ING Pensii, Societate de Administrare a unui Fond de Pensii Administrat Privat SA v Consiliul Concurenței.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:272
Docket NumberC-172/14
Celex Number62014CC0172
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date23 April 2015
62014CC0172

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 23 avril 2015 ( 1 )

Affaire C‑172/14

ING Pensii Societate de Administrare a unui Fond de Pensii Administrat Privat SA

contre

Consiliul Concurenței

[demande de décision préjudicielle formée par l’Înalta Curte de Casaţie şi Justiţie (Roumanie)]

«Renvoi préjudiciel — Concurrence — Ententes — Modalités de répartition de la clientèle dans le marché roumain de la gestion privée des fonds de pension obligatoires — Existence d’une restriction de concurrence ‘par objet’ au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE — Affectation du commerce entre États membres»

1.

La présente affaire trouve son origine dans un litige opposant ING Pensii qSocietate de Administrare a unui Fond de Pensii Administrat Privat SA (ci-après «ING Pensii»), une société gestionnaire d’un fonds de pension privé, au Consiliul Concurenţei (Conseil de la concurrence roumain) au sujet d’une demande d’annulation d’une décision qui condamne cette société au paiement d’une amende pour avoir participé à un accord visant à restreindre la concurrence sur le marché des fonds de pension privés. Elle porte plus précisément sur les accords, mis en place par les gestionnaires de fonds de pension privés obligatoires, de répartition des doublons, à savoir des personnes ayant, par méconnaissance des règles applicables en la matière ou par négligence de certains agents commerciaux, adhéré à deux fonds ou plus lors de la période initiale d’adhésion légalement mise en œuvre en 2007, ci-après les «doublons».

2.

Le présent renvoi préjudiciel, motivé en grande partie par l’existence d’interprétations divergentes au sein des juridictions roumaines, conduit la Cour à apporter certaines clarifications sur les notions de restriction «par objet» et d’affectation sensible de la concurrence. Elle offre tout particulièrement l’occasion de rappeler les éléments dont il doit être tenu compte et la méthode d’analyse qui doit être appliquée pour déterminer si un accord a un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

I – Le cadre juridique national

3.

Le système de répartition des doublons visé en l’espèce s’inscrit dans le cadre de la législation nationale roumaine relative à la constitution, à l’organisation et au fonctionnement du marché de la gestion privée des fonds de pension obligatoires.

4.

Le droit national applicable est indéniablement caractérisé par une certaine complexité. Sans prétendre à l’exhaustivité et pour les besoins de l’analyse qui suivra, les éléments suivants doivent être soulignés.

A – Règles générales relatives à l’adhésion aux fonds de pension privés

5.

Le régime de pensions en Roumanie se compose de la manière suivante:

premier pilier: composante obligatoire, fondée sur la redistribution, gérée publiquement;

deuxième pilier: composante obligatoire, fondée sur la capitalisation, gérée de manière privée par des sociétés anonymes ayant pour objet la gestion de fonds de pension et régie par la loi no 411/2004 relative aux fonds de pension à gestion privée (legea privind fondurile de pensii administrate privat) ( 2 );

troisième pilier: composante facultative, fondée sur la capitalisation, également gérée de manière privée.

6.

En application de la loi no 411/2004, 18 sociétés commerciales ayant pour objet exclusif la gestion des fonds de pension ont été agréées par la Comisia de Supraveghere a Sistemului de Pensii Private (commission de surveillance du régime de pensions privées) (ci-après la «CSSPP») au cours de la période comprise entre le 25 juillet 2007 et le 9 octobre 2007, chacune de ces sociétés ne pouvant gérer qu’un seul fonds de pension en Roumanie.

7.

Conformément à l’article 30, paragraphe 1, de la loi no 411/2004, les personnes âgées de moins de 35 ans qui sont affiliées et qui cotisent au régime public de pensions (premier pilier) sont tenues d’adhérer également à un fonds de pension à gestion privée (deuxième pilier).

8.

Ne peuvent pas adhérer au deuxième pilier les personnes âgées de plus de 45 ans ou celles qui ne cotisent pas au régime public de pensions (premier pilier). Les personnes âgées entre 35 et 45 ans qui contribuent au premier pilier peuvent choisir de participer ou non au deuxième pilier (article 30, paragraphe 2, de la loi no 411/2004). Indépendamment de la contribution aux premier et deuxième piliers, toute personne physique peut contribuer au troisième pilier, même si cela ne peut aboutir à remplacer la contribution aux premier ou deuxième piliers, pour les personnes qui sont tenues de contribuer à ces régimes de pensions.

9.

Concernant les participants au deuxième pilier, seuls visés dans l’affaire au principal, l’article 31 de la loi no 411/2004 prévoit qu’une personne ne peut pas souscrire à plusieurs fonds de pension en même temps et qu’elle ne peut détenir qu’un seul compte au fonds de pension auquel elle participe.

10.

Conformément à l’article 32, paragraphe 1, de la loi no 411/2004, une personne n’acquiert la qualité de participant à un fonds de pension qu’en signant un acte d’adhésion individuel, de sa propre initiative ou à la suite de son affiliation par l’institution chargée des enregistrements.

11.

Aux termes de l’article 33 de la loi no 411/2004, toute personne n’ayant pas déjà adhéré à l’un des fonds de pension privés dans un certain délai est affilié de manière aléatoire dans l’un des fonds de pension par l’institution chargée des enregistrements. Cette répartition était effectuée proportionnellement aux parts de marché obtenues par chacun des gestionnaires (article 33, paragraphe 2).

B – Règles spécifiques relatives à l’adhésion initiale à un fonds de pension privé, à la procédure de validation des adhésions et à la répartition aléatoire des participants non affiliés

12.

La procédure d’adhésion initiale à un fonds de pension privé ainsi que la procédure de validation et de répartition aléatoire des participants ont été régies par l’arrêté no 18/2007 relatif à l’adhésion initiale et à l’enregistrement des participants aux fonds de pension privés ( 3 ), tel que modifié et complété par l’arrêté no 31/2007 ( 4 ), ci-après l’«arrêté no 18/2007».

13.

En vertu de l’article 17, paragraphe 1, de l’arrêté no 18/2007, la procédure d’adhésion initiale à un fonds de pension à gestion privée devait se dérouler sur une période de quatre mois, qui a commencé le 17 septembre 2007 et s’est terminée le 17 janvier 2008 (article 5, paragraphe 6, de l’arrêté no 18/2007). Au cours de cette période, toutes les personnes qui n’avaient pas atteint l’âge de 35 ans avant le 31 décembre 2007 ou qui ont atteint cet âge à cette date sont tenues, lorsqu’elles remplissent en outre certaines conditions, d’adhérer à un fonds de pension privé (articles 4, paragraphe 1, et 5, paragraphe 3, de l’arrêté no 18/2007).

14.

En ce qui concerne la procédure de validation et de répartition aléatoire des participants (articles 19 à 31 de l’arrêté no 18/2007), l’arrêté no 18/2007 prévoyait que les gestionnaires étaient tenus de transmettre à l’Office national des pensions et autres droits d’assurance sociale (Casa Națională de Pensii și Alte Drepturi de Asigurări Sociale, ci-après la «CNPAS»), bimensuellement (le 1er et le 15 de chaque mois), un rapport contenant des informations relatives aux personnes ayant signé un acte individuel d’adhésion dans les deux semaines précédant l’établissement de ce rapport. Si, dans le cadre des rapports bimensuels, une personne apparaissait dans les rapports envoyés par un ou par plusieurs gestionnaires comme ayant signé plusieurs actes individuels d’adhésion ou s’il était constaté que son adhésion avait été temporairement validée dans le cadre de rapports antérieurs, la CNPAS inscrivait cette personne au tableau électronique des doublons (article 21, paragraphe 1, de l’arrêté no 18/2007). Dans ce cas, les gestionnaires des fonds étaient légalement tenus de vérifier l’authenticité de l’acte individuel d’adhésion et de la copie de la carte d’identité revêtus de la signature manuscrite de la personne apparaissant comme ayant signé plusieurs actes individuels d’adhésion et, si l’authenticité de l’acte était constatée, les gestionnaires pouvaient transmettre à nouveau à la CNPAS, dans le rapport bimensuel suivant, les informations relatives à l’adhésion de la personne concernée.

15.

À la fin de la procédure d’adhésion initiale, les personnes dont l’adhésion apparaissait comme temporairement validée étaient enregistrées comme validées, et celles qui apparaissaient comme ayant signé plus d’un acte individuel d’adhésion étaient inscrites au registre des participants comme non validées et réparties de manière aléatoire ( 5 ). Par conséquent, la répartition aléatoire devait s’appliquer aux personnes qui, bien que tenues d’adhérer à un fonds de pension privé au cours de la phase d’adhésion initiale, ne l’avaient pas fait, ainsi qu’aux personnes inscrites dans le registre en tant que personnes dont l’adhésion n’avait pas été validée. La répartition dans l’un des fonds privés était effectuée par la CNPAS, de manière directement proportionnelle au nombre de personnes dont l’adhésion avait été validée pour chaque fonds de pension privé par rapport au nombre total de personnes dont l’adhésion avait été validée pour l’ensemble des fonds de pension privés.

16.

L’arrêté no 31/2007, qui a modifié et complété l’arrêté no 18/2007, a en outre prévu que les gestionnaires étaient tenus d’indiquer aux participants, dans un délai de quinze jours à compter de la date de validation, pour quel fonds de pension leur...

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