Groupe Gascogne SA v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:360
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-58/12
Date30 May 2013
Celex Number62012CC0058
Procedure TypeRecurso de anulación
62012CC0058

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 30 mai 2013 ( 1 )

Affaire C‑58/12 P

Groupe Gascogne SA

contre

Commission européenne

«Pourvoi — Concurrence — Entente — Marché des sacs industriels en plastique — Amendes — Violation du droit fondamental d’être entendu dans un délai raisonnable par le Tribunal»

Avant-propos

1.

Le 16 novembre 2011, le Tribunal de première instance a rendu trois arrêts ( 2 ) rejetant les recours en annulation dirigés contre la décision de la Commission européenne clôturant l’affaire COMP/38354 – sacs industriels ( 3 ). Dans cette décision, la Commission a constaté que les entreprises prévenues s’étaient rendues coupables d’une violation grave et durable de ce qui était à l’époque l’article 81 CE (devenu article 101 TFUE) et elle a imposé de lourdes amendes à un certain nombre de sociétés filiales et à leurs sociétés mères respectives. Plusieurs d’entre elles, dont le Groupe Gascogne SA (ci-après le «Groupe Gascogne»), ont engagé un pourvoi contre les arrêts du Tribunal. Celui‑ci est l’un d’entre eux ( 4 ).

2.

Outre les questions de droit de la concurrence qu’ils soulèvent, ces pourvois font grief au Tribunal d’avoir enfreint l’article 47 de la charte des droits fondamentaux ( 5 ) (ci-après la «Charte») en ne statuant pas dans un délai raisonnable. Dans ces conditions, il incombe évidemment à la Cour de s’employer à traiter les pourvois en toute diligence. Afin de me plier à cette contrainte sans perdre de vue le temps nécessaire à la traduction, j’ai réparti les questions auxquelles je voudrais apporter une réponse entre les trois mémoires de conclusions de la manière suivante.

3.

J’exposerai les principales dispositions de droit applicables, puis je décrirai l’entente ainsi que la procédure qui a précédé la décision de la Commission et les amendes infligées aux points 6 à 34 des conclusions que je présenterai dans l’affaire Gascogne Sack Deutschland/Commission ( 6 ). Chaque pourvoi soulevant des points légèrement différents en ce qui concerne les circonstances dans lesquelles les sociétés mères sont, ou ne sont pas, responsables des agissements des filiales qu’elles détiennent à 100 %, j’aborderai cette question dans chacune des affaires distinctement. Quant aux questions soulevées par le grief fait au Tribunal de n’avoir pas statué dans un délai raisonnable, je développerai mon analyse (concernant, en particulier, les critères permettant de déterminer si le Tribunal a pris un retard excessif ainsi que les éventuelles corrections disponibles si tel a été le cas) aux points 70 à 150 des présentes conclusions. Quant aux arguments détaillés articulés par chacun des requérants à propos, par exemple, de la correction du raisonnement tenu par le Tribunal dans ses arrêts, je les examinerai séparément dans chaque affaire en particulier ( 7 ).

Introduction

4.

Dans son pourvoi, le Groupe Gascogne conteste l’interprétation que le Tribunal a donnée à deux notions du droit de la concurrence, à savoir la notion d’entreprise et le principe suivant lequel une société mère est responsable des infractions commises par une filiale qu’elle possède à 100 %. Selon le Groupe Gascogne, la limite supérieure (ci-après le «plafond de 10 %») d’une amende infligée pour une telle infraction sur la base de la responsabilité conjointe et solidaire devrait être calculée conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1/2003 ( 8 ) sur la base du chiffre d’affaires cumulé de la filiale et de sa société mère et non pas sur la base du chiffre d’affaires mondial de l’ensemble des sociétés que comporte le groupe ( 9 ).

Le cadre juridique

La directive sur les comptes consolidés

5.

La directive sur les comptes consolidés ( 10 ) a notamment pour objectif de coordonner les législations nationales sur les comptes annuels de certaines formes de sociétés, en particulier les groupes de sociétés qui constituent une entreprise ( 11 ). Elle a également pour objectif d’assurer que l’information financière sur ces ensembles d’entreprises soit portée à la connaissance des associés et des tiers ( 12 ). Les entreprises soumises à l’obligation d’établir des comptes consolidés sont définies à l’article 1er, paragraphes 1 et 2. Il s’agit, notamment, de toute entreprise mère qui:

«a)

a la majorité des droits de vote des actionnaires ou associés d’une entreprise […] ou

b)

a le droit de nommer ou de révoquer la majorité des membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance d’une entreprise […] et est en même temps actionnaire ou associé de cette entreprise, ou

c)

a le droit d’exercer une influence dominante sur une entreprise […] dont elle est actionnaire ou associé […]»

6.

L’article 16 de la directive sur les comptes consolidés dispose notamment ce qui suit:

«1. Les comptes consolidés comprennent le bilan consolidé, le compte de profits et pertes consolidés, ainsi que l’annexe. […]

[…]

3. Les comptes consolidés doivent donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que des résultats de l’ensemble des entreprises comprises dans la consolidation.»

Sommaire de l’arrêt entrepris

7.

En première instance, le Groupe Gascogne ( 13 ) a demandé au Tribunal:

d’annuler la décision dans la mesure où elle lui est adressée et lui inflige une amende;

de réformer la décision dans la mesure où, en violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17, elle inflige à sa filiale Gascogne Sack Deutschland (GSD) une amende supérieure à 10 % du chiffre d’affaires de celle-ci;

à titre subsidiaire, d’annuler l’article 2, sous i), de la décision;

à titre plus subsidiaire, de réformer l’article 2, sous i), de la décision et de réduire le montant de l’amende infligée conjointement et solidairement au Groupe Gascogne et à GSD; et

de condamner la Commission aux dépens.

8.

Le Groupe Gascogne a invoqué trois moyens à l’appui de sa demande d’annulation de la décision. Premièrement, il fait valoir qu’en lui attribuant la responsabilité conjointe et solidaire de l’infraction commise par GSD, la Commission a enfreint l’article 101 TFUE. Deuxièmement, il soutient que la Commission a commis une erreur en droit parce qu’elle a interprété de manière incorrecte le terme «entreprise» qui figure à l’article 81 CE, de sorte qu’en infligeant au Groupe Gascogne une amende calculée sur la base du chiffre d’affaires mondial de l’ensemble du groupe plutôt que sur la base du chiffre d’affaires cumulé de GSD et du Groupe Gascogne (en tenant compte, probablement, du chiffre d’affaires de la société holding Groupe Gascogne, mais pas de celui de ses filiales), elle a également enfreint l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003. Troisièmement, le Groupe Gascogne affirme que l’amende infligée conjointement et solidairement à elle-même et à GSD est incompatible avec le principe de proportionnalité dans la mesure où la Commission ne s’est pas assurée que la sanction imposée et le chiffre d’affaires réalisé sur le marché des sacs en plastique présentaient un rapport raisonnable.

9.

Au cours de l’audience, le Groupe Gascogne a dénoncé trois éléments qui comporteraient une violation des droits fondamentaux qui sont garantis par la Charte. Premièrement, elle a soutenu que ses droits de la défense et la présomption d’innocence consacrée à l’article 48 de la Charte n’ont pas été respectés. Deuxièmement, elle a affirmé que le raisonnement développé dans la décision était incorrect et qu’il ne permettait donc pas de contrôler sa légalité. Troisièmement, elle a demandé au Tribunal, sur la base des articles 47 et 49 de la Charte, d’exercer sa compétence de pleine juridiction et de lui imposer une sanction proportionnée.

10.

Au point 31 de son arrêt, le Tribunal a dit pour droit que le premier point soulevé par le Groupe Gascogne, qui prétend que ses droits de la défense et la présomption d’innocence n’ont pas été respectés, comportait de nouveaux éléments et qu’il était dès lors irrecevable.

11.

Le Tribunal a ensuite rejeté les trois moyens et rejeté le recours dans sa totalité.

Moyen du pourvoi

12.

Le Groupe Gascogne invoque quatre moyens à l’appui de son pourvoi.

13.

Premièrement, le Groupe Gascogne affirme qu’en refusant d’examiner l’impact des changements intervenus dans l’ordre juridique de l’Union européenne en raison de l’entrée en vigueur, le 1er décembre 2009, de l’article 6, paragraphe 1, TUE, notamment en ce qui concerne l’article 48 de la Charte, le Tribunal a commis une erreur en droit.

14.

Deuxièmement, le Groupe Gascogne soutient que le Tribunal a enfreint l’article 101 TFUE et l’article 48 de la Charte i) parce qu’il lui a indûment attribué la responsabilité conjointe et solidaire de l’infraction commise par GSD du 1er janvier 1994 au 26 juin 2012 au seul motif que GSD est une filiale 100 % du Groupe Gascogne et ii) parce qu’il a confirmé la décision dans la mesure où celle-ci déclare le Groupe Gascogne conjointement et solidairement responsable du paiement, à hauteur de 9,9 millions d’euros, de l’amende infligée à GSD.

15.

Troisièmement, le Groupe Gascogne soutient, à titre subsidiaire, que le Tribunal a commis une erreur en droit en ce qu’il a mal interprété la notion d’«entreprise» et, par conséquent, en ce qu’il a déterminé le plafond de 10 % aux fins du calcul de l’amende en prenant en considération le chiffre d’affaires mondial du Groupe Gascogne et non pas le chiffre d’affaires cumulé de GSD et de sa société mère.

16...

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1 practice notes
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    ...be refunded. 97 In the third place, point 135 of the Opinion of Advocate General Sharpston in Groupe Gascogne v Commission (C‑58/12 P, EU:C:2013:360) shows that there is a direct link between the breach of the obligation to adjudicate within a reasonable time and the additional costs of pay......
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