Wallonie ASBL and Terre wallonne ASBL v Région wallonne.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:822
Date08 December 2011
Celex Number62011CC0041
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-41/11
62011CC0041

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 8 décembre 2011 ( 1 )

Affaire C-41/11

Inter-Environnement Wallonie ASBL,

Terre wallonne ASBL

contre

Région wallonne

[demande de décision préjudicielleprésentée par le Conseil d’État (Belgique)]

«Protection de l’environnement — Directive 2001/42/CE — Évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement — Directive 91/676/CEE — Protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles — Programmes d’action portant sur les zones vulnérables désignées — Annulation d’une norme nationale jugée contraire à la directive 2001/42/CE — Possibilité de maintenir, pendant une courte période, les effets de cette norme»

I – Introduction

1.

Est-il conforme au droit de l’Union européenne de maintenir en vigueur, jusqu’à l’adoption d’une mesure de substitution, un programme d’action en matière environnementale adopté en violation d’une directive de procédure, si ce programme met en œuvre le contenu d’une autre directive? Voilà, en substance, la question que la Cour doit examiner dans la présente procédure préjudicielle.

2.

Le Conseil d’État (Belgique) a en effet déféré à la Cour une question sur les conséquences d’une violation de la directive 2001/42/CE ( 2 ) (ci-après la «directive ESIE», ESIE pour évaluation stratégique des incidences sur l’environnement).

3.

Dans la procédure au principal, deux organisations non gouvernementales (ONG) belges, Inter-Environnement Wallonie ASBL et Terre wallonne ASBL, s’opposent à la Région wallonne à propos de la validité d’un programme d’action adopté par la région pour transposer la directive 91/676/CEE ( 3 ) (ci-après la «directive sur les nitrates»).

4.

L’engraissement des surfaces agricoles est soumis aux règles énoncées par la directive sur les nitrates et par les programmes d’action qui doivent être adoptés pour sa mise en œuvre. Les agriculteurs engraissent leurs champs non seulement pour améliorer la croissance de leurs cultures, mais également pour se débarrasser des effluents d’origine animale. Lorsqu’une entreprise produit plus d’effluents que les cultures ne peuvent en absorber, cela entraîne un excédent d’amendement qui pollue régulièrement les eaux ( 4 ).

5.

La Cour a précisé, dans une première procédure préjudicielle, qu’un programme d’action de ce type nécessite une évaluation de ses incidences sur l’environnement en vertu de la directive ESIE ( 5 ).

6.

Le programme d’action de la Région wallonne litigieux ayant été adopté en l’espèce sans qu’il ait été procédé à une telle évaluation, selon les constatations du Conseil d’État, la juridiction de renvoi doit désormais déterminer s’il y a lieu d’abroger ce programme. Selon la demande de décision préjudicielle, l’abrogation rétroactive du programme d’action constituerait la sanction normale de la violation de la directive ESIE. Toutefois, elle aurait nécessairement pour effet une absence de transposition complète de la directive sur les nitrates par la Wallonie. En pratique, les restrictions à l’épandage d’engrais pourraient disparaître, mais il pourrait éventuellement en être de même pour des droits d’épandage des agriculteurs.

7.

L’effet d’une abrogation serait limité dans le temps puisque la Wallonie a adopté entre-temps un nouveau programme d’action ( 6 ) et le Royaume de Belgique indique, tout comme la Commission européenne, que celui-ci tient compte de la directive ESIE. La question soulevée est donc celle de savoir si l’ancien programme d’action de la Région wallonne doit être abrogé de manière rétroactive pour la période allant du 15 février 2007 au 6 mai 2011, date d’entrée en vigueur du nouveau programme.

II – La demande de décision préjudicielle

8.

Au vu de ces éléments, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Le Conseil d’État,

saisi d’un recours en annulation de l’arrêté du gouvernement wallon du 15 février 2007 modifiant le livre II du code de l’environnement constituant le code de l’eau en ce qui concerne la gestion durable de l’azote en agriculture,

qui constate que cet arrêté a été adopté sans respecter la procédure prescrite par la directive [ESIE] et est, pour cette raison, contraire au droit de l’Union européenne et doit être annulé,

mais qui constate en même temps que l’arrêté attaqué procure une exécution convenable à la directive [sur les nitrates],

peut-il différer dans le temps les effets de l’annulation juridictionnelle pendant une courte période nécessaire à la réfection de l’acte annulé afin de maintenir au droit de l’environnement de l’Union une certaine exécution concrète sans solution de continuité?»

9.

Inter-Environnement Wallonie ASBL et Terre wallonne ASBL ainsi que le Royaume de Belgique, la République française et la Commission ont présenté des observations écrites. Excepté Terre wallonne ASBL, tous ont également participé à l’audience du 8 novembre 2011.

III – Le cadre juridique

10.

Les objectifs de la directive ESIE résultent notamment de son article 1er:

«La présente directive a pour objet d’assurer un niveau élevé de protection de l’environnement, et de contribuer à l’intégration de considérations environnementales dans l’élaboration et l’adoption de plans et de programmes en vue de promouvoir un développement durable en prévoyant que, conformément à la présente directive, certains plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement soient soumis à une évaluation environnementale.»

11.

Les quatrième et cinquième considérants de la directive ESIE indiquent à cet égard que:

«(4)

L’évaluation environnementale est un outil important d’intégration des considérations en matière d’environnement dans l’élaboration et l’adoption de certains plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement dans les États membres, parce qu’elle assure que ces incidences de la mise en œuvre des plans et des programmes sont prises en compte durant l’élaboration et avant l’adoption de ces derniers.

(5)

L’adoption de procédures d’évaluation des incidences sur l’environnement au niveau de l’établissement des plans et des programmes devrait être bénéfique aux entreprises en créant un cadre plus cohérent pour le déploiement des activités économiques en incluant des informations environnementales pertinentes dans les prises de décision; la prise en compte d’un plus grand nombre de facteurs dans le processus de décision doit contribuer à des solutions plus durables et plus efficaces.»

IV – Appréciation juridique

A – Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

12.

La Commission estime qu’il n’est plus nécessaire de répondre à la demande de décision préjudicielle après l’adoption du nouveau programme d’action wallon. Selon la Commission, puisque la Cour ne répond pas aux questions hypothétiques ( 7 ), la demande est irrecevable.

13.

Interrogé par la Cour, le Conseil d’État a toutefois indiqué qu’une réponse était bel et bien nécessaire pour trancher le litige en suspens. Selon le Conseil d’État, le nouveau programme d’action n’a aucun effet rétroactif. La juridiction de renvoi doit donc décider si elle doit prononcer la nullité de l’ancien programme d’action pour la période allant de son adoption à son abrogation par le nouveau programme.

14.

Cet état du litige distingue la présente procédure notamment de l’affaire à l’origine de l’arrêt du 9 décembre 2010, Fluxys (C-241/09, Rec. p. I-12773). Cette affaire concernait la conformité de certaines normes internes au droit de l’Union ( 8 ). La Cour a toutefois constaté qu’il n’y avait plus lieu de statuer après que la Cour constitutionnelle belge a prononcé l’abrogation rétroactive des normes litigieuses ( 9 ), et que celles-ci ne pouvaient donc plus être appliquées dans la procédure au principal. Dans la présente affaire, le Conseil d’État doit encore décider s’il convient de prononcer la nullité du programme d’action à titre rétroactif.

15.

Il y a donc lieu de répondre à la demande de décision préjudicielle.

B – Sur la question du Conseil d’État

16.

Le Conseil d’État souhaite savoir s’il peut prononcer le maintien en vigueur du programme d’action wallon transposant la directive sur les nitrates et adopté en violation de la directive SUP jusqu’à l’adoption d’une réglementation de substitution.

1. Sur l’arrêt Winner Wetten

17.

Dans ce contexte, le Conseil d’État et les parties examinent de manière intensive l’arrêt Winner Wetten ( 10 ). Dans l’affaire à l’origine de cet arrêt, la question posée était celle de savoir si les juridictions nationales pouvaient prononcer le maintien en vigueur provisoire d’une réglementation nationale concernant les jeux de hasard incompatible avec les libertés fondamentales.

18.

En principe, il résulte de la primauté du droit de l’Union que les dispositions nationales qui lui sont contraires sont inapplicables ( 11 ). En vertu du principe de protection juridictionnelle effective, les justiciables peuvent également faire valoir cette primauté devant les tribunaux ( 12 ).

19.

Ce n’est qu’à titre exceptionnel que la Cour peut, par application d’un principe général de sécurité juridique inhérent à l’ordre juridique de l’Union, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d’invoquer une disposition qu’elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne...

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