Unión General de Trabajadores de La Rioja (UGT-Rioja) and Others v Juntas Generales del Territorio Histórico de Vizcaya and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:262
Docket NumberC-434/06,C-428/06
Celex Number62006CC0428
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date08 May 2008

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Me JULIANE KOKOTT

présentées le 8 mai 2008 (1)

Affaires jointes C‑428/06, C‑429/06, C‑430/06, C‑431/06, C‑432/06, C‑433/06 et C‑434/06

Unión General de Trabajadores de La Rioja UGT-RIOJA


contre


Juntas Generales del Territorio Histórico de Vizcaya


e.a.


[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Superior de Justicia de la Comunidad Autónoma del País Vasco, Espagne]

«Aides d’État – Mesures fiscales adoptées par une collectivité régionale ou locale – Taux d’impôt des sociétés réduit – Déductibilité des dépenses d’investissement – Caractère sélectif»





I – Introduction

1. Les trois territoires historiques Vizcaya (Bizkaia), Álava (Araba) et Guipúzcoa (Gipuzkoa) sont en fait des collectivités autonomes et forment ensemble la Communauté autonome du Pays basque. En vertu du régime fiscal particulier traditionnel (Fueros), ils disposent de compétences législatives propres en matière de droit fiscal. Se fondant sur ces compétences, ils ont fixé le taux de l’impôt sur les sociétés à 32,5 % pour les sociétés établies sur leur territoire respectif. Par contre, en Espagne, le taux de l’impôt sur les sociétés est fixé de manière générale à 35 %. De plus, les territoires historiques ont adopté des réglementations particulières pour le traitement fiscal de certains investissements qui ne connaissent pas de pendant en droit fiscal espagnol.

2. Les régions voisines de La Rioja et de Castilla y León ainsi que le syndicat Unión General de Trabajadores de La Rioja UGT-RIOJA considèrent que ces réglementations fiscales sont contraires à des dispositions nationales d’un rang supérieur et constituent des aides d’État illégales au sens des articles 87 CE et 88 CE. Par conséquent, elles ont introduit un recours auprès du Tribunal Superior de Justicia del País Vasco, qui a déféré à la Cour sept demandes de décision préjudicielle (2) qui sont en grande partie identiques.

3. Il convient de préciser tout d’abord si les mesures fiscales adoptées par les territoires historiques ne favorisent pas «certaines entreprises ou certaines productions» par rapport à d’autres, et donc si elles ont un caractère sélectif. Si l’on prend comme cadre de référence le territoire espagnol dans son ensemble, alors il y aurait une sélectivité régionale. En effet, seules les entreprises établies dans certaines parties de l’Espagne, à savoir dans les territoires historiques, bénéficient des réglementations fiscales litigieuses.

4. Toutefois, dans son arrêt du 6 septembre 2006, Portugal/Commission (3), la Cour a jugé dans une affaire relative aux dispositions fiscales de la Région autonome des Açores (Portugal), en ce qui concerne les mesures fiscales adoptées par une collectivité régionale ou locale, que le cadre de référence ne doit pas nécessairement être défini par l’ensemble du territoire national de l’État membre concerné. Lorsqu’une telle collectivité dispose de suffisamment d’autonomie, alors son seul territoire peut constituer le cadre géographique de référence. Dans un tel cas, une réglementation qui favorise de la même manière toutes les entreprises localisées dans la région des Açores constitue une mesure générale non sélective qui ne remplit pas les critères d’une aide d’État.

5. Actuellement, la Cour et le Tribunal ont examiné ou examinent encore plus de 40 affaires concernant les mesures fiscales des territoires historiques de Vizcaya, Álava et Guipúzcoa (4). Toutefois, les dispositions litigieuses en l’espèce n’ont pas encore fait l’objet d’une procédure. La Commission et le Tribunal ont conclu au caractère sélectif des mesures qu’ils ont examinées non seulement en raison de leur champ d’application territorial, mais également à la lumière d’autres conditions qui restreignaient le cercle des bénéficiaires de ces mesures comme la taille des entreprises ou le fait qu’il s’agit d’entreprises nouvellement établies (5).

6. En revanche, dans les présentes affaires, ce qui est déterminant est uniquement le fait que les réglementations fiscales ont la caractéristique de mesures régionales. Cela offre l’opportunité à la Cour de développer sa jurisprudence initiée avec l’arrêt Açores. Elle doit préciser plus particulièrement quelles sont les exigences qui doivent être liées à l’autonomie des collectivités régionales et locales afin que leurs réglementations fiscales puissent être qualifiées comme étant des mesures propres ne s’inscrivant pas dans le cadre global de l’État.

II – Cadre juridique

A – La Constitution espagnole

7. Les articles suivants de la Constitution espagnole présentent de l’intérêt dans le présent contexte:

«Article 2 – La Constitution est fondée sur l’unité indissoluble de la nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les Espagnols. Elle reconnaît et garantit le droit à l’autonomie des nationalités et des régions qui la composent et la solidarité entre elles.

Article 31 – (1) Toute personne contribuera aux dépenses publiques, en fonction de sa capacité économique, par un système fiscal juste fondé sur des principes d’égalité et de progressivité qui ne revêtira, en aucun cas, le caractère d’une confiscation.

[…]»

8. Le titre VIII de la Constitution concerne l’organisation territoriale de l’État et contient les dispositions suivantes:

«Article 137 – L’État se compose, dans son organisation territoriale, de communes, de provinces et des Communautés autonomes qui seront constituées. Toutes ces entités jouissent d’une autonomie pour la gestion de leurs intérêts respectifs.

Article 138 – (1) L’État garantit l’application effective du principe de solidarité consacré à l’article 2 de la Constitution, en veillant à l’établissement d’un équilibre économique approprié et juste entre les différentes parties du territoire espagnol, compte tenu tout particulièrement des circonstances propres à l’insularité.

(2) Les différences entre les statuts des diverses Communautés autonomes ne pourront impliquer, en aucun cas, des privilèges économiques ou sociaux.

Article 139 – (1) Tous les Espagnols ont les mêmes droits et les mêmes obligations dans n’importe quelle partie du territoire de l’État.

(2) Aucune autorité ne pourra adopter des mesures qui directement ou indirectement entraveraient la liberté de circulation et d’établissement des personnes et la libre circulation des biens sur tout le territoire espagnol.

Article 143 – (1) En application du droit à l’autonomie reconnu à l’article 2 de la Constitution, les provinces limitrophes ayant des caractéristiques historiques, culturelles et économiques communes, les territoires insulaires et les provinces ayant une entité régionale historique pourront se gouverner eux-mêmes et se constituer en Communautés autonomes, conformément aux dispositions du présent titre et des statuts respectifs.

[…]»

9. Les articles 148 et 149 décrivent les matières dans lesquelles les Communautés autonomes peuvent exercer des compétences ou dans lesquelles l’État jouit d’une compétence exclusive. Parmi les compétences éventuelles des Communautés autonomes, il y a notamment le développement de l’activité économique de la Communauté autonome dans le cadre des objectifs fixés par la politique économique nationale (article 148, paragraphe 1, sous 13).

10. Les articles 156 à 158 contiennent des dispositions plus précises relatives aux finances publiques:

«Article 156 – (1) Les Communautés autonomes jouiront de l’autonomie financière pour développer et exercer leurs compétences, conformément aux principes de coordination avec les finances de l’État et de solidarité entre tous les Espagnols.

(2) Les Communautés autonomes pourront agir comme délégués ou collaborateurs de l’État pour le recouvrement, la gestion et la liquidation de ses ressources fiscales, conformément aux lois et aux statuts.

Article 157 – (1) Les ressources des Communautés autonomes seront constituées par:

a) Les impôts cédés totalement ou partiellement par l’État; les surtaxes sur les impôts de l´État et autres participations aux recettes de celui-ci.

b) Leurs propres impôts, taxes et contributions spéciales.

c) Les transferts d’un fonds de compensation interterritorial et d’autres assignations à la charge des budgets généraux de l’État.

d) Les revenus provenant de leur patrimoine et les recettes de droit privé.

e) Le produit des opérations de crédit.

(2) Les Communautés autonomes ne pourront en aucun cas prendre des mesures fiscales à l’encontre de biens situés hors de leur territoire ou qui pourraient constituer un obstacle à la libre circulation des marchandises ou des services.

[…]

Article 158 – (1) Dans les budgets généraux de l’État, on pourra fixer une assignation aux Communautés autonomes en fonction de l’importance des services et des activités étatiques qu’elles auront assumés et des prestations minimales qu’elles s’engagent à apporter en ce qui concerne les services publics fondamentaux sur tout le territoire espagnol.

(2) Afin de corriger des déséquilibres économiques interterritoriaux et de mettre en pratique le principe de solidarité, on constituera un Fonds de compensation destiné aux dépenses d´investissement dont les ressources seront réparties par les Cortes générales entre les Communautés autonomes et les provinces, s’il y a lieu.»

B – Le statut d’autonomie

11. Le fondement juridique en droit constitutionnel de la Communauté autonome du Pays basque se trouve dans le statut d’autonomie de 1979 (6), dont l’article 40 prévoit qu’elle dispose de sa propre administration financière autonome.

12. Par ailleurs, l’article 41, paragraphe 1, du statut d’autonomie prévoit que les relations fiscales entre l’État espagnol et le Pays basque sont régies par le système foral traditionnel du «Concierto Económico» (accord économique). L’article 41, paragraphe 2, définit les principes suivants:

«a) Les institutions compétentes des territoires historiques [provinces basques dans lesquelles une législation particulière...

To continue reading

Request your trial
1 cases

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT