Opinion of Advocate General Kokott delivered on 16 April 2015.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:242
Docket NumberC-66/14
Celex Number62014CC0066
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeCuestión prejudicial - inadmisible
Date16 April 2015
62014CC0066

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 16 avril 2015 ( 1 )

Affaire C‑66/14

Finanzamt Linz

contre

Bundesfinanzgericht, Außenstelle Linz

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgerichtshof (Autriche)]

«Droit fiscal — Impôt sur les sociétés national — Liberté d’établissement conformément aux articles 49 TFUE et 43 CE — Interdiction de mise à exécution des aides conformément aux articles 108, paragraphe 3, troisième phrase, TFUE et 87, paragraphe 3, troisième phrase, CE — Imposition des groupes d’entreprises (‘Gruppenbesteuerung’ en Autriche) — Limitation de l’amortissement de la valeur commerciale de l’entreprise à l’acquisition de participations dans des sociétés résidentes»

1.

Variatio delectat. Alors que la Cour a déjà examiné sous de nombreux angles les régimes français ( 2 ), néerlandais ( 3 ) et du Royaume‑Uni ( 4 ) en matière d’imposition des groupes d’entreprises, il n’est pas douteux que la présente affaire va encore enrichir notre jurisprudence et ajouter de nouveaux éléments.

2.

En effet, le droit fiscal autrichien permet aussi une imposition des groupes d’entreprises. Ainsi, des sociétés d’un groupe, bien que distinctes juridiquement, peuvent être traitées comme un seul contribuable. Si de nouveaux membres entrent dans le groupe, la «valeur commerciale» de la participation nouvellement acquise est amortie. Cela implique en général une réduction des revenus du groupe pendant quinze ans, qui peut représenter jusqu’à la moitié du prix d’achat de la participation. Toutefois, sont exclus de l’application de cette mesure l’acquisition de participations dans des sociétés non‑résidentes et l’acquisition de participations par des contribuables qui ne sont pas soumis aux dispositions relatives à l’imposition des groupes d’entreprises, par la force des choses, lorsqu’il s’agit de personnes physiques, ou de leur propre chef.

3.

Le Verwaltungsgerichtshof (Autriche) doute maintenant que ces différentes exclusions soient compatibles avec le droit de l’Union. À cet égard, il voit deux problèmes différents. D’une part, la limitation de l’amortissement de la valeur commerciale de l’entreprise à l’acquisition de participations dans des sociétés résidentes par des sociétés soumises à l’imposition des groupes d’entreprises pourrait constituer une aide d’État dont la mise à exécution serait a priori interdite sans autorisation de la Commission européenne. D’autre part, la juridiction de renvoi estime qu’il est possible qu’elle soit contraire à la liberté d’établissement.

4.

La présente affaire offre à la Cour l’opportunité inhabituelle d’examiner les rapports entre les libertés fondamentales et le contrôle des aides d’État, dans la mesure où des inégalités de traitement dans le droit fiscal des États membres sont en cause.

I – Le cadre juridique

A – Droit de l’Union

5.

L’article 49 TFUE accorde la liberté d’établissement dans les termes suivants:

«Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s’étend également aux restrictions à la création d’agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d’un État membre établis sur le territoire d’un État membre.

La liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, et notamment de sociétés au sens de l’article 54, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d’établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux.»

6.

L’article 54 TFUE régit le champ d’application de la liberté d’établissement:

«Les sociétés constituées en conformité de la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de l’Union sont assimilées, pour l’application des dispositions du présent chapitre, aux personnes physiques ressortissantes des États membres.

Par sociétés, on entend les sociétés de droit civil ou commercial, y compris les sociétés coopératives, et les autres personnes morales relevant du droit public ou privé, à l’exception des sociétés qui ne poursuivent pas de but lucratif.»

7.

Les articles 49 TFUE et 54 TFUE correspondent aux articles 43 CE et 48 CE, qui étaient en vigueur jusqu’au 30 novembre 2009.

8.

En matière d’aides d’État, l’article 107 TFUE dispose:

«1. Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

2. Sont compatibles avec le marché intérieur:

[…]

3. Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur:

[…]»

9.

L’article 108, paragraphe 3, TFUE ajoute:

«La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu’un projet n’est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l’article 107, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L’État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale.»

10.

Les articles 107 TFUE et 108 TFUE correspondent aux articles 87 CE et 88 CE, qui étaient en vigueur jusqu’au 30 novembre 2009.

B – Droit national

11.

La République d’Autriche perçoit un impôt sur les revenus des personnes morales. Le «Gruppenbesteuerung» permet à des personnes morales faisant partie d’un groupe d’entreprises de se faire imposer ensemble. Dans le cadre de cette imposition en tant que groupement d’entreprises, les résultats fiscaux de tous les membres du groupe sont imputés à la société mère et imposés à ce niveau.

12.

Tant des sociétés résidentes que des sociétés non-résidentes peuvent être membres d’un tel groupement fiscal. Néanmoins, s’agissant des sociétés non‑résidentes les bénéfices ne sont pas imputés, seules les pertes le sont, à certaines conditions.

13.

L’article 9, paragraphe 7, de la loi autrichienne relative à l’impôt sur les sociétés de 1988 (ci-après le «KStG 1988»), dans la version de 2005, régit comme suit l’évaluation des participations au sein d’un groupe fiscal intégré:

«Lors du calcul du bénéfice, les amortissements de la valeur partielle inférieure […] et les pertes liées à la cession de participations à des membres du groupe ne sont pas déductibles. En cas d’acquisition d’une participation […] par un membre du groupement d’entreprises ou par la société mère […] dans une société assujettie intégralement à l’impôt et exerçant une activité […], il convient, à partir du moment où cette société fait partie du groupement d’entreprises, de procéder à un amortissement de la valeur commerciale de l’entreprise chez le membre du groupement d’entreprises détenant directement la participation ou chez la société mère, et ce de la façon suivante:

La valeur commerciale de l’entreprise est réputée être le pourcentage correspondant à la participation de la différence entre les capitaux propres au sens du droit commercial de la société dans laquelle une participation est détenue plus les plus-values latentes sur les immobilisations corporelles non dépréciables, et les coûts d’acquisition fiscalement pertinents, sans pouvoir dépasser 50 % de ces coûts d’acquisition. Il convient de déduire la valeur commerciale amortissable de l’entreprise de façon linéaire sur 15 ans.

[…]

[…] L’amortissement de la valeur commerciale de l’entreprise est limité à la durée de l’appartenance au groupe d’entreprises […] de la participation dans la société.

[…]

Les fractions correspondant à un quinzième diminuent […] la valeur comptable fiscalement déterminante.»

14.

L’article 10 du KStG 1988 comporte une disposition générale relative à la neutralité fiscale des participations dans des sociétés non-résidentes qui n’est pas limitée aux groupes fiscaux:

«(2) Les participations aux bénéfices de toute nature provenant d’une participation internationale sont exonérées de l’impôt sur les sociétés. Il y a participation internationale lorsqu’il est prouvé que des contribuables relevant de l’article 7, paragraphe 3, […] détiennent pendant une période ininterrompue d’au moins un an, sous forme de parts du capital, une participation d’au moins un dixième du capital:

a)

de sociétés non-résidentes, comparables à une société de capitaux résidente,

[…]

(3) Les bénéfices, pertes et autres variations de la valeur de participations internationales au sens du paragraphe 2 ne sont pas pris en compte dans le calcul des revenus. […] La neutralité fiscale de la participation ne s’applique pas dans les cas suivants:

1. Le contribuable déclare lors du dépôt de la déclaration d’impôt sur les sociétés pour l’année de l’acquisition d’une participation internationale […] que les bénéfices, pertes et autres variations de la valeur doivent être pris en compte fiscalement (option de prise en compte fiscale de la participation).

[...]»

II – Le litige au principal

15.

Le litige au principal concerne l’impôt sur les sociétés de CEE Holding GmbH (ci-après «CEE Holding») et de son successeur en droit IFN-Holding AG (ci-après «IFN-Holding») pour les années 2006 à...

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