Brigitte Schlömp v Landratsamt Schwäbisch Hall.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:768
Date18 October 2017
Celex Number62016CC0467
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-467/16
62016CC0467

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 18 octobre 2017 ( 1 )

Affaire C‑467/16

Brigitte Schlömp

contre

Landratsamt Schwäbisch Hall

[demande de décision préjudicielle formée par l’Amtsgericht Stuttgart (tribunal de district de Stuttgart, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel — Espace de liberté, de sécurité et de justice — Coopération judiciaire en matière civile — Convention de Lugano II — Articles 27 et 30 — Litispendance — Notion de “juridiction”»

1.

La question qui est au cœur de la présente affaire est simple : une « juridiction » est-elle saisie, aux fins de la litispendance au sens de la convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, signée le 30 octobre 2007, dont la conclusion a été approuvée au nom de la Communauté par la décision 2009/430/CE du Conseil du 27 novembre 2008 (JO 2009, L 147, p. 1) (ci-après la « convention de Lugano II »), lorsqu’une demande en matière d’obligations alimentaires est présentée devant une autorité de conciliation, dont la saisine est obligatoire en droit procédural national ? Cette demande de décision préjudicielle de l’Amtsgericht Stuttgart (tribunal de district de Stuttgart, Allemagne) offre à la Cour une occasion exceptionnelle d’interpréter des dispositions de la convention de Lugano II.

Le cadre juridique

Le droit international

2.

En vertu du titre II (« Compétence »), section 2 (« Compétences spéciales »), article 5, de la convention de Lugano II :

« Une personne domiciliée sur le territoire d’un État lié par la présente convention peut être attraite, dans un autre État lié par la présente convention :

[…]

2.

en matière d’obligation alimentaire,

a)

devant le tribunal du lieu où le créancier d’aliments a son domicile ou sa résidence habituelle ; […] »

3.

Au titre II, la section 9 de la convention de Lugano II, dont l’objet est « Litispendance et connexité », comprend les articles 27 à 30 de cette convention.

4.

L’article 27 de la convention de Lugano II se lit comme suit :

« 1. Lorsque des demandes ayant le même objet et la même cause sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions de différents États liés par la présente convention, la juridiction saisie en second lieu sursoit d’office à statuer jusqu’à ce que la compétence du tribunal premier saisi soit établie.

2. Lorsque la compétence du tribunal premier saisi est établie, le tribunal saisi en second lieu se dessaisit en faveur de celui-ci. »

5.

Aux termes de l’article 30 de la même convention :

« Aux fins de la présente section, une juridiction est réputée saisie :

1.

à la date à laquelle l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent est déposé auprès de la juridiction, à condition que le demandeur n’ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu’il était tenu de prendre pour que l’acte soit notifié ou signifié au défendeur ; ou

2.

si l’acte doit être notifié ou signifié avant d’être déposé auprès de la juridiction, à la date à laquelle il est reçu par l’autorité chargée de la notification ou de la signification, à condition que le demandeur n’ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu’il était tenu de prendre pour que l’acte soit déposé auprès de la juridiction.»

6.

L’article 62 de la convention de Lugano II, qui figure au titre V (« Dispositions générales ») dispose :

« Aux fins de la présente convention, l’expression “juridiction” inclut toute autorité désignée par un État lié par la présente convention comme étant compétente dans les matières relevant du champ d’application de celle-ci ».

7.

Au titre VII de la convention de Lugano II, « Relations avec le règlement (CE) no 44/2001 ( 2 ) et les autres instruments », l’article 64 dispose :

« 1. La présente convention ne préjuge pas l’application par les États membres de la Communauté européenne du [règlement no 44/2001] et de toute modification apportée à celui-ci, de la convention concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, signée à Bruxelles le 27 septembre 1968, et du protocole concernant l’interprétation de cette convention par la Cour de justice des Communautés européennes, signé à Luxembourg le 3 juin 1971, tels qu’ils ont été modifiés par les conventions d’adhésion à ladite convention et audit protocole par les États adhérant aux Communautés européennes, ainsi que de l’accord entre la Communauté européenne et le Royaume de Danemark sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, signé à Bruxelles le 19 octobre 2005.

2. Toutefois, la présente convention s’applique en tout état de cause :

a)

en matière de compétence, lorsque le défendeur est domicilié sur le territoire d’un État où s’applique la présente convention, à l’exclusion des instruments visés au paragraphe 1, ou lorsque les articles 22 ou 23 de la présente convention confèrent une compétence aux tribunaux d’un tel État ;

b)

en matière de litispendance ou de connexité telles que prévues aux articles 27 et 28 de la présente convention, lorsque les demandes sont formées dans un État où s’applique la présente convention, à l’exclusion des instruments visés au paragraphe 1, et dans un État où s’appliquent la présente convention ainsi que l’un des instruments visés au paragraphe 1 ;

[…] »

Le code de procédure civile suisse

8.

L’article 62, paragraphe 1, du Schweizer Zivilprozessordnung (code de procédure civile suisse, ci-après le « code de procédure civile ») ( 3 ) traite du début de la litispendance et est rédigé comme suit :

« L’instance est introduite par le dépôt de la requête de conciliation, de la demande ou de la requête en justice, ou de la requête commune en divorce. »

9.

Aux termes de l’article 197 du code de procédure civile ( 4 ) :

« La procédure au fond est précédée d’une tentative de conciliation devant une autorité de conciliation. »

10.

L’article 209 du code de procédure civile, intitulé « Autorisation de procéder », dispose :

« 1. Lorsque la tentative de conciliation n’aboutit pas, l’autorité de conciliation consigne l’échec au procès-verbal et délivre l’autorisation de procéder :

[…]

b)

au demandeur […].

3. Le demandeur est en droit de porter l’action devant le tribunal dans un délai de trois mois à compter de la délivrance de l’autorisation de procéder.

[…] »

Les faits, la procédure et la question déférée

11.

Mme Brigitte Schlömp, qui réside en Suisse, est la fille de Mme H. S., qui perçoit des prestations d’assistance sociales complémentaires versées par le Landratsamt Schwäbisch Hall (direction administrative du Kreis de Schwäbisch Hall) en raison de ses besoins en soins.

12.

En droit allemand, des prestations qui ont été accordées par les pouvoirs publics sont transférées à l’organisme prestataire, qui peut en demander le remboursement, dans le cadre d’une action récursoire, aux enfants des bénéficiaires qui ont une faculté contributive suffisante.

13.

Le 16 octobre 2015, le Landratsamt Schwäbisch Hall (direction administrative du Kreis de Schwäbisch Hall) a introduit une demande de conciliation à l’égard de Mme Schlömp devant la Schlichtungsbehörde (autorité de conciliation) du Friedensrichteramt des Kreises Reiat, Kanton Schaffhausen (justice de paix du district de Reiat, canton de Schaffhouse, Suisse) (ci-après le« Friedensrichteramt »), compétente en droit suisse, afin de faire reconnaître un droit à remboursement. Dans la requête de conciliation, un montant minimal de 5000 euros était réclamé sous réserve d’une modification des conclusions lorsque Mme Schlömp aurait fourni tous les renseignements demandés.

14.

Faute d’accord entre les parties à cette procédure, le 25 janvier 2016, le Friedensrichteramt a délivré une autorisation de procéder, laquelle a été notifiée aux représentants du Landratsamt Schwäbisch Hall (direction administrative du Kreis de Schwäbisch Hall) le 26 janvier 2016.

15.

Le 11 mai 2016, le Kantonsgericht Schaffhausen (tribunal cantonal de Schaffhouse, Suisse) a été saisi d’une demande dirigée contre Mme Schlömp et visant au paiement du montant de la pension alimentaire minimale et à la production de renseignements supplémentaires.

16.

Dans l’intervalle, c’est-à-dire après le début de la procédure de conciliation mais avant que l’affaire soit portée devant le Kantonsgericht Schaffhausen (tribunal cantonal de Schaffhouse), Mme Schlömp avait introduit, par mémoire du 19 février 2016 reçu tout d’abord, le 22 février 2016, par l’Amtsgericht (Familiengericht) Schwäbisch Hall (tribunal de district de Schwäbisch Hall, juge aux affaires familiales, Allemagne), une demande en constatation d’absence d’obligations d’entretien au titre des droits transférés.

17.

Le Familiengericht Schwäbisch Hall (juge aux affaires familiales de Schwäbisch Hall), saisi en vertu de l’article 3, sous a) ou b), du règlement (CE) no 4/2009 ( 5 ), par décision du 7 mars 2016, s’est déclaré territorialement incompétent et a renvoyé l’affaire à l’Amtsgericht (Familiengericht) Stuttgart (tribunal de district de Stuttgart, juge aux affaires familiales), auquel ladite décision est parvenue le 21 mars 2016.

18.

Après signification de la requête au Landratsamt Schwäbisch Hall le 26 avril 2016, celui-ci a conclu, le 17 mai 2016, au rejet de la demande, au motif que la litispendance résultant de la procédure se déroulant en Suisse s’opposait...

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