Opinion of Advocate General Cruz Villalón delivered on 6 October 2015.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:665
Date06 October 2015
Celex Number62014CC0443
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-444/14,C-443/14
62014CC0443

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO CRUZ VILLALÓN

présentées le 6 octobre 2015 ( 1 )

Affaires jointes C‑443/14 et C‑444/14

Kreis Warendorf

contre

Ibrahim Alo (C‑443/14)

et

Amira Osso

contre

Region Hannover (C‑444/14)

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne)]

«Espace de liberté, de sécurité et de justice — Directive 2011/95/UE — Normes relatives au contenu de la protection internationale — Statut de réfugié et statut conféré par la protection subsidiaire — Articles 29 et 33 — Articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Convention de Genève — Liberté de circulation à l’intérieur de l’État membre d’accueil — Obligation de résidence en un lieu déterminé — Restriction — Justification — Nécessité d’assurer une répartition équilibrée des charges budgétaires en matière d’assistance sociale entre les collectivités administratives — Motifs relevant de la politique en matière de migration et d’intégration»

1.

La présente affaire tire son origine de deux décisions de renvoi par lesquelles le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne) pose trois questions préjudicielles relatives aux articles 29 et 33 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection ( 2 ), articles dont l’interprétation est demandée pour la première fois à la Cour ( 3 ).

2.

Les deux décisions de renvoi, dont la teneur est pratiquement identique, trouvent leur origine dans les doutes que nourrit la juridiction nationale quant à la compatibilité avec la directive susmentionnée de l’obligation, prévue par le droit national, de résider dans un lieu déterminé (dénommée «Wohnsitzauflage») imposée aux bénéficiaires de la protection subsidiaire qui reçoivent des prestations sociales.

3.

En définitive, et exprimé de manière la plus concise possible, la présente affaire pose le problème de savoir à quel point le droit fondamental de choisir librement son lieu de résidence est reconnu dans le cas des bénéficiaires de la protection subsidiaire et, en particulier, le problème de la légitimité d’une restriction de ce droit, fondée sur le fait que des prestations sociales sont perçues, et de la différence de traitement par rapport à d’autres étrangers résidant légalement, tout cela pour répondre à des objectifs de distribution géographique des charges sociales y relatives entre les collectivités territoriales de différent niveau et pour promouvoir une politique de migration et d’intégration appropriée.

I – Cadre juridique

A – Droit international

1. Convention relative au statut des réfugiés

4.

L’article 23 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 ( 4 ), consacré à l’assistance publique, dispose que «[l]es États Contractants accorderont aux réfugiés résidant régulièrement sur leur territoire le même traitement en matière d’assistance et de secours publics qu’à leurs nationaux».

5.

L’article 26 de la convention, sous l’intitulé «Liberté de circulation», prévoit que «[t]out État Contractant accordera aux réfugiés se trouvant régulièrement sur son territoire le droit d’y choisir leur lieu de résidence et d’y circuler librement sous les réserves instituées par la réglementation applicable aux étrangers en général dans les mêmes circonstances».

2. Pacte international relatif aux droits civils et politiques

6.

L’article 12 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ( 5 ) prévoit ce qui suit:

«1. Quiconque se trouve légalement sur le territoire d’un État a le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence.

[…]

3. Les droits mentionnés ci-dessus ne peuvent être l’objet de restrictions que si celles-ci sont prévues par la loi, nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d’autrui, et compatibles avec les autres droits reconnus par le présent Pacte.

[…]»

3. Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

7.

L’article 2 du protocole no 4 à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH») ( 6 ), sous l’intitulé «Liberté de circulation», dispose ce qui suit:

«1. Quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d’un État a le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence.

[…]

3. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au maintien de l’ordre public, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.

4. Les droits reconnus au paragraphe 1 peuvent également, dans certaines zones déterminées, faire l’objet de restrictions qui, prévues par la loi, sont justifiées par l’intérêt public dans une société démocratique.»

B – Droit de l’Union

8.

L’article 78, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit que «[l]’Union développe une politique commune en matière d’asile, de protection subsidiaire et de protection temporaire visant à offrir un statut approprié à tout ressortissant d’un pays tiers nécessitant une protection internationale et à assurer le respect du principe de non-refoulement. Cette politique doit être conforme à la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et au protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés, ainsi qu’aux autres traités pertinents.»

9.

Aux termes des considérants 4, 16, 17, 33, 39 et 45 de la directive 2011/95:

«(4)

La convention de Genève et le protocole y afférent constituent la pierre angulaire du régime juridique international de protection des réfugiés.

[…]

(16)

La présente directive respecte les droits fondamentaux, ainsi que les principes reconnus notamment par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En particulier, la présente directive vise à garantir le plein respect de la dignité humaine et du droit d’asile des demandeurs d’asile et des membres de leur famille qui les accompagnent et à promouvoir l’application des articles 1er, 7, 11, 14, 15, 16, 18, 21, 24, 34 et 35 de ladite charte, et devrait être mise en œuvre en conséquence.

(17)

Concernant le traitement des personnes relevant du champ d’application de la présente directive, les États membres sont liés par les obligations qui découlent des instruments de droit international auxquels ils sont parties, notamment ceux qui interdisent la discrimination.

[…]

(33)

Il convient d’arrêter aussi des normes relatives à la définition et au contenu du statut conféré par la protection subsidiaire. La protection subsidiaire devrait compléter la protection des réfugiés consacrée par la convention de Genève.

[…]

(39)

En répondant à l’invitation lancée par le programme de Stockholm pour mettre en place un statut uniforme en faveur des réfugiés ou des personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et sauf dérogations nécessaires et objectivement justifiées, il convient d’accorder aux bénéficiaires du statut conféré par la protection subsidiaire les mêmes droits et avantages que ceux dont jouissent les réfugiés au titre de la présente directive et de les soumettre aux mêmes conditions d’accès.

[…]

(45)

Afin, en particulier, d’éviter les difficultés sociales, il est opportun que les bénéficiaires d’une protection internationale se voient accorder, sans discrimination, dans le cadre de l’assistance sociale, une protection sociale et des moyens de subsistance adéquats. En ce qui concerne la protection sociale, les modalités et les détails de l’octroi des prestations essentielles aux bénéficiaires du statut conféré par la protection subsidiaire devraient être déterminés par le droit national. La possibilité de limiter l’assistance aux prestations essentielles doit s’entendre comme couvrant au minimum l’octroi d’une aide sous la forme d’un revenu minimal, d’une aide en cas de maladie ou de grossesse et d’une aide parentale, dans la mesure où de telles prestations sont accordées aux ressortissants au titre du droit national.»

10.

L’article 2, sous b), f) et g), de la directive 2011/95 prévoit les définitions suivantes:

«b)

‘bénéficiaire d’une protection internationale’, une personne qui a obtenu le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire définis aux points e) et g);

[…]

f)

‘personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire’, tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 15, l’article 17, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays;

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