Interedil Srl, in liquidation v Fallimento Interedil Srl and Intesa Gestione Crediti SpA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:132
Date10 March 2011
Celex Number62009CC0396
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-396/09

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 10 mars 2011 (1)

Affaire C‑396/09

Interedil Srl, en liquidation,

contre

Fallimento Interedil Srl,

Intesa Gestione Crediti SpA

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale di Bari (Italie)]

«Demande de décision préjudicielle – Règlement (CE) n° 1346/2000 – Procédures d’insolvabilité – Compétence internationale – Article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000 – Centre des intérêts principaux du débiteur – Présomption en faveur du lieu du siège statutaire – Transfert du siège statutaire dans un autre État membre – Article 3, paragraphe 2, sous h), du règlement n° 1346/2000 – Notion d’‘établissement’ – Pouvoir d’une juridiction nationale ne statuant pas en dernière instance de s’adresser à la Cour»





I – Introduction

1. L’article 3 du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité (2), détermine les États membres dont les juridictions sont compétentes pour l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité s’agissant de situations transfrontalières relevant du marché intérieur (3). Ce sont les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur qui sont compétentes pour ouvrir la procédure d’insolvabilité. La présente espèce donne l’occasion à la Cour de préciser la notion de «centre des intérêts principaux».

2. La présente espèce se caractérise par le fait qu’une société italienne a transféré son siège statutaire d’Italie au Royaume-Uni. Plus d’un an après la liquidation et la radiation de la société du registre des entreprises britannique, un créancier a demandé l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité en Italie. La juridiction de renvoi a des doutes quant à sa compétence internationale dans l’affaire qui lui a été soumise.

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

3. À l’article 2 du règlement n° 1346/2000, la notion d’«établissement» est définie comme suit:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

[…]

h) ‘établissement’: tout lieu d’opérations où le débiteur exerce de façon non transitoire une activité économique avec des moyens humains et des biens.»

4. L’article 3 du règlement n° 1346/2000 concerne la compétence internationale et stipule:

«1. Les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d’insolvabilité. Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire.

2. Lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est situé sur le territoire d’un État membre, les juridictions d’un autre État membre ne sont compétentes pour ouvrir une procédure d’insolvabilité à l’égard de ce débiteur que si celui-ci possède un établissement sur le territoire de cet autre État membre. Les effets de cette procédure sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce dernier territoire.

[…]»

5. Le treizième considérant du règlement n° 1346/2000 prévoit, quant à lui:

«Le centre des intérêts principaux devrait correspondre au lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est donc vérifiable par les tiers.»

B – Le droit national

6. Le Tribunale di Bari (Italie) signale que, en vertu de l’article 382 du code de procédure civile italien (codice di procedura civile) et de la jurisprudence constante y relative, la décision préalable rendue par la Corte di cassazione sur la question de la compétence est définitive et contraignante pour la juridiction du fond qui examine l’affaire.

III – La procédure au principal et les questions préjudicielles

7. Les faits suivants résultent de la décision de renvoi.

8. La société Interedil Srl, fondée en Italie, a établi son siège à Monopoli (Italie). Le 18 juillet 2001, elle a transféré son siège statutaire à Londres (Royaume-Uni). Elle a été inscrite au registre de la chambre de commerce anglaise (4) avec la mention «FC» («Foreign Company»). Le 18 juillet 2001 également, elle a été radiée du registre des entreprises (5) italien (6).

9. La décision de renvoi indique qu’Interedil Srl a invoqué le fait que, au moment du transfert de son siège, c'est-à-dire le 18 juillet 2001, elle a effectué à Londres des opérations de société consistant dans l’acquisition de la société Interedil Srl par le groupe britannique Canopus et dans la négociation et la conclusion de contrats de cession d’entreprise. La société Interedil Srl a également signalé que, quelques mois plus tard, les immeubles situés à Tarente (Italie) ont été transférés à la société Windowmist Limited en tant qu’éléments faisant partie de l’entreprise transférée.

10. D’après la décision de renvoi, la société Interedil Srl a été «clôturée» (7) et «radiée» du registre des entreprises au Royaume-Uni le 22 juillet 2002.

11. En octobre 2003, la société Intesa Gestione Crediti SpA a demandé au Tribunale di Bari de déclarer la faillite de la société Interedil Srl.

12. La société Interedil Srl, en liquidation (ci-après «Interedil»), a contesté la compétence de cette juridiction italienne et, en décembre 2003, elle a introduit une demande de décision préalable de la Corte di cassazione sur la question de la compétence. Elle a fait valoir que, du fait du transfert du siège statutaire de l’entreprise d’Italie au Royaume-Uni, les juridictions italiennes n’étaient plus compétentes pour l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité.

13. Considérant que l’exception d’incompétence des juridictions italiennes était manifestement non fondée et que l’insolvabilité de l’entreprise était établie, le Tribunale di Bari a, en mai 2004 et sans attendre l’issue de la procédure devant la Corte di cassazione sur la question de la compétence, déclaré la faillite de la «société Interedil Srl, en liquidation, dont le siège est à Londres, Chelsea Chambers 262 Fulham Road».

14. Par acte du 18 juin 2004, Interedil a introduit un recours contre ce jugement déclaratif de faillite.

15. Par ordonnance n° 10606/2005, du 20 mai 2005, la Corte di cassazione a déclaré que les juridictions italiennes étaient compétentes. Elle a considéré que, pour renverser la présomption de l’article 3, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement n° 1346/2000, selon laquelle le centre des intérêts principaux correspond au lieu du siège statutaire, les circonstances suivantes suffisaient, à savoir l’existence, en Italie, de biens immobiliers appartenant à Interedil, l’existence d’un contrat de location relatif à deux complexes hôteliers et d’un contrat conclu avec une institution bancaire, ainsi que l’absence de communication du transfert du siège social à Londres au registre des entreprises de Bari.

16. Compte tenu de l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Eurofood IFSC (8), le Tribunale di Bari a des doutes s’agissant de cette appréciation de la Corte di cassazione. Il a par conséquent décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) La notion de ‘centre des intérêts principaux du débiteur’ visée à l’article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1346/2000 doit‑elle être interprétée conformément au droit communautaire ou au droit national et, en cas de réponse affirmative à la première branche de l’alternative, en quoi cette notion consiste‑t‑elle et quels sont les facteurs ou éléments déterminants pour identifier le ‘centre des intérêts principaux’?

2) La présomption instaurée par l’article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1346/2000, aux termes de laquelle ‘pour les sociétés, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire’ peut-elle être renversée par la constatation d’une activité effective de l’entreprise dans l’État qui n’est pas celui où se trouve le siège statutaire de la société ou, pour que la présomption puisse être renversée, est-il nécessaire de constater que la société n’a exercé aucune activité entrepreneuriale dans l’État dans lequel elle a son siège statutaire?

3) L’existence, dans un État membre autre que celui où se trouve le siège statutaire de la société, de biens immobiliers appartenant à la société, l’existence d’un contrat de location relatif à deux complexes hôteliers, conclu par la société débitrice avec une autre société, ainsi que celle d’un contrat conclu par la société avec une institution bancaire sont-elles des éléments ou facteurs permettant de considérer comme renversée la présomption prévue à l’article 3 du règlement (CE) n° 1346/2000 en faveur du ‘siège statutaire’ de la société et ces circonstances sont-elles suffisantes pour considérer que la société possède un ‘établissement’ dans cet État, au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1346/2000?

4) Dans le cas où la position adoptée par la Corte di cassazione sur la compétence dans l’ordonnance n° 10606/2005 précitée se baserait sur une interprétation de l’article 3 du règlement (CE) n° 1346/2000 différente de celle de la Cour, l’article 382 du code de procédure civile italien, aux termes duquel la Corte di cassazione se prononce sur la compétence par un arrêt définitif et contraignant, fait-il obstacle à l’application de cette disposition communautaire, telle qu’interprétée par la Cour?»

IV – Appréciation juridique

A – Sur la recevabilité de la demande de décision à titre préjudiciel

17. Avant d’examiner les questions préjudicielles, il convient de déterminer tout d’abord si la demande de décision à titre préjudiciel du Tribunale di Bari est recevable.

1. Sur l’habilitation restreinte des juridictions à introduire des demandes préjudicielles selon l’article 68 CE

18. Le Tribunale di Bari a déféré ses questions à la Cour par ordonnance du 6 juillet 2009, parvenue à la Cour le 13 octobre 2009. À cette date, le traité de Lisbonne n’était pas encore entré en vigueur.

19. Le règlement n° 1346/2000 a...

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