Opinion of Advocate General Szpunar delivered on 23 April 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:297
Date23 April 2020
Celex Number62019CC0073
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 23 avril 2020 (1)

Affaire C73/19

Belgische Staat, représenté par le Minister van Werk, Economie en Consumenten, chargé du Buitenlandse handel,

Belgische Staat, représenté par le Directeur-Generaal van de Algemene Directie Economische Inspectie,

Directeur-Generaal van de Algemene Directie Economische Inspectie

contre

Movic BV,

Events Belgium BV,

Leisure Tickets & Activities International BV

[demande de décision préjudicielle formée par le hof van beroep te Antwerpen (cour d’appel d’Anvers, Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale – Notion de “matière civile et commerciale” – Action en cessation introduite par une autorité publique en vue de la protection des intérêts des consommateurs »






I. Introduction

1. Dans son arrêt du 1er octobre 2002, Henkel (2), la Cour a considéré que relève de la notion de « matière civile et commerciale », qui définit le champ d’application de la majorité des instruments du droit international privé de l’Union, un litige dans le cadre duquel une action en cessation de l’utilisation de clauses abusives est intentée par une association de protection des consommateurs. Par son renvoi préjudiciel, la juridiction de renvoi demande à la Cour de déterminer si relève également de cette notion un litige dans le cadre duquel les autorités publiques d’un État membre intentent une action visant des pratiques de marché et/ou des pratiques commerciales déloyales.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

2. Selon l’article 1er, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1215/2012/CE (3), celui‑ci « s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne s’applique notamment ni aux matières fiscales, douanières ou administratives, ni à la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique (acta jure imperii) ».

B. Le droit belge

1. La loi du 30 juillet 2013

3. L’article 5, paragraphe 1, de la loi du 30 juillet 2013 relative à la revente de titres d’accès à des événements (Moniteur belge du 6 septembre 2013, p. 63069, ci‑après la « loi du 30 juillet 2013 ») interdit la revente de manière habituelle des titres d’accès, le fait d’exposer en vue de la revente de manière habituelle ainsi que le fait de fournir les moyens qui seront utilisés pour la revente de manière habituelle. Par ailleurs, l’article 5, paragraphe 2, de cette loi interdit la revente de manière occasionnelle des titres d’accès à un prix supérieur à son prix définitif.

4. Selon l’article 14 de ladite loi, le président du tribunal de commerce constate l’existence d’un acte constituant une infraction à l’article 5 de cette même loi et ordonne sa cessation. Cette disposition prévoit qu’une action en cessation est formée à la demande du ministre ou du directeur général de la direction générale du contrôle et de la médiation, Service public fédéral de l’économie, PME (petites et moyennes entreprises), des classes moyennes et de l’énergie ou des intéressés.

2. Le code de droit économique

5. Le livre VI du code de droit économique du 28 février 2013 (dans sa version applicable aux faits du litige au principal, ci-après le « CDE ») contient, à son titre 4, un chapitre 1er, relatif aux « Pratiques commerciales déloyales à l’égard des consommateurs », dont les articles VI.92 à VI.100 constituent une mise en œuvre de la directive 2005/29/CE (4). Dans ce cadre, en particulier les articles VI.100, VI.97, VI.99 et VI.93 de ce code définissent des pratiques commerciales déloyales.

6. Selon l’article XVII.1 du CDE, le président du tribunal de commerce constate l’existence d’un acte, même pénalement réprimé, constituant une infraction aux dispositions de ce code, sous réserve de certaines actions particulières, et ordonne sa cessation. L’article XVII.7 du CDE prévoit que l’action fondée sur l’article XVII.1er de ce code est formée à la demande, notamment, des intéressés, du ministre ou du directeur général de la Direction générale du contrôle et de la médiation, Service public fédéral de l’économie, PME, des classes moyennes et de l’énergie, et d’une association ayant pour objet la défense des intérêts des consommateurs, lorsque celle-ci agit en justice pour la défense de leurs intérêts collectifs statutairement définis.

III. Le litige au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour

7. En 2016, les autorités belges ont engagé en référé deux actions en cessation contre les défenderesses, Movic BV, Events Belgium BV, Leisure Tickets & Activities International BV, des sociétés de droit néerlandais.

8. Ces actions tendaient,

– en premier lieu, à faire constater que les défenderesses offraient à la revente, en Belgique, au moyen de sites Internet gérés par elles, des titres d’accès à des événements à un prix supérieur à celui mentionné par le vendeur initial, tout en supprimant le prix initial et le nom du vendeur initial, et que ces actes constituaient des infractions aux dispositions des articles 4§1, 5§1 et 5§2 de la loi du 30 juillet 2013 et des articles VI.100, VI.97, VI.99 et VI.93 du CDE, le cas échéant lus conjointement avec les articles 193b à l93g du livre 6 du Nederlands Burgerlijk Wetboek (code civil néerlandais) ;

– en deuxième lieu, à ordonner la cessation de ces infractions ;

– en troisième lieu, à ordonner des mesures de publicité de la décision prononcée aux frais des sociétés de droit néerlandais ;

– en quatrième lieu, à imposer une astreinte de 10 000 euros par infraction constatée à partir de la signification du jugement et, enfin,

– en cinquième lieu, à dire pour droit que les infractions pourront être constatées par simple procès‑verbal dressé par un fonctionnaire assermenté de la direction générale de l’inspection économique conformément aux articles XV.2 et suivants du CDE.

9. Les défenderesses ont soulevé une exception d’incompétence internationale des juridictions belges, en soutenant que les autorités belges avaient agi dans l’exercice de la puissance publique, de sorte que ces actions ne relevaient pas du champ d’application du règlement n° 1215/2012. Cette exception a été accueillie en première instance.

10. Les demanderesses ont interjeté appel auprès du hof van beroep te Antwerpen (cour d’appel d’Anvers, Belgique). C’est dans ce contexte que cette juridiction a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Une procédure judiciaire relative à une action tendant à faire constater et cesser des pratiques de marché ou des pratiques commerciales illégales vis-à-vis des consommateurs, intentée par les autorités belges au titre de l’article 14 de la loi [du 30 juillet 2013] relative à la revente de titres d’accès à des événements et au titre de l’article XVII.7 du [CDE], à l’encontre de sociétés néerlandaises qui, à partir des Pays-Bas, s’adressent par l’intermédiaire de sites web à une clientèle principalement belge en vue de la revente de tickets pour des événements qui se déroulent en Belgique doit-elle être considérée comme étant une procédure en matière civile et commerciale au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement [n° 1215/2012] et une décision judiciaire rendue dans une telle procédure peut-elle relever pour ce motif du champ d’application de ce règlement ? »

11. Des observations écrites ont été présentées par les défenderesses, le gouvernement belge ainsi que par la Commission européenne. Les mêmes intéressés ont été représentés lors de l’audience qui s’est tenue le 29 janvier 2020.

IV. Analyse

12. Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche à savoir si relève de la notion de « matière civile et commerciale », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012, un litige opposant les autorités d’un État membre et des entités de droit privé établies dans un autre État membre dans le cadre duquel ces autorités demandent à ce que soit, premièrement, constaté l’existence d’infractions constituant notamment des pratiques commerciales déloyales, deuxièmement, ordonné la cessation de celles-ci, troisièmement, ordonné des mesures de publicité aux frais des défenderesses, quatrièmement, imposé une astreinte d’un montant déterminé pour chaque infraction constatée à partir de la signification du jugement et, cinquièmement, dit pour droit que les infractions pourront être constatées par simple procès‑verbal dressé par un fonctionnaire assermenté de l’une desdites autorités.

13. Bien qu’il semble que ces actions visent soit des pratiques de marché, soit des pratiques commerciales déloyales, la juridiction de renvoi n’explique pas en quoi ces pratiques sont liées entre elles. Lors de l’audience, le gouvernement belge et l’une des défenderesses ont indiqué que la loi du 30 juillet 2013 constitue une lex specialis par rapport au CDE. J’en déduis que, en l’absence de cette lex specialis, toute infraction constituerait une pratique commerciale déloyale. En outre, il semble que ces actes législatifs partagent le même objectif, à savoir la protection des intérêts des consommateurs, et suivent une logique analogue.

14. Par ailleurs, certes, la formulation de la question préjudicielle peut faire penser que la juridiction de renvoi ne s’interroge que sur les demandes qui concernent la constatation de l’existence des infractions et le fait d’ordonner leur cessation. Toutefois, la juridiction de renvoi, pour pouvoir se reconnaître compétente au titre d’un des chefs de compétence prévus par le règlement n° 1215/2012 pour connaître du litige au principal (5), doit établir qu’aucun des chefs de demande introduits par les autorités belges n’est susceptible d’exclure ce litige, en tout ou en partie, du champ d’application matériel de ce règlement.

15. En outre, il ressort de la formulation de la...

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