InnoLux Corp. v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:292
CourtCourt of Justice (European Union)
Date30 April 2015
Docket NumberC-231/14
Celex Number62014CC0231
Procedure TypeRecurso de casación - infundado
62014CC0231

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 30 avril 2015 ( 1 )

Affaire C‑231/14 P

InnoLux Corp., anciennement Chimei InnoLux Corp.,

contre

Commission européenne

«Pourvoi — Concurrence — Ententes — Marché mondial des panneaux à affichage de cristaux liquides (LCD) — Amendes — Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes — Détermination de la valeur des ventes en relation avec l’infraction — Application extraterritoriale des règles de concurrence de l’Union européenne — Ventes internes du produit concerné en dehors de l’Espace économique européen (EEE) — Prise en compte des ventes à des tiers dans l’EEE de produits finis intégrant le produit concerné»

1.

Par le présent pourvoi, InnoLux Corp. (ci‑après «InnoLux»), anciennement Chimei InnoLux Corp., demande l’annulation partielle de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne InnoLux/Commission ( 2 ), par lequel ce dernier a, d’une part, réformé la décision C(2010) 8767 final de la Commission dans l’affaire COMP/39.309 – LCD (Liquid Crystal Displays) ( 3 ), en fixant à 288 millions d’euros le montant de l’amende qui lui a été infligée à l’article 2 de celle‑ci et, d’autre part, rejeté, pour le surplus, son recours tendant à l’annulation partielle de cette décision, en tant qu’elle la concerne, ainsi qu’à la réduction du montant de ladite amende.

2.

Le présent pourvoi soulève une question importante en droit de la concurrence, à savoir celle de l’application extraterritoriale des règles de concurrence de l’Union européenne (en l’espèce, dans le contexte de la détermination des ventes susceptibles d’être prises en compte par la Commission européenne pour le calcul de l’amende ( 4 )). L’application extraterritoriale de ces règles par la Commission est également attaquée en justice dans plusieurs affaires actuellement pendantes tant devant le Tribunal que devant la Cour ( 5 ).

I – Les antécédents du litige

3.

Les antécédents du litige et de la décision litigieuse, tels qu’ils ressortent des points 1 à 27 de l’arrêt attaqué, peuvent se résumer comme suit.

4.

Chi Mei Optoelectronics Corp. (ci‑après «CMO»), société de droit taïwanais, contrôlait un groupe de sociétés établies dans le monde entier et actives dans la production d’écrans d’affichage à cristaux liquides à matrice active (ci‑après les «LCD»). À la suite d’un accord de concentration de CMO avec les sociétés InnoLux Display Corp. et TPO Displays Corp., l’entité juridique survivante devint InnoLux, société de droit taïwanais également, requérante dans la présente affaire.

5.

Après que la société de droit coréen Samsung Electronics Co. Ltd (ci‑après «Samsung») eut dénoncé l’existence d’une entente sur le marché des LCD à la Commission, celle‑ci a engagé la procédure administrative et adressé une communication des griefs à seize sociétés, dont deux filiales européennes détenues à 100 % par la requérante. Cette communication des griefs expliquait, notamment, les raisons pour lesquelles les deux filiales de CMO devaient être tenues solidairement responsables des infractions commises par cette dernière.

6.

Le 8 décembre 2010, la Commission a adopté la décision litigieuse. Celle‑ci est adressée à six des seize sociétés destinataires de la communication des griefs, dont la requérante, LG Display Co. Ltd (ci‑après «LGD») et AU Optronics Corp. (ci‑après «AUO»). En revanche, les filiales de la requérante ne sont plus visées.

7.

Dans la décision litigieuse, la Commission a constaté l’existence d’une entente entre six grands fabricants internationaux de LCD, dont la requérante, LGD et AUO, sur les deux catégories suivantes de produits, de taille égale ou supérieure à 12 pouces, à savoir les LCD pour les technologies de l’information (TI), tels que ceux à intégrer dans des ordinateurs portables compacts et des moniteurs d’ordinateurs, et les LCD pour téléviseurs (ci‑après, ensemble, les «LCD cartellisés»).

8.

Pour la fixation des amendes infligées par la décision litigieuse, la Commission a utilisé les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci‑après les «lignes directrices de 2006»). En application de celles‑ci, la Commission a défini la valeur des ventes de LCD cartellisés directement ou indirectement concernées par l’infraction. À cette fin, elle a établi les trois catégories suivantes de ventes effectuées par les participants à l’entente:

«ventes EEE directes», à savoir les ventes de LCD cartellisés à une autre entreprise au sein de l’Espace économique européen (EEE);

«ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés», à savoir les ventes de LCD cartellisés intégrés, au sein du groupe dont relève le producteur, dans des produits finis qui sont vendus à une autre entreprise au sein de l’EEE, et

«ventes indirectes», à savoir les ventes de LCD cartellisés à une autre entreprise située en dehors de l’EEE, laquelle incorpore ensuite les écrans dans des produits finis qu’elle vend dans l’EEE, une «autre entreprise» étant une entreprise ne faisant pas partie du groupe du vendeur.

9.

La Commission a estimé qu’elle pouvait se limiter à prendre en compte les deux premières catégories mentionnées ci‑dessus, l’inclusion de la troisième catégorie n’étant pas nécessaire pour que les amendes infligées puissent atteindre un niveau dissuasif suffisant. Sur ces bases, la Commission a condamné la requérante au paiement d’une amende de 300 millions d’euros.

II – L’arrêt attaqué

10.

Par requête du 21 février 2011, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation partielle de la décision litigieuse et à la réduction du montant de l’amende. À l’appui de sa demande, la requérante a soulevé trois moyens. Le premier était tiré du fait que la Commission aurait appliqué une notion juridiquement erronée, à savoir celle de «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés», le deuxième de ce que la Commission aurait violé l’article 101 TFUE en concluant que l’infraction s’étendait aux LCD pour téléviseurs et le troisième de ce que la valeur des ventes pertinentes retenue par la Commission à son égard aurait inclus à tort d’autres ventes que celles relatives aux LCD cartellisés.

11.

Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli ce dernier moyen et, en conséquence, a réduit le montant de l’amende à infliger à la requérante à 288 millions d’euros ( 6 ). Pour le surplus, il a rejeté le recours.

III – Sur le pourvoi

A – Sur le premier moyen, relatif à la prise en compte de «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés»

1. Synthèse de l’argumentation des parties

12.

Par la première branche, concernant la notion de «ventes en relation avec l’infraction», la requérante reproche au Tribunal d’avoir inclus, dans la valeur des ventes prises en compte pour le calcul de l’amende, ses ventes de produits finis dans l’EEE, en tant que «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés», alors que ces ventes ne sont pas en relation avec l’infraction au sens du point 13 des lignes directrices de 2006.

13.

La Commission estime que l’argumentation de la requérante a été réfutée par le Tribunal, au terme d’un raisonnement correct. L’argumentation de la requérante ignorerait le fait que le prix des LCD cartellisés affectait celui des produits finis et que les pratiques collusoires portaient tant sur les LCD devant être vendus à des tiers que sur les LCD destinés à être livrés au sein du groupe. Il s’agirait là de constatations factuelles opérées par la Tribunal qui ne peuvent pas être réexaminées dans le cadre d’un pourvoi. Il serait erroné de soutenir qu’il n’existe pas de différence entre une vente à un tiers et une livraison intragroupe. L’entrée réelle sur le marché – soit la première «vente réelle» – interviendrait au moment et à l’endroit où l’entreprise vend le produit fini.

14.

Par la deuxième branche, concernant l’arrêt Europa Carton/Commission (T‑304/94, EU:T:1998:89), la requérante estime que la Commission a méconnu cet arrêt, en ce que, au lieu de traiter les ventes intragroupes de la même manière que les ventes à des tiers, celle‑ci a appliqué à certains destinataires de la décision litigieuse un critère différent pour déterminer le lieu de leurs ventes intragroupes.

15.

La Commission estime que l’arrêt Europa Carton/Commission (T‑304/94, EU:T:1998:89) confirme qu’elle peut tenir compte de la valeur d’un produit faisant l’objet d’une entente, indépendamment de la question de savoir si un participant à cette entente vend directement le produit en question sur le marché ou l’incorpore préalablement dans un autre produit fini. En revanche, cet arrêt n’obligerait pas la Commission à considérer le lieu de la livraison interne comme étant le lieu de vente du produit cartellisé aux fins d’évaluer le lien avec le territoire de l’EEE.

16.

Par la troisième branche, concernant l’arrêt Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission (89/85, 104/85, 114/85, 116/85, 117/85 et 125/85 à 129/85, EU:C:1988:447, ci‑après l’«arrêt ‘Pâte de bois I’»), la requérante fait valoir qu’il découle de cet arrêt que la compétence de l’Union s’étend non pas à toute vente réalisée au sein de l’EEE, mais uniquement aux ventes réalisées dans l’EEE du produit pertinent relevant de l’action concertée ayant fait l’objet de la constatation d’infraction.

17.

Selon la Commission, le Tribunal aurait à bon droit conclu que ledit arrêt n’empêchait pas la Commission de tenir compte, aux fins du calcul de...

To continue reading

Request your trial
2 practice notes
  • InnoLux Corp. v European Commission.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 9 July 2015
    ...en dehors de l’EEE — Prise en compte des ventes des produits finis intégrant le produit concerné à des tiers dans l’EEE» Dans l’affaire C‑231/14 ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 8 mai 2014, InnoLux Corp.......
  • McDermott EU Competition Annual Review 2015
    • European Union
    • JD Supra European Union
    • 23 January 2016
    ...22 InnoLux Corp v Commission, T-91/11, EU:T:2014:92 23 InnoLux Corp. v Commission, C-231/14P, EU:C:2015:451; Advocate General’s Opinion, EU:C:2015:292. 24 At paragraph 50, citing Team Relocations and others v Commission, C-444/11P, EU:C:2013:464, paragraph 76; Guardian Industries and Guardi......
1 cases
  • Opinion of Advocate General Emiliou delivered on 21 March 2024.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 21 March 2024
    ...exemple, s’agissant du droit de la concurrence, conclusions de l’avocat général Wathelet dans l’affaire InnoLux/Commission (C‑231/14 P, EU:C:2015:292, points 39 à 42), et de l’avocat général Wahl dans l’affaire Intel Corporation/Commission (C‑413/14 P, EU:C:2016:788, points 283 et 300) ; ai......
1 firm's commentaries
  • McDermott EU Competition Annual Review 2015
    • European Union
    • JD Supra European Union
    • 23 January 2016
    ...22 InnoLux Corp v Commission, T-91/11, EU:T:2014:92 23 InnoLux Corp. v Commission, C-231/14P, EU:C:2015:451; Advocate General’s Opinion, EU:C:2015:292. 24 At paragraph 50, citing Team Relocations and others v Commission, C-444/11P, EU:C:2013:464, paragraph 76; Guardian Industries and Guardi......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT