KPN BV v Autoriteit Consument en Markt (ACM).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:245
Docket NumberC-85/14
Celex Number62014CC0085
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date16 April 2015
62014CC0085

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 16 avril 2015 ( 1 )

Affaire C‑85/14

KPN BV

contre

Autoriteit Consument en Markt (ACM)

[demande de décision préjudicielle formée par le College van Beroep voor het Bedrijfsleven (Pays‑Bas)]

«Renvoi préjudiciel — Réseaux et services de communications électroniques — Directive 2002/22/CE — Article 28 — Intérêts et droits des utilisateurs finals — Accès aux numéros non géographiques et aux services utilisant ces numéros — Réglementation nationale imposant aux fournisseurs de services de transit des appels téléphoniques de ne pas pratiquer des tarifs plus élevés pour les appels vers des numéros non géographiques que pour les appels vers des numéros géographiques — Situation d’accès transfrontalier — Contrôle de proportionnalité de la mesure nécessaire par le juge national — Notion d’‘autorités nationales compétentes’»

1.

En matière de communications électroniques, l’existence d’un marché unique européen implique, notamment, que, en principe, toutes les personnes physiques puissent avoir accès à tous les numéros géographiques et non géographiques dans l’Union européenne ainsi qu’aux services proposés au moyen des numéros non géographiques.

2.

Au sein du nouveau cadre réglementaire applicable aux services de communications électroniques (ci‑après le «NCR») ( 2 ) , l’article 28 de la directive «service universel» vise à garantir un tel accès aux numéros et aux services.

3.

En effet, cet article 28, lequel figure au chapitre IV de la directive «service universel» ( 3 ) , prévoit, à son paragraphe 1, que les États membres veillent à ce que les autorités nationales compétentes prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que les utilisateurs finals ( 4 ) disposent d’un accès aux services utilisant des numéros non géographiques dans l’Union et à tous les numéros fournis dans l’Union.

4.

Selon l’article 2, sous d) et f), de la directive «service universel», un numéro non géographique, défini par opposition à un numéro géographique ( 5 ) , est un numéro du plan national de numérotation dont la structure numérique ne contient aucune des significations géographiques utilisées pour acheminer les appels vers le lieu physique du point de terminaison du réseau. Il s’agit, notamment, des numéros mobiles, des numéros d’appel gratuits et des numéros à taux majoré.

5.

Par la présente demande de décision préjudicielle, la Cour est invitée, pour la première fois, à préciser le champ d’application et la portée de l’article 28 de la directive «service universel».

6.

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant KPN BV (ci‑après «KPN»), l’opérateur historique de télécommunications aux Pays‑Bas, à l’Autoriteit Consument en Markt (ACM) (Autorité des consommateurs et des marchés), agissant en tant qu’autorité réglementaire nationale (ci‑après «ARN»), en raison de la violation par KPN de la législation nationale transposant l’article 28 de la directive «service universel».

7.

Le Royaume des Pays‑Bas a transposé cet article 28 dans le droit national par l’article 6.5 de la loi sur les télécommunications (Telecommunicatiewet), lequel prévoit la possibilité d’établir des règles plus détaillées par ou en vertu d’une mesure générale d’administration ( 6 ) afin de garantir l’obligation d’accès aux numéros géographiques et non géographiques ainsi qu’aux services utilisant ces derniers numéros.

8.

Le gouvernement néerlandais a fait usage de cette possibilité en adoptant l’article 5 de l’arrêté relatif aux règles sur l’interopérabilité des services de communications électroniques publics, l’accès à l’espace de numérotation téléphonique européen et l’accès transfrontalier aux numéros non géographiques (Besluit houdende regels met betrekking tot interoperabiliteit van openbare elektronische communicatiediensten, toegang tot de Europese telefoonnummeringsruimte en landsgrensoverschrijdende toegang tot niet‑geografische nummers – Besluit Interoperabiliteit, ci‑après la «mesure nationale tarifaire»). Cette mesure, après modification le 1 er juillet 2013, vise à garantir un accès aux services utilisant les numéros non géographiques en interdisant aux fournisseurs de réseaux ou de services de communications électroniques accessibles au public de facturer, pour les appels vers des numéros non géographiques, des tarifs plus élevés que ceux qu’ils facturent pour les appels vers des numéros géographiques.

9.

Il ressort des pièces du dossier que la mesure nationale tarifaire est applicable à tous les fournisseurs intervenant lors de l’appel d’un numéro non géographique, y compris aux fournisseurs de services de transit d’appels ( 7 ) , tels que KPN aux Pays‑Bas.

10.

L’article 28 de la directive «service universel» permet‑il l’adoption d’une telle mesure à l’encontre de fournisseurs de services de transit d’appels? Telle est, en substance, la question centrale à laquelle la Cour est invitée à répondre.

11.

Selon KPN et la Commission européenne, il devrait être répondu à cette question par la négative pour, principalement, trois raisons. Premièrement, l’article 28 de la directive «service universel» ne saurait régir les relations entre les fournisseurs (marché de gros). Il s’appliquerait seulement aux relations entre les fournisseurs et les particuliers (marché de détail). Deuxièmement, le NCR n’autoriserait l’adoption de la mesure nationale tarifaire qu’au terme d’une analyse du marché effectuée par l’ARN à l’encontre d’un opérateur disposant d’une puissance significative sur le marché en cause, et non pas, comme en l’occurrence, à l’encontre d’un ensemble de fournisseurs. Troisièmement, seule une ARN, et non pas le gouvernement néerlandais, serait l’autorité nationale compétente pour imposer une telle mesure.

12.

Dans les présentes conclusions, nous expliquerons les raisons pour lesquelles nous considérons que la réponse à donner à ladite question doit, au contraire, être affirmative. Selon nous, l’article 28 de la directive «service universel» doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une autorité autre qu’une ARN édicte une mesure tarifaire telle que celle en cause au principal, sans qu’il soit apparu d’une analyse du marché qu’un opérateur dispose d’une puissance significative sur le marché, pourvu que cette mesure soit nécessaire afin de garantir les droits que les utilisateurs finals tirent de cet article 28, ce qu’il appartiendra au juge national de vérifier.

I – Le cadre juridique

A – La législation de l’Union

1. La directive «accès»

13.

Conformément à l’article 8 de la directive «accès»:

«1. Les États membres veillent à ce que les [ARN] soient habilitées à imposer les obligations visées aux articles 9 à 13 bis .

2. Lorsqu’à la suite d’une analyse du marché effectuée conformément à l’article 16 de la [directive‑cadre] un opérateur est désigné comme disposant d’une puissance significative sur un marché donné, les [ARN] lui imposent les obligations énumérées aux articles 9 à 13 de la présente directive, selon le cas.

3. Sans préjudice:

des dispositions de l’article 5, paragraphe 1, et de l’article 6,

des dispositions des articles 12 et 13 de la [directive‑cadre], de la condition 7 à la section B de l’annexe de la [directive ‘autorisation’] appliquée en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive, et des articles 27, 28 et 30 de la [directive ‘service universel’] et des dispositions pertinentes de la [directive 2002/58] qui imposent des obligations à des entreprises autres que celles qui sont désignées comme disposant d’une puissance significative sur le marché, ou

de la nécessité de se conformer aux engagements internationaux,

les [ARN] n’imposent pas les obligations définies aux articles 9 à 13 aux opérateurs qui n’ont pas été désignés conformément au paragraphe 2.

[...]»

14.

L’article 13, paragraphe 1, de la directive «accès» prévoit ce qui suit:

«Les [ARN] peuvent, conformément aux dispositions de l’article 8, imposer des obligations liées à la récupération des coûts et au contrôle des prix, y compris des obligations concernant l’orientation des prix en fonction des coûts et des obligations concernant les systèmes de comptabilisation des coûts, pour la fourniture de types particuliers d’interconnexion et/ou d’accès, lorsqu’une analyse du marché indique que l’opérateur concerné peut, en l’absence de concurrence efficace, maintenir des prix à un niveau excessivement élevé, ou comprimer les prix, au détriment des utilisateurs finals. [...]»

2. La directive «service universel»

15.

L’article 17, paragraphe 1, de la directive «service universel» se lit comme suit:

«Les États membres veillent à ce que les [ARN] imposent des obligations réglementaires adéquates aux entreprises déterminées comme étant puissantes sur un marché de détail donné, conformément à l’article 14 de la [directive‑cadre] lorsque:

a)

à la suite d’une analyse du marché effectuée conformément à l’article 16 de la [directive‑cadre], une [ARN] constate qu’un marché de détail donné, déterminé conformément à l’article 15 de ladite directive, n’est pas en situation de concurrence réelle; et

b)

l’[ARN] conclut que les obligations imposées au titre des articles 9 à 13 de la [directive ‘accès’] ne permettraient pas de réaliser les objectifs fixés à l’article 8 de la [directive‑cadre].»

16.

L’article 28, paragraphe 1, sous a), de la directive «service universel» prévoit:

«Les États membres veillent à ce que, lorsque cela est techniquement et économiquement possible...

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