Fédération Cynologique Internationale v Federación Canina Internacional de Perros de Pura Raza.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:722
Docket NumberC-561/11
Celex Number62011CC0561
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date15 November 2012
62011CC0561

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 15 novembre 2012 ( 1 )

Affaire C‑561/11

Fédération cynologique internationale

contre

Federación Canina Internacional de Perros de Pura Raza

[demande de décision préjudicielle formée par le Juzgado de lo Mercantil no 1 de Alicante y no 1 de Marca Comunitaria (Espagne)]

«Marque communautaire — Contrefaçon — Notion de ‘tiers’»

1.

Par la présente demande de décision préjudicielle, le Juzgado de lo Mercantil no 1 de Alicante (Espagne) pose à la Cour une question relative à l’interprétation de l’article 9, paragraphe 1, du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire ( 2 ).

2.

La question que la Cour est appelée à résoudre concerne la définition de la notion de «tiers» contre lequel, conformément à la législation en vigueur, le titulaire d’une marque communautaire peut intenter une action en contrefaçon. Il conviendra, en particulier, de préciser si cette notion, au sens de l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, inclut également le titulaire de la marque communautaire postérieure enregistrée, et si, dans un tel cas, le titulaire d’une marque communautaire antérieure doit, pour pouvoir agir en contrefaçon contre le titulaire de la marque communautaire postérieure, demander au préalable à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieure (marques, dessins, modèles) (OHMI) de déclarer nulle la marque communautaire postérieure.

3.

Il convient d’observer dès à présent que le problème sous-jacent à la question soulevée dans cette affaire, qui, comme nous le verrons par la suite fait également l’objet de vifs débats dans la doctrine et la jurisprudence en Espagne, n’est pas entièrement nouveau. En effet, la Cour s’est récemment prononcée sur une demande de décision préjudicielle présentée par la même juridiction de renvoi que dans la présente affaire, concernant une question tout à fait analogue, à propos de l’interprétation du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires ( 3 ). Dans mes conclusions relatives à cette affaire ( 4 ), j’ai déjà relevé que, au vu des différences importances existant entre les procédures d’enregistrement des dessins et modèles communautaires, d’une part, et des marques communautaires, d’autre part, les considérations qui valent pour un domaine ne peuvent pas automatiquement être appliquées à l’autre. Dans l’analyse de la question posée par la juridiction de renvoi dans la présente affaire, j’estime qu’il faudra tenir compte de l’approche retenue par la Cour dans l’arrêt Celaya Emparanza y Galdos International, sans néanmoins perdre de vue les importantes différences procédurales existant entre le domaine des marques et celui des dessins et modèles.

I – Le cadre juridique

4.

Aux termes du considérant 7 du règlement no 207/2009, l’enregistrement de la marque communautaire est refusé notamment lorsque des droits antérieurs s’y opposent. Aux termes du considérant 8, la protection conférée par la marque communautaire, dont le but est notamment de garantir la fonction d’origine de la marque, devrait être absolue en cas d’identité entre la marque et le signe et entre les produits ou services, et cette protection vaut également en cas de similitude entre la marque et le signe, et entre les produits ou services. Ce considérant indique, en outre, qu’il y a lieu d’interpréter la notion de similitude en relation avec le risque de confusion.

5.

L’article 9, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 indique quels sont les droits conférés par la marque communautaire à son titulaire:

«La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires:

a)

d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée;

b)

d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association entre le signe et la marque;

c)

d’un signe identique ou similaire à la marque communautaire pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque communautaire est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans la Communauté et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque communautaire ou leur porte préjudice.»

6.

L’article 54 du règlement no 207/2009, intitulé «Forclusion par tolérance», prévoit que le titulaire d’une marque communautaire qui a toléré pendant cinq années consécutives l’usage d’une marque communautaire postérieure dans l’Union en connaissance de cet usage ne peut plus demander la nullité ni s’opposer à l’usage de la marque postérieure sur la base de cette marque antérieure.

II – Les faits, la procédure au principal et la question préjudicielle

7.

La Fédération cynologique internationale, demanderesse au principal (ci-après «FCI»), association internationale créée en 1911 pour soutenir la cynologie, est titulaire de la marque communautaire mixte no 4438751, demandée le 28 juin 2005 et enregistrée le 5 juillet 2006 pour certains services compris dans les classes 35, 41, 42 et 44 au sens de l’arrangement de Nice du 15 juin 1957 concernant la classification internationale des produits ou services aux fins de l’enregistrement des marques, tel que révisé et modifié. Cette marque est reproduite, à titre informatif, ci-après:

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8.

La Federación Canina Internacional de Perros de Pura Raza, défenderesse au principal (ci-après «FCIPPR»), association de droit privé constituée en 2004, est titulaire de trois marques nationales espagnoles enregistrées pour certains produits et services compris dans la classe 16:

la marque nominative no 2614806, «FEDERACIÓN CANINA INTERNACIONAL DE PERROS DE PURA RAZA – FCI», demandée le 23 septembre 2004 et enregistrée le 20 juin 2005;

la marque mixte no 2786697, «FEDERACIÓN CANINA INTERNACIONAL DE PERROS DE PURA RAZA», demandée le 9 août 2007 et enregistrée le 12 mars 2008;

la marque mixte no 2818217, «FEDERACIÓN CINOLOGICA INTERNACIONAL + FCI», demandée le 11 février 2008 et enregistrée le 26 août 2008.

9.

Le 12 février 2009, FCIPPR a demandé à l’OHMI d’enregistrer le signe reproduit ici en tant que marque communautaire pour certains produits compris dans la classe 16:

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10.

Le 5 février 2010, FCI a formé opposition à l’enregistrement de ce signe en tant que marque communautaire. Toutefois, en raison d’une irrégularité formelle tenant à l’absence de paiement de la taxe d’opposition, l’opposition a été rejetée et ainsi le signe reproduit au point précédent a été enregistré le 3 septembre 2010 en tant que marque communautaire sous le no 7597529.

11.

Le 18 juin 2010, FCI a intenté devant la juridiction de renvoi une action en nullité contre les marques nationales mentionnées au point 8, motif pris de l’existence d’un risque de confusion avec sa marque no 4438751, reproduite au point 7, ainsi qu’une action en contrefaçon de cette marque. Dans le cadre de cette procédure, FCIPPR a contesté l’existence d’un risque de confusion entre ses marques nationales et la marque communautaire no 4438751 et a formé une demande reconventionnelle, en vue d’obtenir l’annulation de cette marque communautaire, au motif qu’elle aurait été enregistrée de mauvaise foi et créerait un risque de confusion avec sa propre marque nationale antérieure no 2614806.

12.

Puis, le 18 novembre 2010, FCI a demandé à l’OHMI d’annuler la marque communautaire no 7597529, enregistrée au profit de FCIPPR. Le 20 septembre 2011, l’OHMI a toutefois décidé de suspendre la procédure dont il était saisi, à la demande de FCIPPR et en raison du fait que la procédure ayant donné lieu à la présente demande préjudicielle était pendante.

13.

La juridiction de renvoi estime que, dans la procédure pendante devant elle, il y a lieu de déterminer si le droit exclusif que l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 confère au titulaire d’une marque communautaire, en l’occurrence FCI, peut être opposé à un tiers, y compris le tiers titulaire d’une marque communautaire enregistrée postérieurement, en l’occurrence FCIPPR, tant que cette marque postérieure n’a pas été annulée.

14.

Dans ce contexte, le juge de renvoi a sursis à statuer et a saisi la Cour de la question préjudicielle suivante:

«Dans un litige portant sur la violation du droit exclusif conféré par une marque communautaire, le droit d’interdire à des tiers d’utiliser celle-ci dans la vie des affaires, qui est institué à l’article 9, paragraphe 1, du [règlement no 207/2009], s’étend-il à tout tiers qui utilise un signe impliquant un risque de confusion (en raison d’une similitude avec la marque communautaire et du fait que les produits ou les services sont similaires) ou exclut-il au contraire le tiers qui utilise ce signe prêtant à confusion enregistré en sa faveur en tant que marque communautaire tant que cet enregistrement postérieur n’est pas annulé?»

III – La procédure devant la Cour

15.

Le greffe a reçu l’ordonnance de renvoi le 8 novembre 2011. Ont déposé des observations écrites FCI, FCIPPR, les gouvernements hellénique et italien, ainsi que la Commission européenne. À...

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