Opinion of Advocate General Sharpston in Blaise and Others

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:190
Date12 March 2019
Celex Number62017CC0616
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-616/17
62017CC0616

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le12 mars 2019 ( 1 )

Affaire C‑616/17

Procureur de la République

contre

Mathieu Blaise,

Sabrina Dauzet,

Alain Feliu,

Marie Foray,

Sylvestre Ganter,

Dominique Masset,

Ambroise Monsarrat,

Sandrine Muscat,

Jean-Charles Sutra,

Blanche Yon,

Kevin Perrin,

Germain Dedieu,

Olivier Godard,

Kevin Schachner,

Laura Escande,

Nicolas Rey,

Éric Benromdan,

Olivier Labrunie,

Simon Boucard,

Alexis Ganter,

Pierre Garcia

en présence de :

Espace Émeraude

[demande de décision préjudicielle formée par le tribunal correctionnel de Foix (France)]

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques – Validité du règlement (CE) no 1107/2009 au regard du principe de précaution – Fiabilité et impartialité de la procédure d’évaluation – Effet cumulé des substances actives – Pesticides – Glyphosate »

1.

La présente demande de décision préjudicielle du tribunal correctionnel de Foix (ci-après la « juridiction de renvoi ») concerne les procédures mises en œuvre pour trouver un juste équilibre entre les effets négatifs et positifs de l’utilisation de produits chimiques dans la protection des végétaux. Un certain nombre de militants écologistes (ci‑après les « prévenus ») sont poursuivis pénalement pour avoir endommagé des bidons de désherbant (plus précisément du « Roundup ») contenant du glyphosate. Pour leur défense, ils font valoir que les produits présentent un risque potentiel inacceptable pour la santé humaine et l’environnement et que le processus d’approbation de l’Union européenne est défaillant et donc illégal.

Le droit de l’Union

2.

Étant donné que l’argumentation des prévenus consiste en substance à faire valoir que le système mis en place par le législateur européen pour examiner et contrôler l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant certaines substances est défaillant, il est nécessaire d’exposer en détail la manière dont ce système fonctionne.

Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

3.

En ce qui concerne la transparence exigée pour les activités de l’Union, l’article 15, paragraphe 1, TFUE établit le principe selon lequel « les institutions, organes et organismes de l’Union œuvrent dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture ». L’article 15, paragraphe 3, TFUE prévoit que les citoyens ont un droit d’accès aux documents des institutions, organes et organismes de l’Union sous réserve de « principes généraux et […] limites […], pour des raisons d’intérêt public ou privé, […] fixés par voie de règlements par le Parlement européen et le Conseil ». Le principe de transparence sous-tend donc toutes les activités de l’Union.

4.

L’article 168 TFUE exige de l’Union qu’elle assure « [u]n niveau élevé de protection de la santé humaine […] dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de l’Union ». L’article 191, paragraphe 2, TFUE dispose que « [l]a politique de l’Union dans le domaine de l’environnement vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de l’Union. Elle est fondée sur les principes de précaution et d’action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement et sur le principe du pollueur-payeur ».

Le règlement (CE) no 1107/2009

5.

L’article 1er, paragraphe 3, du règlement (CE) no 1107/2009 ( 2 ) (ci-après le « règlement PPP ») énonce que son objet est d’« assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement et [d’]améliorer le fonctionnement du marché intérieur ». L’article 1er, paragraphe 4, dispose que « [l]es dispositions du présent règlement se fondent sur le principe de précaution afin d’éviter que des substances actives ou des produits mis sur le marché ne portent atteinte à la santé humaine et animale ou à l’environnement. En particulier, les États membres ne sont pas empêchés d’appliquer le principe de précaution lorsqu’il existe une incertitude scientifique quant aux risques concernant la santé humaine ou animale ou l’environnement que représentent les produits phytopharmaceutiques devant être autorisés sur leur territoire» ( 3 ).

6.

L’article 2, paragraphe 1, définit les produits phytopharmaceutiques comme étant des « produits, sous la forme dans laquelle ils sont livrés à l’utilisateur, consistant en substances actives, phytoprotecteurs ou synergistes, ou en contenant, et destinés à […] a) protéger les végétaux ou les produits végétaux contre tous les organismes nuisibles ou à prévenir l’action de ceux-ci, […] b) exercer une action sur les processus vitaux des végétaux, […] c) assurer la conservation des produits végétaux, […] d) détruire les végétaux ou les parties de végétaux indésirables, […] [et] e) freiner ou prévenir une croissance indésirable des végétaux ».

7.

L’article 2 délimite le champ d’application du règlement. Les règles qu’il établit s’appliquent ainsi tout d’abord aux « substances actives » (« substances ( 4 ), y compris les micro-organismes, exerçant une action générale ou spécifique sur les organismes nuisibles ou sur les végétaux, parties de végétaux ou produits végétaux », article 2, paragraphe 2). La réglementation s’applique également aux « phytoprotecteurs » (« substances ou préparations qui sont ajoutées à un produit phytopharmaceutique pour annihiler ou réduire les effets phytotoxiques du produit phytopharmaceutique sur certaines plantes », article 2, paragraphe 3, sous a), aux « synergistes » [« substances ou préparations qui, bien que n’ayant pas ou guère d’activité […] peuvent renforcer l’activité de la ou des substances actives présentes dans un produit phytopharmaceutique », article 2, paragraphe 3, sous b)], aux « coformulants » [« substances ou préparations qui sont utilisées ou destinées à être utilisées dans un produit phytopharmaceutique ou un adjuvant, mais qui ne sont ni des substances actives ni des phytoprotecteurs ou synergistes », article 2, paragraphe 3, sous c)] et aux « adjuvants » [« substances ou préparations qui sont composées de coformulants ou de préparations contenant un ou plusieurs coformulants, sous la forme dans laquelle elles sont livrées à l’utilisateur et mises sur le marché, destinées à être mélangées par l’utilisateur avec un produit phytopharmaceutique et qui renforcent son efficacité ou d’autres propriétés pesticides », article 2, paragraphe 3, sous d)].

8.

L’article 4 définit les critères d’approbation des substances actives. L’article 4, paragraphe 1, prévoit qu’une substance active « est approuvée conformément à l’annexe II s’il est prévisible, eu égard à l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques, que, compte tenu des critères d’approbation énoncés aux points 2 et 3 de cette annexe, les produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active satisfont aux conditions prévues aux paragraphes 2 et 3» ( 5 ).

9.

L’article 4, paragraphe 2, dispose que les résidus des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active « résultant d’une application conforme aux bonnes pratiques phytosanitaires et dans des conditions réalistes d’utilisation […] a) n’ont pas d’effets nocifs sur la santé humaine, y compris les groupes vulnérables, ou sur la santé des animaux, compte tenu des effets cumulés et synergiques connus lorsque les méthodes scientifiques de ces effets, acceptées par l’Autorité ( 6 ), sont disponibles, ou sur les eaux souterraines » et que « b) ils n’ont pas d’effet inacceptable sur l’environnement ».

10.

L’article 4, paragraphe 3, exige qu’un produit phytopharmaceutique contenant la substance active « a) [soit] suffisamment efficace ; b) […] n’[ait] pas d’effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine, y compris les groupes vulnérables, ou sur la santé animale, directement ou par l’intermédiaire de l’alimentation en eau potable […] des denrées alimentaires, des aliments pour animaux ou de l’air, ou d’effets sur le lieu de travail ou d’autres effets indirects, compte tenu des effets cumulés et synergiques connus lorsque les méthodes d’évaluation scientifiques de ces effets, acceptées par l’Autorité, sont disponibles ; ou sur les eaux souterraines ; c) […] n’[ait] aucun effet inacceptable sur les végétaux ou les produits végétaux ; d) […] ne provoque ni souffrances ni douleurs inutiles chez les animaux vertébrés à combattre ; e) […] n’[ait] pas d’effets inacceptables sur l’environnement ».

11.

L’article 4, paragraphe 4, prévoit que les « exigences prévues aux paragraphes 2 et 3 sont évaluées selon des principes uniformes visés à l’article 29, paragraphe 6 ». Cette dernière disposition prévoit l’adoption de règlements en vue de définir des principes uniformes d’évaluation et d’autorisation et dispose par ailleurs qu’« [e]n vertu de ces principes, l’interaction entre la substance active, les phytoprotecteurs, les synergistes et les coformulants doit être prise en compte lors de l’évaluation des produits phytopharmaceutiques» ( 7 ).

12.

L’article 6 contient une liste non exhaustive des types de restrictions susceptibles d’être imposées pour l’approbation d’une substance active, d’un phytoprotecteur ou d’un synergiste, y compris « toute autre condition particulière résultant de l’évaluation des informations mises à disposition dans le contexte du présent règlement » [article 6, point j)].

13.

Le règlement PPP prévoit, au chapitre II, section 1, sous-section 2, « Procédure d’approbation », les étapes à suivre pour l’approbation d’une substance active. En vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement, la première étape consiste, pour le producteur...

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