Virginie Pontin v T-Comalux SA.

JurisdictionEuropean Union
Date31 March 2009
CourtCourt of Justice (European Union)

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme VERICA Trstenjak

présentées le 31 mars 2009 (1)

Affaire C‑63/08

Virginie Pontin

contre

T-Comalux SA

[demande de décision préjudicielle formée par le tribunal du travail d’Esch‑sur‑Alzette (Luxembourg)]

«Politique sociale – Directive 92/85/CEE – Mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail – Interdiction de licenciement des travailleuses enceintes – Directive 76/207/CEE –Égalité de traitement des travailleurs des deux sexes – Délais de protection contre le licenciement en droit national – Délais plus courts dans la législation applicable à la protection des travailleuses contre le licenciement au cours d’une grossesse que les délais prévus par le droit national en matière de licenciement – Recours en annulation outre le recours en indemnité»





Table des matières

I – Introduction

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

1. La directive 76/207/CEE

2 La directive 92/85/CEE

B – Le droit national

III – Les faits de l’affaire au principal et les questions préjudicielles

IV – La procédure devant la Cour

V – Les arguments essentiels des parties à la procédure

A – Sur les deux premières questions

B – Sur la troisième question

VI – En droit

A – Remarques liminaires sur l’imbrication des deux directives mentionnées dans les questions préjudicielles

B – Résumé des éléments structurels du droit luxembourgeois applicable en matière de licenciement et résultant du dossier

C – Sur la pertinence des différentes questions préjudicielles et l’ordre qui en résulte pour y répondre

D – Sur la troisième question – Inaccessibilité du recours en indemnité

1. Objet et pertinence

2. Protection juridique effective

3. Les Voies de recours prévues par les États membres et principe de l’égalité de traitement

a) La Détermination du critère de discrimination pertinent

b) Discrimination directe

c) Traitement moins favorable

d) Conclusion provisoire

E – En ce qui concerne la première partie des première et deuxième questions – Délai pour déclarer l’état de grossesse à l’employeur

F – Sur la deuxième partie des première et deuxième questions – Délai pour introduire un recours

1. Sur la licéité en général de délais de forclusion pour faire valoir devant les juridictions des droits que l’intéressé tire du droit communautaire

2. Considérations sur les facteurs qui peuvent jouer un rôle lors du calcul des délais de recours lors d’un licenciement

3. Délai de quinze jours en droit national

4. Conclusion provisoire

VII – Conclusion

I – Introduction

1. Dans la procédure au principal, une salariée enceinte fait valoir l’illégalité de la décision de licenciement ordinaire et extraordinaire prise à son encontre par son employeur. Elle considère que deux voies de recours contre la décision précitée s’offrent à elle: à savoir, d’une part, un recours en annulation, d’autre part, un recours en indemnité comme tel est également le cas dans d’autres domaines du droit national en matière de protection contre le licenciement abusif. La juridiction de renvoi pose en outre deux questions relatives à la compatibilité avec le droit communautaire applicable des délais nationaux prévus pour informer l’employeur d’une grossesse ainsi que de ceux prévus pour introduire un recours dans le cas dans lequel l’employeur licencie une salariée pendant sa grossesse.

2. Dans ce cadre, la demande de décision préjudicielle concerne l’interprétation des articles 10 et 12 de la directive 92/85/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (dixième directive particulière au sens de l’article 16 paragraphe 1 de la directive 89/391/CEE) (2), ainsi que l’interprétation de l’article 2 de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (3), dans la version modifiée par la directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002 (4) (ci-après la «directive 76/207»).

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

1. La directive 76/207/CEE (5)

3. L’article 2 de la directive 76/207 prévoit que:

«1. Le principe de l’égalité de traitement au sens des dispositions ci-après implique l’absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l’état matrimonial ou familial.

2. Aux fins de la présente directive, on entend par:

– ‘discrimination directe’: la situation dans laquelle une personne est traitée de manière moins favorable en raison de son sexe qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable,

– ‘discrimination indirecte’: la situation dans laquelle une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre désavantagerait particulièrement des personnes d’un sexe par rapport à des personnes de l’autre sexe, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour parvenir à ce but soient appropriés et nécessaires;

[…]

7. La présente directive ne fait pas obstacle aux dispositions relatives à la protection de la femme, notamment en ce qui concerne la grossesse et la maternité.

[…]

Tout traitement moins favorable d’une femme lié à la grossesse ou au congé de maternité au sens de la directive 92/85/CEE constitue une discrimination au sens de la présente directive.»

[…]»

4. L’article 3, paragraphe 1, de la directive 76/207 dispose que:

«L’application du principe de l’égalité de traitement implique l’absence de toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe dans les secteurs public ou privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne:

[…]

c) les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement ainsi que la rémunération, comme le prévoit la directive 75/117/CEE;

[…]»

5. L’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 76/207 prévoit que:

«1. Les États membres veillent à ce que des procédures judiciaires et/ou administratives, y compris, lorsqu’ils l’estiment approprié, des procédures de conciliation, visant à faire respecter les obligations découlant de la présente directive soient accessibles à toutes les personnes qui s’estiment lésées par la non‑application à leur égard du principe de l’égalité de traitement, même après que les relations dans lesquelles la discrimination est présumée s’être produite ont cessé.

2. Les États membres introduisent dans leur ordre juridique interne les mesures nécessaires pour veiller à ce que le préjudice subi par une personne lésée du fait d’une discrimination contraire à l’article 3 soit effectivement réparé ou indemnisé selon des modalités qu’ils fixent, de manière dissuasive et proportionnée par rapport au dommage subi […]»

6. L’article 8 quinquies de la directive 76/207 prévoit ce qui suit:

«Les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales adoptées conformément à la présente directive et prennent toute mesure nécessaire pour assurer l’application de ces sanctions.»

Les sanctions, qui peuvent comprendre le versement d’indemnités à la victime, doivent être effectives, proportionnées et dissuasives […]»

7. Au douzième considérant de la directive 2002/73, il est indiqué que la Cour «a invariablement dit pour droit que tout traitement défavorable lié à la grossesse ou à la maternité infligé aux femmes constituait une discrimination directe fondée sur le sexe».

8. Au dix-neuvième considérant de la directive 2002/73, il est indiqué que «[c]onformément à la jurisprudence de la Cour de justice, les règles nationales relatives aux délais de recours peuvent s’appliquer pour autant qu’elles ne soient pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne et qu’elles ne rendent pas impossible pratiquement l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire».

9. La directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (refonte) (6), laquelle pour des motifs de date ne trouve pas application aux faits de l’affaire au principal, comporte, dans un souci de clarté, une refonte des principales dispositions existant dans le domaine en cause et les rassemble en un seul texte. L’article 34, paragraphe 1, de la directive 2006/54 abroge la directive 76/207 (dans sa version modifiée par la directive 2002/73) avec effet au 15 août 2009, sans préjudice des obligations des États membres en matière de transposition.

2 La directive 92/85/CEE (7)

10. Aux termes du neuvième considérant de la directive 92/85, la protection de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, allaitantes ou accouchées ne doit pas défavoriser les femmes sur le marché du travail et ne doit en outre pas porter atteinte aux directives en matière d’égalité de traitement entre hommes et femmes.

11. Il résulte du quinzième considérant de la directive 92/85 «que le risque d’être licenciée pour des raisons liées à leur état peut avoir des effets dommageables sur la situation physique et psychique des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes et qu’il convient de prévoir une interdiction de licenciement».

12. Aux fins de la directive 92/85, on entend, conformément à la définition figurant en son article 2, sous a), par «travailleuse enceinte» «toute travailleuse enceinte qui informe l’employeur de son état, conformément aux législations et/ou pratiques...

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