Belgian State - Service public fédéral Finances v Les Vergers du Vieux Tauves SA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:381
Date03 July 2008
Celex Number62007CC0048
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-48/07

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme E. Sharpston

présentées le 3 juillet 2008 (1)

Affaire C‑48/07

État belge – SPF Finances

contre

Les Vergers du Vieux Tauves SA

[demande de décision préjudicielle formée par la cour d’appel de Liège (Belgique)]

«Directive 90/435/CEE – Société mère – Titulaire d’un droit d’usufruit sur des actions»






1. Dans la présente affaire, la cour d’appel de Liège (Belgique) interroge la Cour sur la question de savoir, en substance, si une société qui détient un droit d’usufruit sur des titres d’une autre société peut ou doit être considérée comme étant une société mère au sens de la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (2) (ci-après la «directive sociétés mères et filiales» ou la «directive»).

La directive sociétés mères et filiales

2. La directive sociétés mères et filiales vise à éliminer la pénalisation fiscale que subissent les sociétés d’États membres différents, par comparaison avec les sociétés d’un même État membre, lorsqu’elles souhaitent coopérer en formant des groupes formés de sociétés mères et de filiales (3). Elle y procède de deux manières.

3. Premièrement, l’article 4, paragraphe 1, dispose, en ce qu’il est pertinent pour l’espèce:

«Lorsqu’une société mère reçoit, à titre d’associée de sa société filiale, des bénéfices distribués […], l’État de la société mère:

– soit s’abstient d’imposer ces bénéfices,

– soit les impose, tout en autorisant cette société à déduire du montant de son impôt la fraction de l’impôt de la filiale afférente à ces bénéfices […]»

4. Deuxièmement, l’article 5 impose aux États membres d’exempter de retenues à la source les profits distribués par une société filiale à sa société mère.

5. L’article 3 définit la notion de «société mère». Il se lit comme suit:

«1. Aux fins de l’application de la présente directive:

a) la qualité de société mère est reconnue au moins à toute société d’un État membre qui remplit les conditions énoncées à l’article 2 (4) et qui détient, dans le capital d’une société d’un autre État membre remplissant les mêmes conditions, une participation minimale de 25 %;

b) on entend par société filiale la société dans le capital de laquelle la participation visée au point a) est détenue.

2. Par dérogation au paragraphe 1, les États membres ont la faculté:

– par voie d’accord bilatéral, de remplacer le critère de participation dans le capital par celui de détention des droits de vote,

– de ne pas appliquer la présente directive à celles de leurs sociétés qui ne conservent pas, pendant une période ininterrompue d’au moins deux ans, une participation donnant droit à la qualité de société mère, ni aux sociétés dans lesquelles une société d’un autre État membre ne conserve pas, pendant une période ininterrompue d’au moins deux ans, une telle participation.»

6. Puisque l’article 3, paragraphe 1, sous a), définit la notion de société mère par référence à, au moins, toute société au sens de l’article 2 détenant une participation minimale de 25 %, il est évident que les États membres ont le choix d’instituer une définition plus large de manière à y inclure, par exemple, des sociétés détenant une participation minimale d’un pourcentage inférieur. Le pourcentage minimum de participation visé à l’article 3, paragraphe 1, sous a), a, en outre, été abaissé à 20 % avec effet au 2 février 2004 et à 15 % avec effet au 1er janvier 2007, et sera ramené à 10 % à compter du 1er janvier 2009 (5).

7. L’article 1er, paragraphe 2, prescrit que la directive ne fait pas obstacle à l’application de dispositions nationales ou conventionnelles nécessaires afin d’éviter les fraudes et abus.

Droit belge applicable

Transposition de la directive sociétés mères et filiales

8. L’ordonnance de renvoi n’esquisse la législation nationale applicable en l’espèce que dans ses grands traits. En se basant sur le peu d’informations qu’elle contient, complétées par les explications, d’une plus grande utilité, fournies par la société Les Vergers du Vieux Tauves SA (ci-après la «requérante») et par le gouvernement belge dans leurs observations écrites, il semble que la situation peut être décrite de la manière suivante.

9. La Belgique a opté pour la méthode d’exemption prévue à l’article 4, paragraphe 1, premier tiret, de la directive. En résumé, au titre de la législation applicable (6), les dividendes versés par des filiales au sens de la directive sont, dans un premier temps, inclus dans la base imposable de la société mère puis, par la suite, en sont déduits à hauteur de 95 % (7) dans la mesure où il existe des bénéfices imposables auprès de la société mère (8).

10. L’article 202 du code des impôts sur les revenus (ci-après l’«article 202») (9), dans la version applicable à l’époque concernée et en ce qu’il est pertinent pour l’espèce, disposait:

«1. Des bénéfices de la période imposable sont également déduits, dans la mesure où ils s’y retrouvent:

1 Les dividendes […]

[…]

2. Les revenus visés au paragraphe 1, 1° […] ne sont déductibles que pour autant qu’à la date d’attribution ou de mise en paiement de ceux-ci, la société qui en bénéficie détienne dans le capital de la société qui les distribue une participation de 5 % au moins […]»

11. Le code de 1992 a remplacé le code de 1964 (10). L’article 202 reproduit partiellement l’article 111 du code de 1964 dans sa version modifiée par la loi du 23 octobre 1991 portant transposition de la directive (ci-après la «loi de transposition») (11). Parmi les modifications apportées au code de 1964 par la loi de transposition figure l’abrogation de la disposition expresse antérieure qui exigeait une détention en pleine propriété pour que la société bénéficiaire de dividendes puisse se prévaloir du régime fiscal avantageux prévu audit article 111. L’article 202 a par la suite été modifié en vue d’y faire figurer cette disposition expresse (12), cette modification n’étant toutefois entrée en vigueur que postérieurement à l’exercice fiscal en cause dans la présente affaire.

12. Le gouvernement belge a expliqué que la loi de transposition visait à étendre le régime de la directive également à un domaine non couvert par celle-ci, à savoir celui des relations entre sociétés nationales, afin d’éviter que les sociétés belges disposant de filiales en Belgique ne soient discriminées par rapport aux sociétés belges dont les filiales sont établies dans d’autres États membres, en ce qui concerne le traitement des dividendes.

L’usufruit en droit belge

13. La Belgique explique qu’en droit belge, l’usufruit signifie «le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à charge d’en conserver la substance». L’usufruitier ne possède donc que l’usus et le fructus; il n’a pas le droit de disposer de la chose (abusus), droit qui continue d’appartenir au nu-propriétaire (13).

14. Plus spécifiquement, l’usufruit portant sur une action ne confère qu’un droit de jouissance, soit un droit sur les produits de la part sociale et non sur le capital qu’elle représente. L’actionnaire usufruitier ne possède donc pas de droit sur les bénéfices générés par la société, autre que le droit de percevoir les dividendes déclarés. De même, il ne possède aucun droit sur les réserves. Bien que l’actionnaire nu‑propriétaire ne reçoive aucun montant sur ces réserves, celles-ci accroissent toutefois son capital et, en cas de liquidation de la société en état de solvabilité, il percevra une partie des réserves cumulées. En principe, et sans préjudice de ce que disposent les statuts de la société, seul ce nu-propriétaire peut exercer les droits de vote attachés aux actions. Enfin, l’usufruitier ne possède pas de droit de disposition sur ces actions, lequel demeure entre les mains du nu‑propriétaire.

Les faits et la question déferrée

15. L’ordonnance de renvoi est également pour le moins laconique en ce qui concerne le contexte factuel. Les données suivantes ressortent toutefois des observations écrites de la requérante et de celles du gouvernement belge. Ces faits ne semblent pas contestés.

16. En juin 1999, la requérante, une société de droit belge, a acquis des droits d’usufruit sur des titres de la société Narda SA (ci-après «Narda») pour une duré de dix ans. Une autre société, Bepa SA (ci-après «Bepa»), avait acquis la nue‑propriété de ces actions. À l’expiration de cette période de dix années, Bepa détiendra ces titres en pleine propriété. Aucun lien de participation n’existait entre, d’une part, les vendeurs des actions et, d’autre part, la requérante et Bepa. La requérante souhaitait acquérir à court terme les titres de Narda en vue d’une optimalisation de ses ressources financières et d’un élargissement de sa gamme de produits. De son côté, Bepa souhaitait acquérir ces actions à moyen et long terme pour des raisons stratégiques à long terme, économiques et financières, en démultipliant ses filiales.

17. Il s’avère que Narda est une société de droit belge. Ses statuts prévoient que, en cas de démembrement d’une action en usufruit et en nue-propriété, le nu‑propriétaire pourra prendre part aux votes portant uniquement sur les augmentations de capital, ainsi que sur la prolongation et dissolution de la société; dans tous les autres cas, l’usufruitier exercera la totalité des droits de vote.

18. La requérante a voulu, en 2000, 2001 et 2002, déduire de sa base imposable les dividendes reçus de Narda. Les autorités fiscales belges lui ont soumis des avis de rectification portant sur ses déclarations fiscales afférentes à ces exercices d’imposition en lui faisant part de leur intention de taxer les dividendes, au motif que le droit d’usufruit détenu par la requérante ne constituait pas une «participation dans le capital» de Narda. La requérante a effectué une réclamation contre ces rectifications; par décision du 22 janvier 2004...

To continue reading

Request your trial
1 practice notes
  • European Commission v United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 15 July 2010
    ...là même les obligations des États membres afférentes à celle-ci (voir, par analogie, arrêt du 22 décembre 2008, Les Vergers du Vieux Tauves, C‑48/07, Rec. p. I‑10627, point 44). 52 Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient de rejeter le recours de la Commission. Sur les 53 En vertu d......
1 cases
  • European Commission v United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 15 July 2010
    ...là même les obligations des États membres afférentes à celle-ci (voir, par analogie, arrêt du 22 décembre 2008, Les Vergers du Vieux Tauves, C‑48/07, Rec. p. I‑10627, point 44). 52 Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient de rejeter le recours de la Commission. Sur les 53 En vertu d......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT