N. W and Others v Sanofi Pasteur MSD SNC and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:484
Date21 June 2017
Docket NumberC-621/15
CourtCourt of Justice (European Union)
Celex Number62015CJ0621
Procedure TypeCuestión prejudicial - sobreseimiento
62015CJ0621

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

21 juin 2017 ( 1 )

«Renvoi préjudiciel — Directive 85/374/CEE — Responsabilité du fait des produits défectueux — Article 4 — Laboratoires pharmaceutiques — Vaccin contre l’hépatite B — Sclérose en plaques — Preuves du défaut du vaccin et du lien de causalité entre le défaut et le dommage subi — Charge de la preuve — Modes de preuve — Absence de consensus scientifique — Indices graves, précis et concordants laissés à l’appréciation du juge du fond — Admissibilité — Conditions»

Dans l’affaire C‑621/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Cour de cassation (France), par décision du 12 novembre 2015, parvenue à la Cour le 23 novembre 2015, dans la procédure

N. W,

L. W,

C. W

contre

Sanofi Pasteur MSD SNC,

Caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine,

Carpimko,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, Mme A. Prechal (rapporteur), M. A. Rosas, Mme C. Toader et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : Mme V. Giacobbo-Peyronnel, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 novembre 2016,

considérant les observations présentées :

pour Mmes W, par Me M. Jéhannin, avocate,

pour Sanofi Pasteur MSD SNC, par Mes J.-P. Chevallier et F. Monteret-Amar, avocats,

pour le gouvernement français, par MM. D. Colas et J. Traband ainsi que par Mme A. Maitrepierre, en qualité d’agents,

pour le gouvernement tchèque, par MM. J. Vláčil et M. Smolek, en qualité d’agents,

pour le gouvernement allemand, par MM. M. Hellmann et T. Henze, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme O. Beynet et M. G. Braga da Cruz, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 mars 2017,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4 de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (JO 1985, L 210, p. 29).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mmes N., L. et C. W (ci-après « W e.a. »), agissant tant en leur nom personnel qu’en leur qualité d’héritières de M. J. W, à Sanofi Pasteur MSD SNC (ci-après « Sanofi Pasteur ») ainsi qu’à la Caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine et à Carpimko, une caisse autonome de retraite et de prévoyance, à propos de la responsabilité éventuelle de Sanofi Pasteur du fait d’un vaccin prétendument défectueux produit par celle-ci.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les premier, deuxième, sixième, septième et dix-huitième considérants de la directive 85/374 sont libellés comme suit:

« considérant qu’un rapprochement des législations des États membres en matière de responsabilité du producteur pour les dommages causés par le caractère défectueux de ses produits est nécessaire du fait que leur disparité est susceptible de fausser la concurrence, d’affecter la libre circulation des marchandises au sein du marché commun et d’entraîner des différences dans le niveau de protection du consommateur contre les dommages causés à sa santé et à ses biens par un produit défectueux ;

considérant que seule la responsabilité sans faute du producteur permet de résoudre de façon adéquate le problème, propre à notre époque de technicité croissante, d’une attribution juste des risques inhérents à la production technique moderne ;

[...]

considérant que, pour protéger l’intégrité physique et les biens du consommateur, la détermination du caractère défectueux d’un produit doit se faire en fonction non pas de l’inaptitude du produit à l’usage, mais du défaut de sécurité à laquelle le grand public peut légitimement s’attendre; que cette sécurité s’apprécie en excluant tout usage abusif du produit, déraisonnable dans les circonstances ;

considérant qu’une juste répartition des risques entre la victime et le producteur implique que ce dernier doive pouvoir se libérer de la responsabilité s’il prouve l’existence de certains faits qui le déchargent ;

[...]

considérant que l’harmonisation résultant de la présente directive ne peut, au stade actuel, être totale, mais ouvre la voie vers une harmonisation plus poussée; [...] »

4

Aux termes de l’article 1er de la directive 85/374 :

« Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit. »

5

L’article 4 de ladite directive énonce :

« La victime est obligée de prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage. »

6

Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de la même directive :

« Un produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre compte tenu de toutes les circonstances, et notamment :

a)

de la présentation du produit ;

b)

de l’usage du produit qui peut être raisonnablement attendu ;

c)

du moment de la mise en circulation du produit. »

Le droit français

7

L’article 1386-1 du code civil énonce :

« Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime. »

8

L’article 1386-9 du code civil prévoit :

« Le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

9

À des fins de vaccination contre l’hépatite B, M. W s’est vu administrer un vaccin produit par Sanofi Pasteur, en trois injections intervenues, successivement, les 26 décembre 1998, 29 janvier 1999 et 8 juillet 1999. Au mois d’août 1999, M. W a commencé à présenter divers troubles ayant conduit, au mois de novembre 2000, à un diagnostic de sclérose en plaques.

10

Le 1er mars 2005, les experts judiciaires ont conclu que, depuis le 20 janvier 2001, la sclérose en plaques dont souffrait M. W ne lui permettait plus d’exercer une activité professionnelle. Par la suite, l’état de M. W s’est progressivement aggravé jusqu’à atteindre un déficit fonctionnel de 90 % nécessitant la présence constante d’une tierce personne, et ce jusqu’au moment de son décès, le 30 octobre 2011.

11

En 2006, M. W ainsi que W e. a., à savoir trois membres de sa famille, ont introduit, sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du code civil, une demande visant à obtenir la condamnation de Sanofi Pasteur à indemniser les préjudices qu’ils allèguent avoir subi en raison de l’administration à M. W du vaccin en cause. Au soutien de cette demande, ils ont fait valoir que la concomitance entre la vaccination et l’apparition de la sclérose en plaques ainsi que l’absence d’antécédents personnels et familiaux de M. W relativement à cette maladie sont de nature à faire naître des présomptions graves, précises et concordantes quant à l’existence d’un défaut du vaccin et quant à celle d’un lien de causalité entre l’injection de ce dernier et la survenance de ladite maladie.

12

Ils se sont appuyés, à cet égard, sur la jurisprudence de la Cour de cassation (France), selon laquelle, ainsi que l’expose cette dernière dans sa décision de renvoi, dans le domaine de la responsabilité des laboratoires pharmaceutiques du fait des vaccins qu’ils produisent, la preuve de l’existence d’un défaut du vaccin et d’un lien de causalité entre ce défaut et le dommage subi par la victime peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes souverainement appréciées par le juge du fond.

13

En particulier, il ressort de cette jurisprudence que le juge du fond peut, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, estimer que les éléments de fait invoqués par un demandeur, tels que le délai écoulé entre l’administration du vaccin et la survenance d’une maladie et l’absence d’antécédents familiaux ou personnels du patient quant à la maladie en cause, constituent des présomptions graves, précises et concordantes, de nature à établir le défaut du vaccin et l’existence d’un lien de causalité entre celui-ci et la maladie concernée, nonobstant la constatation que la recherche médicale n’établit pas de lien entre la vaccination et la survenance de cette maladie

14

La demande des consorts W a été accueillie par le tribunal de grande instance de Nanterre (France) dans un jugement du 4 septembre 2009. Ce jugement a, par la suite, été infirmé par la cour d’appel de Versailles (France) qui a considéré, dans un arrêt du 10 février 2011, que les éléments invoqués par ceux-ci étaient de nature à établir des présomptions graves, précises et concordantes quant à l’existence d’un lien causal entre l’injection du vaccin concerné et la survenance de la maladie, mais non quant à l’existence d’un défaut dudit vaccin.

15

Saisie d’un pourvoi dirigé contre ledit arrêt, la Cour de cassation a annulé celui-ci par un arrêt du 26 septembre 2012. Dans ce dernier arrêt, ladite juridiction a considéré que, en statuant, par une considération générale, sur le rapport bénéfice/risque de la vaccination, après avoir admis, en raison de l’excellent état de santé antérieur de M. W, de l’absence d’antécédents familiaux et du lien de proximité temporelle entre la vaccination et l’apparition de la maladie, qu’il existait des présomptions graves, précises et concordantes permettant d’affirmer que le lien causal entre la maladie et...

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