European Commission v Kingdom of Belgium.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:495
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-250/08
Date21 July 2011
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
Celex Number62008CC0250

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

Mme ELEANOR Sharpston

présentées le 21 juillet 2011 (1)

Affaire C‑250/08

Commission européenne

contre

Royaume de Belgique

«Droits d’enregistrement dus lors de l’acquisition d’une résidence principale – Droit de circuler et de séjourner librement – Liberté d’établissement – Libre circulation des capitaux – Restrictions»





1. Dans la présente procédure, la Commission européenne affirme que la législation belge concernant le paiement des droits d’enregistrement en Région flamande comporte une discrimination à l’encontre, en particulier, des citoyens des États membres qui souhaitent exercer leur droit de changer de résidence, leur droit à la liberté d’établissement et leur droit de transférer des capitaux au sein de l’Union européenne. La législation en cause permet de déduire les droits d’enregistrement (2) payés lors de l’acquisition d’une résidence principale en Région flamande – mais non ailleurs – de ceux dus lors de l’acquisition d’une nouvelle résidence principale dans la même région.

I – Cadre juridique

A – Dispositions pertinentes du traité CE et de l’accord EEE

2. L’article 18, paragraphe 1, CE dispose:

«Tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le présent traité et par les dispositions prises pour son application.»

3. L’article 43 CE dispose:

«Dans le cadre des dispositions visées ci-après, les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s’étend également aux restrictions à la création d’agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d’un État membre établis sur le territoire d’un État membre.

La liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, et notamment de sociétés au sens de l’article 48, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d’établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux.»

4. L’article 31, paragraphe 1, de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’«accord EEE»), étend, en fait, ces dispositions à l’ensemble de l’Espace économique européen.

5. L’article 56, paragraphe 1, CE dispose:

«Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.»

6. L’article 40 de l’accord EEE étend, en fait, ces dispositions à l’ensemble de l’Espace économique européen.

7. L’article 6 de l’accord EEE indique que les dispositions de cet accord, dans la mesure où elles sont identiques en substance aux règles correspondantes du traité (et des actes arrêtés en application de celui-ci) doivent être interprétées conformément à la jurisprudence de la Cour existant au moment de la signature dudit accord (3). L’accord EEE ne contient pas de disposition similaire pour la jurisprudence postérieure de la Cour (4). Cependant, il ressort de l’article 105 de l’accord EEE que les règles de cet accord qui sont identiques en substance à celles du traité doivent être interprétées de manière uniforme (5). La Cour a compétence pour interpréter l’accord EEE en ce qui concerne le territoire de l’Union et la Cour de l’Association européenne de libre-échange (AELE) a compétence pour l’interpréter en ce qui concerne son application dans les États de l’AELE. À cet égard, l’accord EEE prévoit une coopération entre la Cour et la Cour AELE (6).

8. Les règles interdisant les restrictions de la liberté d’établissement figurant à l’article 31 de l’accord EEE sont identiques à celles imposées par l’article 49 TFUE (7). De plus, les dispositions concernant la libre circulation des capitaux (dont la formulation est similaire mais non identique à celle des dispositions correspondantes du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne) doivent également, dans la mesure du possible, être interprétées de la même manière (8).

B – Directive 88/361/CEE

9. Les notes explicatives de l’annexe I de la directive 88/361/CEE du Conseil (9) font apparaître clairement que, dans ce contexte, la «circulation des capitaux» inclut les acquisitions de propriétés bâties et non bâties ainsi que la construction de bâtiments par des personnes privées à des fins personnelles (10).

C – Législation nationale

10. En vertu de l’article 44 du code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe (Wetboek der registratie-, hypotheek- en griffierechten, ci‑après le «code») de la Région flamande, des droits d’enregistrement de 10 % sont perçus sur la valeur de tous les transferts à titre onéreux de propriété ou d’usufruit de biens immeubles (11). En vertu de l’article 46 bis du code, en cas d’acquisition d’un immeuble destiné à l’habitation par une ou plusieurs personnes physiques en vue d’y établir leur résidence principale, la base imposable est réduite de 12 500 euros, à condition que, à ce moment, elles ne soient pas propriétaires d’une autre habitation. Tous les acquéreurs d’une première résidence qui sont des personnes physiques peuvent bénéficier de cette réduction de la base imposable, qu’ils aient résidé antérieurement en Région flamande ou ailleurs.

11. L’article 61/3 du code dispose:

«En cas d’acquisition pure par une personne physique d’un bien immobilier affecté ou destiné à l’habitation, afin d’y établir son domicile principal, sa partie légale dans les droits dus […] sur l’acquisition de l’habitation qui lui a servi auparavant comme résidence principale ou du terrain à bâtir sur lequel cette habitation est construite est décomptée de sa partie légale dans les droits dus à la nouvelle acquisition, pour autant que la nouvelle acquisition ait obtenu date certaine dans les deux ans de la date de l’enregistrement du document ayant donné lieu:

– ou bien à l’établissement du droit proportionnel, soit sur la revente pure de l’habitation affectée antérieurement à sa résidence principale, soit sur le partage de cette habitation, la personne physique ayant cédé tous ses droits […]

Sont exclus de l’imputation conformément aux dispositions du présent article, les droits payés pour l’acquisition d’un immeuble qui n’est pas situé en Région flamande. […]

Le montant à imputer […] ne peut en aucun cas dépasser 12 500 euros. […]»

12. L’article 212 bis du code prévoit la restitution (plutôt que la déduction) des droits d’enregistrement lorsque, premièrement, l’habitation précédente est vendue dans les deux ans (dans les cinq ans en cas d’acquisition d’un terrain à bâtir) après l’acquisition de la nouvelle habitation; deuxièmement, l’acquéreur établit sa résidence principale dans la nouvelle habitation deux ans après l’acquisition de celle‑ci (cinq ans en cas d’acquisition d’un terrain à bâtir). De nouveau, l’habitation doit être située en Région flamande et le montant susceptible d’être restitué est limité à 12 500 euros.

13. Je me référerai au système instauré par les articles 61/3 et 212 bis du code globalement comme étant la «mesure litigieuse». Ces articles, de même que les dispositions décrites au point 10 ci-dessus et un certain nombre de dispositions procédurales y afférentes, ont été insérés dans le code par un décret modificatif adopté le 1er février 2002 (12). L’exposé des motifs du projet de décret reconnaissait que les droits d’enregistrement constituent souvent un obstacle pour les personnes souhaitant rapprocher leur lieu de résidence de leur lieu de travail ou adapter ce lieu de résidence à des situations familiales modifiées. Il indiquait que la modification avait pour but de «promouvoir la mobilité de tous les citoyens qui, pour n’importe quelle raison (professionnelle, privée ou autre), veulent acquérir une nouvelle résidence principale qui correspond mieux à leurs besoins». Ce but a été atteint en permettant de déduire, à concurrence de 12 500 euros au maximum, une partie des droits payés sur une résidence principale antérieure (c’est-à-dire une maison) de ceux dus pour l’acquisition postérieure d’une autre maison.

II – Procédure précontentieuse

14. Considérant que la mesure litigieuse était discriminatoire et, par conséquent, interdite par le traité, la Commission a adressé, le 23 décembre 2005, une lettre de mise en demeure au Royaume de Belgique. Ce dernier a contesté l’infraction alléguée dans sa réponse du 22 mars 2006.

15. La Commission n’était pas satisfaite de cette réponse et elle a émis un avis motivé le 13 juillet 2006. Les autorités belges ont confirmé, par une lettre du 13 septembre 2006, qu’elles considéraient que la mesure litigieuse était conforme au droit de l’Union et était, en tout cas, justifiée dans l’intérêt public.

16. La Commission a maintenu sa position et elle a, par conséquent, introduit le présent recours le 5 mai 2008. La Commission demande à la Cour de déclarer que le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 18 CE, 43 CE et 56 CE et des articles 31 et 40 de l’accord EEE en ce que, en Région flamande, pour le calcul d’un avantage fiscal lors de l’acquisition d’un bien immeuble destiné à une nouvelle résidence principale, le montant des droits d’enregistrement payés lors de l’acquisition d’une résidence principale précédente est seulement pris en considération lorsque celle-ci était située en Région flamande et non pas lorsque celle-ci était située dans un État membre autre que le Royaume de Belgique ou un État membre de l’AELE. La Commission demande aussi à la Cour de condamner le Royaume de Belgique aux dépens.

17. Le gouvernement hongrois est intervenu à l’appui du Royaume de Belgique.

18. Lors de l’audience du 23 septembre 2010, la Commission et les gouvernements belge...

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