N. W and Others v Sanofi Pasteur MSD SNC and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:176
Date07 March 2017
Celex Number62015CC0621
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeCuestión prejudicial - sobreseimiento
Docket NumberC-621/15
62015CC0621

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 7 mars 2017 ( 1 )

Affaire C‑621/15

N. W,

L. W et

C. W

contre

Sanofi Pasteur MSD SNC,

Caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine et

Caisse Carpimko

[demande de décision préjudicielle formée par la Cour de cassation (France)]

«Responsabilité du fait des produits défectueux — Laboratoires pharmaceutiques — Vaccin contre l’hépatite B — Victime d’une sclérose en plaques — Charge de la preuve — Preuve d’un dommage du fait d’un défaut du vaccin et d’un lien de causalité entre le défaut et le dommage incombant au demandeur — Mode de preuve — Système de présomptions — Absence de consensus scientifique — Lien de causalité»

I – Introduction

1.

En 1998 et 1999, W s’est fait vacciner contre l’hépatite B. Peu de temps après, il a développé les symptômes de la sclérose en plaques. Son état s’est détérioré au cours des années suivantes. Il est décédé en 2011.

2.

Des membres de la famille de W (ci-après « W e.a. » ou les « parties requérantes ») ont introduit un recours en indemnité à l’encontre de Sanofi Pasteur MSD SNC (ci-après « Sanofi » ou la « première partie défenderesse »), producteur du vaccin. Les parties requérantes ont soutenu que la sclérose en plaques du défunt avait été causée par le vaccin. Leur demande a cependant été rejetée au motif qu’elles n’avaient pas prouvé de lien de causalité entre un défaut du vaccin et le préjudice subi par W. Pour établir ce lien, les parties requérantes s’étaient fondées sur une règle de droit français en vertu de laquelle un lien de causalité peut être présumé si une maladie se manifeste peu de temps après l’administration du médicament prétendument défectueux et s’il n’existe pas d’antécédents personnels ou familiaux liés à la maladie.

3.

Les parties requérantes ont finalement saisi la Cour de cassation (France), qui interroge à présent la Cour sur l’interprétation de la directive 85/374/CEE ( 2 ). La juridiction de renvoi demande en particulier i) si les présomptions susmentionnées sont compatibles avec la directive 85/374 ; ii) si l’application systématique de ces présomptions est compatible avec la directive 85/374, et iii) si, au cas où de telles présomptions seraient incompatibles avec la directive, le demandeur devrait apporter la preuve scientifique d’un lien de causalité.

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. La directive 85/374

4.

La directive 85/374 harmonise certaines règles relatives à la responsabilité du fait des produits, en prévoyant notamment les dispositions suivantes :

« Article 4

La victime est obligée de prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.

[…]

Article 6

1. Un produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre compte tenu de toutes les circonstances, et notamment :

a)

de la présentation du produit ;

b)

de l’usage du produit qui peut être raisonnablement attendu ;

c)

du moment de la mise en circulation du produit.

[…]

Article 7

Le producteur n’est pas responsable en application de la présente directive s’il prouve :

[…]

e)

que l’état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du produit par lui n’a pas permis de déceler l’existence du défaut ;

[…]. »

B – Le droit français

5.

À l’époque des faits, l’article 1386-1 (devenu article 1245-8) du code civil prévoyait que le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime. L’article 1386-9 prévoit que le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.

6.

En outre, aux termes de la jurisprudence de la Cour de cassation, dans le domaine de la responsabilité non contractuelle des laboratoires pharmaceutiques du fait des vaccins qu’ils produisent, la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre le défaut du produit et le dommage subi par la victime peut résulter de « présomptions graves, précises et concordantes» ( 3 ).

7.

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, un juge peut conclure que le bref délai ayant séparé l’injection du vaccin contre l’hépatite B et l’apparition des premiers symptômes de la sclérose en plaques, ainsi que l’absence de tout antécédent tant personnel que familial à cette maladie, constituent de telles présomptions graves, précises et concordantes. Tel peut être le cas même si la recherche médicale ne confirme pas, de manière générale, l’existence d’un tel lien ( 4 ).

III – Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

8.

Entre les mois de décembre 1998 et juillet 1999, W a reçu trois injections d’un vaccin contre l’hépatite B produit par Sanofi. Au mois d’août 1999, il a commencé à présenter différents troubles. Au mois de novembre 2000, la sclérose en plaques a été diagnostiquée. L’état de W a progressivement empiré. Il a souffert d’un déficit fonctionnel de 90 % et son état nécessitait des soins permanents au moment de son décès le 30 octobre 2011.

9.

En 2006, W, son épouse et ses deux filles ont introduit un recours en responsabilité non contractuelle contre Sanofi en raison du préjudice que lui avaient causé les vaccins. Ils ont soutenu que le bref délai écoulé entre l’injection du vaccin et l’apparition des premiers symptômes de la sclérose en plaques, conjugué à l’absence de tout antécédent personnel ou familial de cette maladie, constituaient des présomptions graves, précises et concordantes d’un défaut du vaccin et d’un lien de causalité entre ce défaut et la maladie de W.

10.

En première instance, le tribunal de grande instance de Nanterre (France) a accueilli le recours qui a toutefois été rejeté en appel par la cour d’appel de Versailles (France). Celle‑ci a considéré que les éléments invoqués par W e.a. permettaient de présumer un lien de causalité mais ne suffisaient pas à établir un défaut du vaccin. La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel de Versailles en considérant que cette dernière n’avait pas donné de base juridique à sa décision s’agissant de l’absence de défaut des vaccins.

11.

L’affaire a été envoyée à la cour d’appel de Paris (France), qui a de nouveau infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre. La cour d’appel de Paris a jugé que le bref délai écoulé entre l’injection du vaccin et l’apparition des premiers symptômes de la sclérose en plaques ainsi que l’absence de tout antécédent personnel ou familial de cette maladie ne permettaient pas de donner lieu à des présomptions graves, précises et concordantes d’un lien de causalité entre le vaccin et la maladie de W.

12.

À cet égard, la cour d’appel de Paris a relevé qu’il n’existait pas de consensus scientifique en faveur d’un lien de causalité entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques. Les autorités sanitaires nationales et internationales ont écarté l’association entre un risque d’atteinte démyélinisante centrale ou périphérique (caractéristique de la sclérose en plaques) et la vaccination contre l’hépatite B. La cour d’appel de Paris a également observé que la cause de la sclérose en plaques est inconnue. Enfin, elle s’est référée à des études épidémiologiques montrant que 92 à 95 % des malades atteints de la sclérose en plaques n’ont aucun antécédent dans leurs familles.

13.

L’arrêt de la cour d’appel de Paris a de nouveau fait l’objet d’un pourvoi devant la Cour de cassation qui a décidé de suspendre la procédure et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 4 de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux s’oppose‑t‑il, dans le domaine de la responsabilité des laboratoires pharmaceutiques du fait des vaccins qu’ils produisent, à un mode de preuve selon lequel le juge du fond, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, peut estimer que les éléments de fait invoqués par le demandeur constituent des présomptions graves, précises et concordantes, de nature à prouver le défaut du vaccin et l’existence d’un lien de causalité de celui-ci avec la maladie, nonobstant la constatation que la recherche médicale n’établit pas de lien entre la vaccination et la survenance de la maladie ?

2)

En cas de réponse négative à la [première question], l’article 4 de la directive 85/374 s’oppose-t-il à un système de présomptions selon lequel l’existence d’un lien de causalité entre le défaut attribué à un vaccin et le dommage subi par la victime serait toujours considérée comme établie lorsque certains indices de causalité sont réunis ?

3)

En cas de réponse affirmative à la [première question], l’article 4 de la directive 85/374 doit-il être interprété en ce sens que la preuve, à la charge de la victime, de l’existence d’un lien de causalité entre le défaut attribué à un vaccin et le dommage [subi] ne peut être considérée comme rapportée que si ce lien est établi de manière scientifique ? »

14.

Les parties requérantes, la première partie défenderesse, les gouvernements tchèque, allemand et français ainsi que la Commission européenne ont présenté des observations écrites. Les parties intéressées qui sont intervenues au stade écrit de la procédure, à l’exception du gouvernement allemand, ont également présenté des observations orales lors de l’audience du 23 novembre 2016.

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