Opinion of Advocate General Bobek delivered on 6 February 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:77
Date06 February 2020
Celex Number62018CC0581
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 6 février 2020 (1)

Affaire C581/18

RB

contre

TÜV Rheinland LGA Products GmbH,

Allianz IARD S.A.

[Demande de décision préjudicielle formée par l’Oberlandesgericht Frankfurt am Main (tribunal régional supérieur de Francfort‑sur‑le‑Main, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Dispositifs médicaux – Implants mammaires défectueux – Assurance responsabilité civile du fait de l’exploitation de dispositifs médicaux – Limitation territoriale – Situations purement internes – Article 18 TFUE – Applicabilité du droit de l’Union »






I. Introduction

1. Une patiente allemande s’est fait poser, en Allemagne, des implants mammaires défectueux fabriqués par Poly Implant Prothèse S.A. (ci‑après « PIP »), une société française qui est maintenant insolvable. La patiente demande des dommages et intérêts devant les juridictions allemandes contre Allianz IARD S.A., l’assureur français de PIP. En France, les fabricants de dispositifs médicaux ont une obligation législative de souscrire une assurance responsabilité civile pour les dommages subis par les tiers, survenant dans le cadre de leur activité. Cette obligation a conduit PIP à conclure un contrat d’assurance avec Allianz qui contenait une clause territoriale limitant la couverture aux dommages causés sur le territoire français uniquement. Ainsi, les dispositifs médicaux fabriqués par PIP qui étaient exportés vers un autre État membre et utilisés sur le territoire de ce dernier n’étaient pas couverts par le contrat d’assurance.

2. Dans ce contexte, l’Oberlandesgericht Frankfurt am Main (tribunal régional supérieur de Francfort-sur-le-Main, Allemagne) souhaite savoir si le fait que PIP était assuré auprès d’Allianz pour les dommages causés par ses dispositifs médicaux sur le territoire français uniquement, à l’exclusion de ceux potentiellement causés dans d’autres États membres, est compatible avec l’article 18 TFUE et le principe de non‑discrimination en raison de la nationalité qu’il prévoit.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

3. L’article 18, premier alinéa, TFUE dispose :

« Dans le domaine d’application des traités, et sans préjudice des dispositions particulières qu’ils prévoient, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité. »

4. Aux termes de l’article 34 TFUE :

« Les restrictions quantitatives à l’importation ainsi que toutes mesures d’effet équivalent, sont interdites entre les États membres. »

5. Aux termes de l’article 35 TFUE :

« Les restrictions quantitatives à l’exportation, ainsi que toutes mesures d’effet équivalent, sont interdites entre les États membres. »

6. L’article 56, paragraphe 1, TFUE est libellé comme suit :

« Dans le cadre des dispositions ci‑après, les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation. »

B. Le droit français

7. L’article L. 1142‑2 du code de la santé publique dispose (2) :

« Les professionnels de santé exerçant à titre libéral, les établissements de santé, services de santé et organismes mentionnés à l’article L.1142‑1, et toute autre personne morale, autre que l’État, exerçant des activités de prévention, de diagnostic ou de soins ainsi que les producteurs, exploitants et fournisseurs de produits de santé, à l’état de produits finis, mentionnés à l’article L.5311‑1 à l’exclusion du 5°, sous réserve des dispositions de l’article L.1222‑9, et des 11°, 14° et 15°, utilisés à l’occasion de ces activités, sont tenus de souscrire une assurance destinée à les garantir pour leur responsabilité civile ou administrative susceptible d’être engagée en raison de dommages subis par des tiers et résultant d’atteintes à la personne, survenant dans le cadre de l’ensemble de cette activité.

Une dérogation à l’obligation d’assurance prévue au premier alinéa peut être accordée par arrêté du ministre chargé de la santé aux établissements publics de santé disposant des ressources financières leur permettant d’indemniser les dommages dans des conditions équivalentes à celles qui résulteraient d’un contrat d’assurance.

Les contrats d’assurance souscrits en application du premier alinéa peuvent prévoir des plafonds de garantie. […]

[…]

En cas de manquement à l’obligation d’assurance prévue au présent article, l’instance disciplinaire compétente peut prononcer des sanctions disciplinaires. »

8. L’article L. 252‑1 du code des assurances prévoit (3) :

« Toute personne assujettie à l’obligation d’assurance prévue à l’article L.1142‑2 du code de la santé publique qui, ayant sollicité la souscription d’un contrat auprès d’une entreprise d’assurance couvrant en France les risques de responsabilité civile mentionnée au même article, se voit opposer deux refus, peut saisir un bureau central de tarification dont les conditions de constitution et les règles de fonctionnement sont fixées par décret en Conseil d’État.

Le bureau central de tarification a pour rôle exclusif de fixer le montant de la prime moyennant laquelle l’entreprise d’assurance intéressée est tenue de garantir le risque qui lui a été proposé. Il peut, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, déterminer le montant d’une franchise qui reste à la charge de l’assuré.

Le bureau central de tarification saisit le représentant de l’État dans le département lorsqu’une personne assujettie à l’obligation d’assurance prévue à l’article L.1142‑2 du code de la santé publique présente un risque d’assurance anormalement élevé. Il en informe le professionnel concerné. Dans ce cas, il fixe le montant de la prime pour un contrat dont la durée ne peut excéder six mois.

Est nulle toute clause des traités de réassurance tendant à exclure certains risques de la garantie de réassurance en raison de la tarification adoptée par le bureau central de tarification. »

III. Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

9. PIP était un fabricant d’implants mammaires, établi en France. Ces implants étaient commercialisés par l’entreprise néerlandaise Rofil Medical Nederland B.V. (ci‑après « Rofil »), qui les emballait et les accompagnait d’une notice d’emballage. TÜV Rheinland LGA Products GmbH (ci‑après « TÜV Rheinland ») avait été chargée par PIP, en tant qu’« organisme notifié » au sens de la directive 93/42/CEE (4), de l’évaluation de la conformité aux normes allemandes, européennes et internationales. À cette fin, elle a effectué entre 1997 et 2010 plusieurs visites de contrôle chez PIP.

10. À l’automne 2006, la requérante au principal a subi une opération en Allemagne, au cours de laquelle elle s’est fait poser des prothèses mammaires commercialisées par l’entreprise Rofil. Il a par la suite été confirmé qu’au lieu du matériau « NuSil » décrit dans la documentation relative au produit et qui avait été précisé et approuvé dans le cadre de l’autorisation de mise sur le marché, ces implants étaient constitués de silicone industrielle non autorisée.

11. En mars 2010, pour la première fois, les autorités sanitaires françaises ont constaté, lors d’une inspection, que PIP utilisait illégalement de la silicone industrielle. En avril 2010, les autorités allemandes recommandaient aux médecins qui avaient posé des implants de silicone PIP d’en informer les patientes concernées et de ne plus utiliser ces implants mammaires. En 2012, le retrait complet de ces implants a été recommandé.

12. PIP a fait faillite et a été liquidée en 2011. En décembre 2013, le fondateur de PIP a été condamné par une juridiction française à quatre ans d’emprisonnement pour production et distribution de produits dangereux pour la santé.

13. La requérante en appel a introduit une action devant les juridictions allemandes contre le médecin qui lui avait posé les implants, contre TÜV Rheinland et contre Allianz.

14. Elle a fait valoir qu’elle disposait en droit français d’une action directe contre Allianz. Aux termes de l’article L.1142‑2 du code de la santé publique, les fabricants de dispositifs médicaux sont tenus de souscrire une assurance auprès d’une compagnie d’assurance (ci‑après l’« obligation d’assurance »). Cette assurance responsabilité civile accorde aux tiers lésés un droit d’action directe (Direktanspruch) à l’encontre de l’assureur.

15. Aux termes de l’article L.252‑1 du code des assurances, toute personne assujettie à l’obligation d’assurance qui, ayant sollicité la souscription d’un contrat auprès d’une entreprise d’assurance couvrant en France les risques de responsabilité civile mentionnée audit article, se voit opposer deux refus, peut saisir le bureau central de tarification. Celui-ci fixe le montant de la prime moyennant laquelle l’entreprise d’assurance intéressée est tenue de garantir le risque qui lui a été proposé.

16. En 2005, il a obligé l’AGF IARD, le prédécesseur d’Allianz, à conclure un contrat avec PIP afin de fournir à cette dernière une couverture d’assurance. Le bureau central de tarification a calculé le montant de la prime d’assurance sur la base du chiffre d’affaires réalisé par PIP sur le territoire français. Dans les clauses contractuelles particulières, sous le titre « Étendue géographique », il a été convenu que la couverture s’appliquait exclusivement aux sinistres survenus en France métropolitaine et aux DOM-TOM (ci‑après la « limitation territoriale »). Le bureau central de tarification ne s’est pas opposé à la limitation territoriale. Il était également prévu qu’en cas de dommages en série, le montant maximal garanti par dommage atteindrait 3 000 000,00 euros et le montant maximal garanti par année couverte s’élèverait à 10 000 000,00 euros.

17. L’action de la requérante a été rejetée par la juridiction de première instance. La requérante a formé un appel contre cet arrêt devant l’Oberlandesgericht Frankfurt am Main (tribunal régional supérieur de Francfort-sur-le-Main), la...

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