Opinion of Advocate General Saugmandsgaard Øe delivered on 12 April 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:241
Docket NumberC-151/17
Celex Number62017CC0151
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date12 April 2018
62017CC0151

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 12 avril 2018 ( 1 )

Affaire C‑151/17

Swedish Match AB

contre

Secretary of State for Health,

en présence de

New Nicotine Alliance

(demande de décision préjudicielle formée par la High Court of Justice [England & Wales], Queen’s Bench Division [Administrative Court] [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division du Queen’s Bench (chambre administrative)], Royaume‑Uni)

« Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac – Directive 2014/40/UE – Article 1er, sous c) – Article 17 – Interdiction de mise sur le marché du tabac à usage oral – Demande d’appréciation de validité – Principe de proportionnalité – Principe de précaution »

I. Introduction

1.

Par sa demande de décision préjudicielle, la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division du Queen’s Bench (chambre administrative), Royaume‑Uni] interroge la Cour quant à la validité de l’article 1er, sous c), et de l’article 17 de la directive 2014/40/UE ( 2 ). Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Swedish Match AB au Secretary of State for Health (secrétaire d’État à la Santé, Royaume‑Uni), en présence de la New Nicotine Alliance (ci‑après la « NNA »), au sujet de la validité d’une législation nationale transposant ces dispositions.

2.

En vertu de l’article 1er, sous c), et de l’article 17 de la directive 2014/40, les États membres sont tenus d’interdire la mise sur le marché du tabac à usage oral. Ces dispositions maintiennent ainsi une obligation qui lie les États membres depuis 1992 ( 3 ) et avait déjà été reconduite à l’article 8 de la directive 2001/37/CE ( 4 ), l’instrument prédécesseur de la directive 2014/40. Le Royaume de Suède s’en trouve cependant exempté, au titre d’une disposition de l’acte d’adhésion de ce dernier à l’Union européenne ( 5 ), en raison de l’usage traditionnel dans ce pays d’un produit du tabac à usage oral dénommé « snus ».

3.

Dans les arrêts Swedish Match ( 6 ) et Arnold André ( 7 ), la Cour a déjà examiné la validité de l’article 8 de la directive 2001/37 et conclu à l’absence d’élément de nature à affecter celle‑ci. Dans le cadre de la présente affaire, la Cour est essentiellement invitée à déterminer si la validité des dispositions de portée similaire prévues par la directive 2014/40 doit désormais être remise en cause eu égard à l’évolution des connaissances scientifiques et du cadre réglementaire applicable aux produits du tabac et aux produits connexes intervenue depuis lors.

4.

La question déférée par la juridiction de renvoi soulève plusieurs causes d’invalidité éventuelle de l’article 1er, sous c), et l’article 17 de la directive 2014/40. Conformément à la demande de la Cour, les présentes conclusions se limiteront cependant à l’analyse de cette question en ce qu’elle tend à savoir si ces dispositions sont contraires au principe de proportionnalité. Certaines des considérations développées dans ce contexte seront, néanmoins, également pertinentes en vue de l’examen de cette question en ce qu’elle porte sur la compatibilité desdites dispositions avec le principe de non‑discrimination.

5.

J’indique d’emblée que cette analyse ne fera apparaître aucun élément de nature à entraîner l’invalidité des dispositions en cause.

II. Le cadre juridique

6.

Le 19 décembre 2012, la Commission européenne a adopté une proposition de directive visant à réviser la directive 2001/37 (ci‑après la « proposition de la Commission ») ( 8 ), accompagnée d’une analyse d’impact résumant les résultats d’une étude détaillée réalisée par les services de la Commission après avoir lancé une consultation publique des parties intéressées (ci‑après l’« analyse d’impact ») ( 9 ). La Commission y a examiné les différentes options qui s’offraient au législateur en ce qui concerne notamment la réglementation du tabac à usage oral et en a évalué les impacts sanitaires et socio‑économiques potentiels. Elle a tenu compte, à cet effet, d’études scientifiques alors disponibles, et en particulier d’un avis délivré par le comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux (CSRSEN) en 2008 à la demande de la Commission (ci‑après l’« avis du CSRSEN ») ( 10 ).

7.

La proposition de la Commission et l’analyse d’impact ont servi de base à l’adoption de la directive 2014/40, dont le considérant 32 est ainsi libellé :

« La directive 89/622/CEE du Conseil [ ( 11 )] a interdit la vente dans les États membres de certains tabacs à usage oral. La directive [2001/37] a réaffirmé cette interdiction. L’article 151 de l’[acte d’adhésion] accorde à la Suède une dérogation à l’interdiction. L’interdiction de la vente de tabac à usage oral devrait être maintenue afin d’empêcher l’introduction dans l’Union (à l’exception de la Suède) de ce produit qui entraîne une dépendance et a des effets indésirables sur la santé humaine. Pour les autres produits du tabac sans combustion qui ne sont pas produits pour le marché de masse, des dispositions strictes en matière d’étiquetage et certaines dispositions concernant leurs ingrédients sont jugées suffisantes pour contenir leur expansion sur le marché au‑delà de leur usage traditionnel. »

8.

L’article 1er, sous c), de cette directive dispose :

« La présente directive a pour objectif le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant :

[...]

c)

l’interdiction de mettre sur le marché les produits du tabac à usage oral ;

[...] »

9.

Aux termes de l’article 2, point 8, de ladite directive, le « tabac à usage oral » désigne « tous les produits du tabac destinés à un usage oral, à l’exception de ceux destinés à être inhalés ou mâchés, constitués intégralement ou partiellement de tabac, présentés sous forme de poudre, de particules fines ou de toute combinaison de ces formes, notamment ceux présentés en sachets‑portions ou sachets poreux ».

10.

Selon l’article 17 de la même directive, « [l]es États membres interdisent la mise sur le marché du tabac à usage oral, sans préjudice des dispositions de l’article 151 de l’[acte d’adhésion] ».

11.

En vertu de l’article 151, paragraphe 1, de l’acte d’adhésion, « [l]es actes figurant dans la liste de l’annexe XV du présent acte s’appliquent à l’égard des nouveaux États membres dans les conditions prévues dans cette annexe ». Ladite annexe dispose, notamment, que l’interdiction de mise sur le marché du tabac à usage oral ne s’applique pas au Royaume de Suède, à l’exception de l’interdiction de commercialiser ce produit sous une forme ressemblant à un produit alimentaire.

12.

Au Royaume‑Uni, l’article 1er, sous c), et l’article 17 de la directive 2014/40 ont été mis en œuvre par l’article 17 des Tobacco and Related Products Regulations 2016 (arrêté de 2016 sur le tabac et les produits connexes, ci‑après l’« arrêté sur le tabac »), lequel prévoit que « nul ne peut produire ni fournir du tabac à usage oral ».

III. Le litige au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour

13.

Swedish Match est une société à responsabilité limitée constituée en Suède qui commercialise principalement des produits du tabac sans combustion, et notamment du snus. Le snus est consommé par voie orale et composé de tabac haché pasteurisé ainsi que d’additifs alimentaires autorisés. La production du snus est soumise, en Suède, aux réglementations qui s’appliquent aux produits alimentaires. Les teneurs maximales de ce produit en substances indésirables ont été strictement définies par l’agence suédoise des aliments.

14.

Cette société a introduit un recours contre l’article 17 de l’arrêté sur le tabac devant la juridiction de renvoi. Le secrétaire d’État à la Santé revêt la qualité de défendeur dans le cadre de cette procédure. La NNA, une association dont l’objet social consiste à promouvoir la santé publique en réduisant les méfaits du tabac, a été autorisée à intervenir dans ladite procédure.

15.

Dans le cadre de son recours, Swedish Match fait valoir que l’interdiction absolue frappant la mise sur le marché du tabac à usage oral au Royaume‑Uni, imposée par l’article 17 de l’arrêté sur le tabac, n’est pas conforme au droit de l’Union. En effet, selon cette dernière, les dispositions que cet article vise à transposer, à savoir l’article 1er, sous c), et l’article 17 de la directive 2014/40, sont elles‑mêmes contraires à des normes de rang supérieur du droit de l’Union.

16.

Swedish Match soutient que le raisonnement adopté par la Cour dans l’arrêt Swedish Match ( 12 ), dans lequel celle‑ci a conclu à l’absence d’éléments permettant de mettre en doute la validité de l’interdiction de mise sur le marché du tabac à usage oral prévue à l’article 8 de la directive 2001/37, n’est plus de mise compte tenu des évolutions intervenues depuis lors concernant la réglementation applicable, les données scientifiques disponibles ainsi que les caractéristiques du marché des produits du tabac.

17.

Cette société excipe, plus précisément, de l’incompatibilité de l’article 1er, sous c), et de l’article 17 de la directive 2014/40 avec les principes de non‑discrimination, de proportionnalité et de subsidiarité, avec l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE, ainsi qu’avec la liberté de circulation des marchandises garantie par les articles 34 et 35 TFUE.

18.

La NNA allègue, dans le cadre de son intervention, que l’interdiction de mise...

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