Laszlo Hadadi (Hadady) v Csilla Marta Mesko, épouse Hadadi (Hadady).

JurisdictionEuropean Union
Celex Number62008CC0168
ECLIECLI:EU:C:2009:152
Date12 March 2009
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-168/08

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 12 mars 2009 (1)

Affaire C‑168/08

Iaszlo Hadadi (Hadady)

contre

Csilla Marta Mesko, épouse Hadadi (Hadady)

[demande de décision préjudicielle formée par la Cour de cassation (France)]

«Règlement (CE) nº 2201/2003 – Reconnaissance d’une décision de divorce – Application du règlement à une décision d’un État membre ayant adhéré à l’Union européenne en 2004 – Compétence en matière de divorce – Personnes possédant deux nationalités»





I – Introduction

1. Dans la présente affaire, la Cour de cassation (France) a soumis à la Cour des questions concernant l’interprétation du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000 (2).

2. Ces questions visent à déterminer si c’est une juridiction française ou une juridiction hongroise qui est compétente pour statuer sur les questions relatives au divorce d’époux qui résident habituellement en France et possèdent tous deux tant la nationalité hongroise que la nationalité française.

3. Elles se posent à propos de la reconnaissance en France de la décision de divorce rendue par une juridiction hongroise. Cette décision a été rendue avant l’entrée en vigueur du règlement nº 2201/2003 et à la suite d’une procédure introduite avant l’adhésion de la République de Hongrie à l’Union européenne. Conformément à la disposition transitoire applicable, l’application du règlement nº 2201/2003 dépend dans ce type de situation du point de savoir si les juridictions de l’État membre d’origine de la décision auraient été compétentes en vertu de ce même règlement.

II – Le cadre juridique

4. L’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 2201/2003 («compétence générale») dispose:

«Sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l’annulation du mariage des époux, les juridictions de l’État membre:

a) sur le territoire duquel se trouve:

– la résidence habituelle des époux, ou

– la dernière résidence habituelle des époux dans la mesure où l’un d’eux y réside encore, ou

– la résidence habituelle du défendeur, ou

– en cas de demande conjointe, la résidence habituelle de l’un ou l’autre époux, ou

– la résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l’introduction de la demande, ou

– la résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l’introduction de la demande et s’il est soit ressortissant de l’État membre en question, soit, dans le cas du Royaume-Uni et de l’Irlande, s’il y a son ‘domicile’;

b) de la nationalité des deux époux ou, dans le cas du Royaume-Uni et de l’Irlande, du ‘domicile’ commun.»

5. L’article 19, paragraphes 1 et 3, du règlement règle comme suit la litispendance en matière matrimoniale:

«1. Lorsque des demandes en divorce, en séparation de corps ou en annulation du mariage sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d’États membres différents, la juridiction saisie en second lieu sursoit d’office à statuer jusqu’à ce que la compétence de la juridiction première saisie soit établie.

[…]

3. Lorsque la compétence de la juridiction première saisie est établie, la juridiction saisie en second lieu se dessaisit en faveur de celle-ci.

[…]»

6. L’article 21 du règlement régit la reconnaissance des décisions étrangères; il précise:

«1. Les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure.

[…]

3. Sans préjudice de la section 4, toute partie intéressée peut demander, selon les procédures prévues à la section 2, que soit prise une décision de reconnaissance ou de non-reconnaissance de la décision.

[…]

4. Si la reconnaissance d’une décision est invoquée de façon incidente devant une juridiction d’un État membre, celle-ci peut statuer en la matière.»

7. L’article 22 du règlement prévoit, entre autres, les motifs suivants de non-reconnaissance d’une décision de divorce:

«[…]

a) si la reconnaissance est manifestement contraire à l’ordre public de l’État membre requis;

b) si l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent n’a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu’il puisse pourvoir à sa défense, à moins qu’il ne soit établi que le défendeur a accepté la décision de manière non équivoque;

[…]»

8. Conformément à l’article 24 du règlement, il ne peut cependant être procédé au contrôle de la compétence de la juridiction de l’État membre d’origine. En particulier le critère de l’ordre public visé à son article 22, sous a), ne peut-il être appliqué aux règles de compétence visées aux articles 3 à 14 du règlement.

9. L’article 64, paragraphes 1, 3 et 4, du règlement contient les dispositions transitoires suivantes:

«1. Les dispositions du présent règlement ne sont applicables qu’aux actions judiciaires intentées, aux actes authentiques reçus et aux accords entre parties conclus postérieurement à la date de sa mise en application telle que prévue à l’article 72.

[…]

3. Les décisions rendues avant la date de mise en application du présent règlement à la suite d’actions intentées après la date d’entrée en vigueur du règlement (CE) n° 1347/2000 (3) sont reconnues et exécutées conformément aux dispositions du chapitre III du présent règlement pour autant qu’il s’agisse d’une décision de divorce, de séparation de corps ou d’annulation du mariage, ou d’une décision relative à la responsabilité parentale des enfants communs rendue à l’occasion d’une telle action matrimoniale.

4. Les décisions rendues avant la date de mise en application du présent règlement, mais après la date d’entrée en vigueur du règlement (CE) n° 1347/2000, à la suite d’actions intentées avant la date d’entrée en vigueur du règlement (CE) n° 1347/2000 sont reconnues et exécutées conformément aux dispositions du chapitre III du présent règlement pour autant qu’il s’agisse d’une décision de divorce, de séparation de corps ou d’annulation du mariage, ou d’une décision relative à la responsabilité parentale des enfants communs rendue à l’occasion d’une telle action matrimoniale, et que les règles de compétence appliquées sont conformes à celles prévues soit par le chapitre II du présent règlement ou du règlement (CE) n° 1347/2000, soit par une convention qui était en vigueur entre l’État membre d’origine et l’État membre requis lorsque l’action a été intentée.»

10. Selon son article 72, le règlement nº 2201/2003 est entré en vigueur le 1er août 2004 et s’applique depuis le 1er mars 2005, à l’exception des articles 67, 68, 69 et 70, qui s’appliquent depuis le 1er août 2004.

11. Sur le fond, le règlement nº 2201/2003 s’inscrit dans le prolongement du règlement nº 1347/2000, auquel il se substitue (4). L’article 2 du règlement nº 1347/2000 est libellé en des termes identiques à ceux de l’article 3 du règlement nº 2201/2003. Conformément à son article 46, le règlement nº 1347/2000 est entré en vigueur le 1er mars 2001.

12. Le règlement nº 1347/2000 avait, quant à lui, largement repris les règles de la convention établie sur la base de l’article K.3 du traité sur l’Union européenne, concernant la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale du 28 mai 1998 (5) (ci-après la «convention de Bruxelles II»). De ce fait, ladite convention n’a même pas été mise en vigueur. Dans le cadre de la procédure d’adoption du règlement nº 1347/2000, le Conseil de l’Union européenne a pris acte du rapport explicatif relatif à cette convention de Mme le professeur A. Borrás (6) (ci-après le «rapport Borrás») (7).

III – Les faits et les questions préjudicielles

13. M. Iaszlo Hadadi (Hadady) (ci-après M. Hadadi) et Mme Csilla Marta Mesko, épouse Hadadi (Hadady) (ci-après Mme Mesko) sont ressortissants hongrois. Ils se sont mariés en Hongrie en 1979 et ont émigré en France en 1980. En 1985, ils ont acquis en outre la nationalité française. Mme Mesko déclare avoir été la victime de violences répétées de la part de son mari entre 2000 et 2004. Le 23 février 2002, M. Hadadi a introduit une demande en divorce auprès du tribunal de Pest (Hongrie). Mme Mesko indique n’avoir eu connaissance de cette procédure que six mois plus tard. Par jugement définitif du 4 mai 2004, ledit tribunal a prononcé le divorce.

14. Mme Mesko, de son côté, a saisi le 19 février 2003 le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Meaux (France) d’une demande de divorce pour faute. Par ordonnance du 8 novembre 2005, le juge aux affaires familiales a déclaré la demande irrecevable. Mme Mesko a interjeté appel auprès de la cour d’appel de Paris (France), laquelle a infirmé l’ordonnance du juge de première instance. La cour d’appel a motivé sa décision en déclarant que le jugement de divorce de la juridiction hongroise ne pouvait être reconnu en France et que l’action en divorce introduite par Mme Mesko était par conséquent recevable.

15. M. Hadadi s’est pourvu en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel; par arrêt du 16 avril 2008, la Cour de cassation a saisi la Cour des questions ci-après en vue d’une décision à titre préjudiciel en vertu des articles 234 CE et 68 CE:

«1) Faut-il interpréter l’article [3, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 2201/2003] comme devant faire prévaloir, dans le cas où les époux possèdent à la fois la nationalité de l’État du juge saisi et la nationalité d’un autre État membre de l’Union européenne, la nationalité du juge saisi?

2) Si la réponse à la question précédente est négative, faut-il alors interpréter ce texte comme désignant, dans le cas où les époux possèdent chacun deux nationalités des deux mêmes États membres, la nationalité la plus effective, parmi...

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