Autortiesību un komunicēšanās konsultāciju aģentūra / Latvijas Autoru apvienība v Konkurences padome.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:286
Date06 April 2017
Celex Number62016CC0177
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-177/16
62016CC0177

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 6 avril 2017 ( 1 )

Affaire C‑177/16

Biedrība « Autortiesību un komunicēšanās konsultāciju aģentūra – Latvijas Autoru apvienība »

contre

Konkurences padome

[demande de décision préjudicielle formée par l’Augstākā tiesa (Cour suprême, Lettonie)]

« Article 102 TFUE – Abus de position dominante – Effet sur le commerce entre États membres – Société de gestion collective – Prix non équitables – Chiffre d’affaires pertinent aux fins d’imposer une amende »

1.

Existe-t-il des prix non équitables ?

2.

Dans le domaine du droit de la concurrence, différents pays ont effectué à cet égard des choix différents. En particulier, dans nombre d’entre eux, dont les États-Unis d’Amérique, le comportement d’entreprises puissantes sur le marché qui ne font qu’exploiter directement la clientèle n’est, en général, pas considéré comme une atteinte à ce droit. Toutefois, le choix effectué par les auteurs des traités de l’Union européenne est, à l’évidence, différent : l’article 102, deuxième alinéa, sous a), TFUE inclut, parmi les types d’abus de position dominante interdits, une pratique qui consiste à « imposer de façon directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction non équitables ».

3.

Néanmoins, dans sa pratique, la Commission européenne a fait preuve d’une extrême réticence dans l’usage de cette disposition contre des (prétendus) prix élevés, pratiqués par des entreprises dominantes, cela à juste titre à mon sens. En particulier, il n’est nullement besoin d’appliquer cette disposition dans un marché libre et concurrentiel : en l’absence de barrières à l’entrée, des prix élevés devraient normalement attirer les nouveaux entrants. Le marché s’autocorrigerait en conséquence.

4.

Toutefois, il peut en être autrement sur des marchés où il existe des barrières juridiques à l’entrée ou à l’expansion et, notamment, sur ceux où il existe un monopole légal. En effet, il peut y avoir des marchés qui, en raison de leurs caractéristiques particulières, ne fonctionnent pas efficacement lorsqu’ils sont ouverts à la concurrence. Ainsi, un gouvernement peut avoir des raisons politiques légitimes à limiter la concurrence sur un marché spécifique, sacrifiant ainsi l’efficacité économique au profit d’autres objectifs publics.

5.

Tel est précisément le cas dans l’affaire au principal.

6.

La présente affaire donne à la Cour l’opportunité de clarifier les conditions dans lesquelles l’imposition de prix élevés par une entreprise dominante pourrait enfreindre l’article 102, deuxième alinéa, sous a), TFUE. En d’autres termes, la présente affaire concerne des prix fixés par des entreprises dominantes qui peuvent être abusifs car, dans la mesure où ces prix sont excessivement élevés, ces entreprises exploitent la clientèle. En revanche, elle ne concerne pas des prix qui peuvent être abusifs en raison de leur effet d’exclusion sur les concurrents.

I. Le droit letton

7.

L’article 13 de la Konkurences likums (loi sur la concurrence) est libellé dans des termes analogues à ceux de l’article 102, deuxième alinéa, sous a), TFUE.

II. Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles

8.

La requérante au principal, l’« Autortiesību un komunicēšanās konsultāciju aģentūra – Latvijas Autoru apvienība » (l’Agence de consultations sur les droits d’auteurs et la communication/Association lettone des auteurs, ci‑après l’« AKKA/LAA »), en sa qualité de société de gestion collective, accorde des licences pour l’exécution publique d’œuvres musicales dans les magasins et les lieux de services aux clients. Les redevances appliquées à ces licences sont fonction de la superficie des locaux. L’AKKA/LAA bénéficie d’un monopole légal en Lettonie.

9.

En 2008, le Konkurences padome (Conseil de la concurrence, Lettonie) a infligé une amende à l’AKKA/LAA pour abus de position dominante au motif qu’elle appliquait des taux de redevance excessivement élevés pour la rémunération des auteurs. Le montant de l’amende infligée a été calculé à partir du chiffre d’affaires de la société de gestion collective, déduction faite des montants transférés aux auteurs à titre de rémunération.

10.

Par la suite, en 2011, l’AKKA/LAA a établi de nouveaux tarifs pour la rémunération des auteurs, au sujet desquels le Conseil de la concurrence a ouvert une procédure en 2012. Pour apprécier si ces tarifs étaient justifiés, cette autorité les a comparés à la fois aux tarifs appliqués en Lituanie et en Estonie, pays voisins, qui étaient considérés comme relativement semblables à la République de Lettonie, compte tenu des habitudes de consommation, de l’économie et du produit intérieur brut, et – à titre d’exemple – avec les tarifs appliqués dans d’autres États membres, en tenant compte de l’indice de parité du pouvoir d’achat (ci‑après l’« indice PPA »), dérivant du produit intérieur brut (PIB). Cette autorité a constaté que les tarifs pratiqués par la requérante étaient sensiblement plus élevés que ceux applicables (même le double sur certains segments) dans les pays voisins et parmi les plus élevés de l’Union européenne, dépassant de 50 à 100 % le niveau moyen des tarifs de l’Union. Le Conseil de la concurrence a estimé que, dans la mesure où ces tarifs dépassaient sensiblement ceux établis dans les pays voisins, ils n’étaient pas justifiés et, en outre, ils ne pouvaient pas être justifiés objectivement par l’AKKA/LAA.

11.

Par conséquent, par décision du 2 avril 2013 (ci‑après la « décision attaquée »), le Conseil de la concurrence a estimé que la pratique de l’AKKA/LAA était constitutive d’une violation de l’interdiction prévue à l’article 13, paragraphe 4, de la loi sur la concurrence ainsi qu’à l’article 102, deuxième alinéa, sous a), TFUE et il lui a infligé une amende. Aux fins de calculer le montant de l’amende, il a tenu compte du chiffre d’affaires de l’AKKA/LAA mais en incluant cette fois les sommes collectées au titre de la rémunération des auteurs, qui avaient été versées à ceux-ci. Le Conseil de la concurrence a indiqué que le chiffre d’affaires d’entités telles que des sociétés de gestion collective doit, aux fins du droit de la concurrence, être calculé selon les mêmes principes que ceux applicables aux sociétés de capitaux afin d’assurer que le calcul du montant de l’amende ne diffère pas selon la forme juridique de l’opérateur économique.

12.

Par jugement du 9 février 2015, l’Administratīvā apgabaltiesa (cour administrative régionale, Lettonie) a partiellement fait droit au recours. Elle a confirmé la conclusion selon laquelle des tarifs indûment élevés avaient été appliqués mais elle a annulé la décision attaquée en ce qui concerne l’amende infligée et, en se fondant sur les principes de légalité et d’égalité, elle a ordonné au Conseil de la concurrence de calculer à nouveau le montant de l’amende devant être imposée à l’AKKA/LAA, sans inclure dans son chiffre d’affaires les sommes perçues au titre de la rémunération des auteurs. Chaque partie a interjeté appel de cette décision devant l’Augstākā tiesa (Cour suprême, Lettonie).

13.

Nourrissant des doutes quant à l’interprétation de l’article 102 TFUE, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 102, deuxième alinéa, sous a), TFUE est‑il applicable dans un litige qui porte sur les tarifs établis par un organisme national de gestion des droits patrimoniaux des auteurs lorsque cet organisme perçoit les redevances également pour des œuvres d’auteurs étrangers et que les tarifs qu’il a fixés peuvent décourager l’utilisation desdites œuvres dans l’État membre concerné ?

2)

La notion de prix non équitables utilisée à [l’]article 102, deuxième alinéa, sous a), TFUE doit-elle être précisée dans le domaine des droits d’auteur et droits voisins au moyen d’une comparaison des prix (tarifs) avec les prix (tarifs) applicables sur les marchés voisins du marché concerné ; cette comparaison est-elle suffisante et dans quels cas ?

3)

La notion de prix non équitables utilisée à [l’]article 102, deuxième alinéa, sous a), TFUE doit-elle être précisée dans le domaine des droits d’auteur et droits voisins au moyen de l’indice [PPA], dérivant du produit intérieur brut, et cette comparaison est-elle suffisante ?

4)

Convient-il d’effectuer la comparaison des tarifs par rapport à chaque segment tarifaire ou par rapport au niveau moyen des tarifs ?

5)

Quand convient-il de considérer comme sensible la différence entre les tarifs examinés aux fins de l’application de la notion de prix (tarifs) non équitables utilisée à [l’]article 102, deuxième alinéa, sous a), TFUE, de sorte que l’opérateur économique qui bénéficie d’une position dominante doit démontrer que ses tarifs sont équitables ?

6)

Dans le cadre de l’application de l’article 102, deuxième alinéa, sous a), TFUE, quelles informations peut-on raisonnablement attendre de l’opérateur économique pour démontrer le caractère équitable des tarifs de l’œuvre protégée si le coût de revient de ladite œuvre ne peut pas être déterminé comme il le serait pour des produits matériels ? S’agit-il uniquement des coûts administratifs de l’organisme de gestion des droits patrimoniaux des auteurs ?

7)

Dans le cadre d’une infraction au droit de la concurrence, convient-il, aux fins de la détermination du montant de l’amende, d’exclure du chiffre d’affaires de l’organisme de gestion des droits patrimoniaux des auteurs les rémunérations payées aux...

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