Christophe Bohez v Ingrid Wiertz.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:233
Date16 April 2015
Celex Number62014CC0004
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-4/14
62014CC0004

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 16 avril 2015 ( 1 )

Affaire C‑4/14

Christophe Bohez

contre

Ingrid Wiertz

[demande de décision préjudicielle formée par le Korkein oikeus (Finlande)]

«Coopération judiciaire en matière civile — Règlement (CE) no 44/2001 — Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale — Matières exclues — Droit de la famille — Règlement (CE) no 2201/2003 — Compétence, reconnaissance et exécution des décisions en matière de responsabilité parentale — Décision sur le droit de visite assortie d’une astreinte — Exécution de l’astreinte»

I – Introduction

1.

Le Korkein oikeus (Cour suprême de Finlande) interroge la Cour, d’une part, sur l’application du règlement (CE) no 44/2001 ( 2 ) à l’exécution, dans un État membre, d’une décision judiciaire rendue dans un autre État membre, lorsque cette décision impose une astreinte en vue de faire respecter un droit de visite et, d’autre part, sur les conditions d’exécution d’une telle astreinte.

2.

Analysée dans une perspective globale, cette affaire met en lumière la difficulté de définir le régime applicable à une astreinte dans le cadre du système de reconnaissance et d’exécution des décisions judiciaires au sein de l’Union européenne. Cette difficulté a tendance à s’intensifier dans le cas particulier où le droit garanti par l’astreinte est un droit de visite parental. C’est dans ce cadre que la Cour est appelée à répondre aux questions préjudicielles déférées par la juridiction de renvoi.

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. Le règlement no 44/2001

3.

L’article 1er, paragraphes 1 et 2, sous a), du règlement no 44/2001, relatif au champ d’application de ce dernier, dispose:

«1. Le présent règlement s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne recouvre notamment pas les matières fiscales, douanières ou administratives.

2. Sont exclus de son application:

a)

l’état et la capacité des personnes physiques, les régimes matrimoniaux, les testaments et les successions».

4.

Les articles 45, paragraphe 2, et 49 du règlement no 44/2001 font partie du chapitre III intitulé «Reconnaissance et exécution».

5.

L’article 45, paragraphe 2, de ce règlement prévoit:

«2. En aucun cas la décision étrangère ne peut faire l’objet d’une révision au fond.»

6.

L’article 49 dudit règlement est libellé comme suit:

«Les décisions étrangères condamnant à une astreinte ne sont exécutoires dans l’État membre requis que si le montant en a été définitivement fixé par les tribunaux de l’État membre d’origine.»

2. Le règlement (CE) no 2201/2003

7.

L’article 1er du règlement no 2201/2003 ( 3 ) définit le champ d’application de ce règlement comme suit:

«1. Le présent règlement s’applique, quelle que soit la nature de la juridiction, aux matières civiles relatives:

[…]

b)

à l’attribution, à l’exercice, à la délégation, au retrait total ou partiel de la responsabilité parentale.

2. Les matières visées au paragraphe 1, point b, concernent notamment:

a)

le droit de garde et le droit de visite;

[…]»

8.

L’article 26 de ce règlement énonce:

«En aucun cas, la décision ne peut faire l’objet d’une révision au fond.»

9.

S’agissant de la force exécutoire des décisions relatives au droit de visite, l’article 28, paragraphe 1, du règlement no 2201/2003 dispose:

«Les décisions rendues dans un État membre sur l’exercice de la responsabilité parentale à l’égard d’un enfant, qui y sont exécutoires et qui ont été signifiées ou notifiées, sont mises en exécution dans un autre État membre après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée.»

10.

Certaines décisions relatives au droit de visite peuvent bénéficier d’un régime particulier. L’article 41, paragraphe 1, premier alinéa, de ce règlement prévoit:

«Le droit de visite […] accordé par une décision exécutoire rendue dans un État membre est reconnu et jouit de la force exécutoire dans un autre État membre sans qu’aucune déclaration lui reconnaissant force exécutoire ne soit requise et sans qu’il soit possible de s’opposer à sa reconnaissance si la décision a été certifiée dans l’État membre d’origine conformément au paragraphe 2.»

11.

L’article 47 du même règlement précise:

«1. La procédure d’exécution est déterminée par le droit de l’État membre d’exécution.

2. Toute décision rendue par la juridiction d’un autre État membre et déclarée exécutoire conformément à la section 2 ou certifiée conformément à l’article 41, paragraphe 1, […] est exécutée dans l’État membre d’exécution dans les mêmes conditions que si elle avait été rendue dans cet État membre.

[…]»

B – Le droit belge

12.

L’astreinte est régie par les articles 1385 bis à 1385 nonies du code judiciaire (ci-après le «code judiciaire»).

13.

L’article 1385 bis du code judiciaire dispose:

«Le juge peut, à la demande d’une partie, condamner l’autre partie, pour le cas où il ne serait pas satisfait à la condamnation principale, au paiement d’une somme d’argent, dénommée astreinte, le tout sans préjudice des dommages-intérêts, s’il y a lieu. […]»

14.

L’article 1385 ter de ce code est ainsi rédigé:

«Le juge peut fixer l’astreinte soit à une somme unique, soit à une somme déterminée par unité de temps ou par contravention. Dans ces deux derniers cas, le juge peut aussi déterminer un montant au-delà duquel la condamnation aux astreintes cessera ses effets.»

15.

L’article 1385 quater dudit code prévoit:

«L’astreinte, une fois encourue, reste intégralement acquise à la partie qui a obtenu la condamnation. Cette partie peut en poursuivre le recouvrement en vertu du titre même qui la prévoit. […]»

16.

L’article 1385 quinquies du même code est libellé comme suit:

«Le juge qui a ordonné l’astreinte peut en prononcer la suppression, en suspendre le cours durant le délai qu’il indique ou la réduire, à la demande du condamné, si celui-ci est dans l’impossibilité définitive ou temporaire, totale ou partielle de satisfaire à la condamnation principale. Dans la mesure où l’astreinte était acquise avant que l’impossibilité se fut produite, le juge ne peut la supprimer ni la réduire.»

17.

Le titre exécutoire permettant le recouvrement de l’astreinte étant constitué par la décision judiciaire qui la prononce (article 1385 quater du code judiciaire), le bénéficiaire ne doit pas obtenir, préalablement à l’exécution, la liquidation de l’astreinte.

18.

En cas de contestation du débiteur, le créancier de l’astreinte doit apporter la preuve des manquements allégués. C’est alors au juge de l’exécution d’apprécier si les conditions de l’astreinte sont réunies.

C – Le droit finlandais

19.

En droit finlandais, l’astreinte infligée aux fins du respect d’un droit de visite est régie par la loi relative à l’exécution des décisions concernant les droits de garde et de visite (lapsen huoltoa ja tapaamisoikeutta koskevan päätöksen täytäntöönpanosta annettu laki, ci-après la «TpL») ainsi que par la loi sur l’astreinte (uhkasakkolaki, ci-après la «loi sur l’astreinte»), dans la mesure où celle-ci est applicable.

20.

En application de l’article 16, paragraphe 2, de la TpL, la juridiction qui, après le prononcé d’une décision sur le droit de visite, est saisie d’une affaire concernant l’exécution de ce droit peut obliger le défendeur à l’exécution à se conformer à la décision sous peine d’astreinte.

21.

L’astreinte est en principe fixée à une somme unique. Si une raison particulière le justifie, son montant peut cependant également être cumulatif (article 18, paragraphes 1 et 2, de la TpL).

22.

L’astreinte doit toujours être versée à l’État et non à la partie adverse.

23.

À la suite d’une nouvelle procédure, la juridiction peut ordonner le paiement de l’astreinte qui a été fixée si elle conclut au caractère justifié de cette demande. Le paiement de l’astreinte ne peut pas être ordonné si la partie obligée démontre qu’elle a eu une raison valable de ne pas exécuter l’obligation, ou lorsque l’obligation a été exécutée entre-temps (article 19, paragraphes 1 et 2, de la TpL).

24.

Le juge peut réduire le montant de l’astreinte à payer par rapport à celui qui a été initialement fixé si l’obligation principale a été remplie pour une partie substantielle ou si la capacité de paiement de la personne obligée s’est dégradée de manière significative ou s’il existe une autre raison valable de réduire le montant de l’astreinte (article 11 de la loi sur l’astreinte).

25.

L’article 12, paragraphe 2, de la loi sur l’astreinte permet à l’autorité qui a prononcé l’astreinte d’annuler cette décision et de procéder à un nouvel examen de l’affaire, en totalité ou en partie, en cas de changement de circonstances, de présence de nouveaux éléments essentiels, ou encore lorsque la décision reposait sur une application manifestement erronée de la loi.

III – Les faits du litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

26.

Il ressort de la décision de renvoi que M. Christophe Alfons Adrien Bohez et Mme Ingrid Wiertz se sont mariés en Belgique le 16 mai 1997 et ont eu deux enfants. Le couple a divorcé en 2005 et Mme Wiertz a déménagé en Finlande.

27.

Le tribunal de première instance de Gand (Belgique) a, le 28 mars 2007, rendu une décision relative à la garde, à la...

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