Opinion of Advocate General Sharpston delivered on 24 September 2015.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:630
Date24 September 2015
Celex Number62014CC0359
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
CourtCourt of Justice (European Union)
62014CC0359

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 24 septembre 2015 ( 1 )

Affaires jointes C‑359/14 et C‑475/14

ERGO Insurance SE, agissant par l’intermédiaire d’ERGO Insurance SE Lietuvos filialas

contre

If P&C Insurance AS, agissant par l’intermédiaire d’If P&C Insurance AS filialas

[demande de décision préjudicielle

formée par le Vilniaus miesto apylinkės teismas (Lituanie)]

et

AAS Gjensidige Baltic, agissant par l’intermédiaire d’AAS «Gjensidige Baltic» Lietuvos filialas

contre

UAB DK «PZU Lietuva»

[demande de décision préjudicielle

formée par le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas (Lituanie)]

«Coopération judiciaire en matière civile — Choix de la loi applicable — Champs d’application des règlements Rome I et Rome II — Directive 2009/103/CE — Accident causé par un véhicule tracteur avec une remorque assurés par des assureurs différents au titre de la responsabilité civile — Accident survenu dans un État membre autre que celui de la conclusion des contrats d’assurance au titre de la responsabilité civile»

1.

Un véhicule tracteur avec une remorque est impliqué dans un accident de la circulation dans un État membre, alors que les deux véhicules sont immatriculés dans un autre État membre où ils sont assurés au titre de la responsabilité civile auprès de deux sociétés d’assurances différentes. L’assureur du véhicule tracteur paie l’intégralité de l’indemnisation due à la victime à la suite de l’accident. Il se retourne ensuite contre l’assureur de la remorque (le véhicule tracté) pour récupérer une partie de l’indemnité versée (par une action récursoire).

2.

Par les présentes demandes de décision à titre préjudiciel, les deux juridictions de renvoi cherchent à savoir si une telle action récursoire relève du champ d’application des règles du droit de l’Union qui déterminent la loi applicable en matière civile et commerciale et, dans l’affirmative, quelles sont les règles applicables. L’affaire C‑359/14 est présentée par le Vilniaus miesto apylinkės teismas (tribunal de district de la ville de Vilnius, Lituanie); l’affaire C‑475/14 émane du Lietuvos Aukščiausiasis Teismas (Cour suprême de Lituanie). Toutes deux soulèvent d’importantes questions concernant le champ d’application et l’interprétation du droit de l’Union harmonisant les règles de conflit de lois, à savoir les règlements Rome I ( 2 ) et Rome II ( 3 ). La question de savoir si la directive 2009/103/CE ( 4 ) introduit des règles spéciales dans ce cadre pour déterminer la loi applicable en matière d’accidents de véhicules à moteur est également soulevée.

Le cadre juridique

Le système d’harmonisation du droit international privé en matière civile et commerciale

3.

Dans le cadre de l’harmonisation entre États membres du droit international privé en matière civile et commerciale, la convention de Bruxelles ( 5 ) énonçait des règles permettant d’identifier l’État membre dont les tribunaux sont compétents pour juger un litige transfrontalier. Le règlement «Bruxelles I» ( 6 ) l’a remplacée. La convention de Rome ( 7 ) a été conclue afin de poursuivre le processus d’harmonisation. Une nouvelle étape a été franchie avec l’adoption de deux règlements (connus comme les règlements Rome I et Rome II) afin d’assurer que, dans des situations de conflit de lois, les mêmes règles soient appliquées dans l’Union européenne pour désigner la loi nationale régissant les procédures, quel que soit l’État membre dans lequel l’action est introduite. Le bon fonctionnement du marché intérieur, l’amélioration de la prévisibilité de l’issue des litiges, la sécurité quant au droit applicable et la libre circulation des jugements figurent parmi les principaux objectifs des règlements Rome I et Rome II ( 8 ).

4.

Certains principes sont communs aux deux règlements, notamment l’objectif d’assurer la cohérence, entre eux et par rapport au règlement Bruxelles I, de leur champ d’application matériel et de leur interprétation ( 9 ). Les deux règlements ne s’opposent pas non plus à ce que d’autres dispositions de droit de l’Union, qui régissent des domaines particuliers, règlent des conflits de lois ( 10 ).

Le règlement Rome I

5.

Le règlement Rome I s’applique «[…] dans des situations comportant un conflit de lois, aux obligations contractuelles relevant de la matière civile et commerciale» ( 11 ).

6.

La règle générale veut que les contrats soient régis par la loi choisie par les parties ( 12 ).

7.

À défaut de choix exercé par les parties, la loi applicable au contrat est en principe déterminée selon les règles générales énoncées à l’article 4. L’article 4, paragraphe 1, prévoit les règles permettant de déterminer la loi applicable en ce qui concerne certaines catégories définies de contrats. Conformément à l’article 4, paragraphe 2, d’autres contrats et les contrats hybrides sont régis par la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle. Dans d’autres circonstances, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits (article 4, paragraphes 3 et 4).

8.

Les articles 5 à 8 portent sur d’autres catégories particulières de contrats. L’article 7 concerne la loi applicable aux contrats d’assurance. L’article 7, paragraphe 3, dispose que, en ce qui concerne les contrats visés ici, les parties peuvent uniquement choisir certaines lois comme loi applicable conformément à l’article 3. La loi de l’État membre où le risque est situé au moment de la conclusion du contrat [article 7, paragraphe 3, sous a)] et la loi du pays dans lequel le preneur d’assurance a sa résidence habituelle [article 7, paragraphe 3, sous b)] figurent parmi ces lois. L’article 7, paragraphe 4, prévoit des règles supplémentaires pour les contrats d’assurance couvrant des risques pour lesquels un État membre impose l’obligation de souscrire une assurance ( 13 ).

9.

L’article 15 est intitulé «Subrogation légale». Il prévoit que, «[l]orsqu’en vertu d’un contrat une personne (‘le créancier’) a des droits à l’égard d’une autre personne (‘le débiteur’) et qu’un tiers a l’obligation de désintéresser le créancier ou encore que le tiers a désintéressé le créancier en exécution de cette obligation, la loi applicable à cette obligation du tiers détermine si et dans quelle mesure celui-ci peut exercer les droits détenus par le créancier contre le débiteur selon la loi régissant leurs relations».

10.

Conformément à l’article 16, «[l]orsqu’un créancier a des droits à l’égard de plusieurs débiteurs qui sont tenus à la même obligation et que l’un d’entre eux l’a déjà désintéressé en totalité ou en partie, la loi applicable à l’obligation de ce débiteur envers le créancier régit également le droit du débiteur d’exercer une action récursoire contre les autres débiteurs. Les autres débiteurs peuvent faire valoir les droits dont ils disposaient à l’égard du créancier dans la mesure prévue par la loi régissant leurs obligations envers le créancier».

Le règlement Rome II

11.

Le règlement Rome II s’applique, «[…] dans les situations comportant un conflit de lois, aux obligations non contractuelles relevant de la matière civile et commerciale. […]» ( 14 ).

12.

Le chapitre II est intitulé «Faits dommageables». L’article 4, paragraphe 1, établit la règle générale selon laquelle «la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent». Les articles 5 à 12 énoncent les règles applicables à des obligations non contractuelles particulières ( 15 ).

13.

L’article 18 prévoit qu’une victime peut agir directement contre l’assureur de la personne responsable. Il dispose: «La personne lésée peut agir directement contre l’assureur de la personne devant réparation si la loi applicable à l’obligation non contractuelle ou la loi applicable au contrat d’assurance le prévoit».

14.

Le chapitre V prévoit certaines règles générales, parmi lesquelles des dispositions régissant la subrogation, à l’article 19, et les recours en cas de responsabilité multiple, à l’article 20. Ces dispositions reflètent le libellé des articles 15 et 16 du règlement Rome I.

La directive 2009/103

15.

La directive 2009/103 codifie les directives relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs. En vertu de cette directive, les véhicules couverts par une assurance automobile obligatoire doivent être assurés lorsqu’ils circulent dans toute l’Union européenne. Les considérants suivants de la directive sont pertinents. Selon le considérant 12, l’obligation faite aux États membres de veiller à une couverture d’assurance constitue un élément majeur pour la protection des victimes. Le considérant 26 est libellé comme suit: «Dans l’intérêt de l’assuré, il convient que chaque police d’assurance garantisse, par une prime unique dans chacun des États membres, la couverture requise par sa législation ou la couverture exigée par la législation de l’État membre où le véhicule a son stationnement habituel, lorsque cette dernière est supérieure».

16.

Un véhicule est défini comme «tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique, sans être lié à une voie ferrée, ainsi que les remorques, même non attelées» ( 16 ).

17.

Le principe général énoncé à l’article 3 veut que chaque État membre prenne des mesures appropriées pour...

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