Opinion of Advocate General Mengozzi delivered on 28 April 2016.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:310
Date28 April 2016
Celex Number62015CC0028
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
CourtCourt of Justice (European Union)
62015CC0028

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 28 avril 2016 ( 1 )

Affaire C‑28/15

Koninklijke KPN NV,

KPN BV,

T-Mobile Netherlands BV,

Vodafone Libertel BV,

Tele2 Nederland BV,

Ziggo BV,

Ziggo Services BV, anciennement UPC Nederland BV,

Ziggo Zakelijk Services BV, anciennement UPC Business BV,

contre

Autoriteit Consument en Markt (ACM)

[demande de décision préjudicielle formée par le College van Beroep voor het bedrijfsleven (cour d’appel du contentieux administratif en matière économique, Pays-Bas)]

«Renvoi préjudiciel — Cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques — Directive 2002/19/CEArticles 8 et 13 — Directive 2002/21/CE — Articles 4, 8 et 19 — Recommandation 2009/396/CE — Portée juridique — Contrôle des prix et obligations relatives au système de comptabilisation des coûts — Tarifs des services de terminaison d’appels fixe et mobile — Obligations imposées par une autorité réglementaire nationale (ARN) à des opérateurs disposant d’une puissance significative sur le marché — Étendue du contrôle juridictionnel sur les appréciations d’ordre économique d’une ARN»

I – Introduction

1.

Saisie d’un recours contre une décision d’une autorité réglementaire nationale (ARN) fixant des plafonds tarifaires pour les services de terminaison d’appels fixe et mobile prestés par des opérateurs identifiés comme disposant d’une puissance significative sur le marché, une juridiction nationale est-elle habilitée, et sur la base de quels types de considérations, à s’écarter d’une recommandation de la Commission européenne appliquée par cette ARN ? Dans l’affirmative, cette juridiction nationale est-elle notamment autorisée à contrôler le caractère proportionné de la mesure tarifaire imposée par l’ARN au regard des objectifs poursuivis par le cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques et peut-elle exiger de l’ARN qu’elle démontre de manière suffisante que la mesure tarifaire en question permet de réaliser effectivement les objectifs poursuivis ?

2.

Tel est, en substance, l’objet des deux questions déférées par le College van Beroep voor het bedrijfsleven (cour d’appel du contentieux administratif en matière économique, Pays-Bas) dans le contexte de l’interprétation de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 8 de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») ( 2 ), telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009 ( 3 ) (ci-après la « directive-cadre »), ainsi que des articles 8 et 13 de la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive « accès ») ( 4 ), telle que modifiée par la directive 2009/140 (ci‑après la « directive “accès” »).

3.

Ces questions sont soulevées dans le cadre d’un litige qui oppose plusieurs opérateurs de télécommunications néerlandais, dont Koninklijke KPN NV, à l’Autoriteit Consument en Markt (ACM) (Autorité des consommateurs et des marchés, Pays-Bas) au sujet de la décision de cette dernière de fixer des plafonds tarifaires pour les services de terminaison d’appels fixe et mobile prestés par lesdits opérateurs, en se fondant sur le modèle de calcul des coûts décrit et préconisé dans la recommandation 2009/396/CE de la Commission, du 7 mai 2009, sur le traitement réglementaire des tarifs de terminaison d’appels fixe et mobile dans l’UE ( 5 ).

II – Cadre juridique

A – Droit de l’Union

1. Directive-cadre

4.

L’article 4 de la directive-cadre, intitulé « Droit de recours », énonce :

« 1. Les États membres veillent à ce que des mécanismes efficaces permettent, au niveau national, à tout utilisateur ou à toute entreprise qui fournit des réseaux et/ou des services de communications électroniques, et qui est affecté(e) par une décision prise par une [ARN], d’introduire un recours auprès d’un organisme indépendant des parties intéressées. Cet organisme, qui peut être un tribunal, dispose des compétences appropriées pour être à même d’exercer ses fonctions efficacement. Les États membres veillent à ce que le fond de l’affaire soit dûment pris en considération et à ce qu’il existe un mécanisme de recours efficace.

[...] »

5.

L’article 7 de la directive-cadre prévoit ce qui suit :

« […]

3. […] dans les cas où une [ARN] a l’intention de prendre une mesure qui :

a)

relève de l’article 15 ou 16 de la présente directive, ou de l’article 5 ou 8 de la [directive “accès”] ; et

b)

aurait des incidences sur les échanges entre les États membres,

elle met à disposition de la Commission, de l’[Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE)] ( 6 ) et des [ARN] des autres États membres, simultanément, le projet de mesure ainsi que les motifs sur lesquels la mesure est fondée […]. Les [ARN], l’ORECE et la Commission ne peuvent adresser des observations à l’[ARN] concernée que dans un délai d’un mois […]

[…]

7. L’[ARN] concernée tient le plus grand compte des observations formulées par les autres ARN, l’ORECE et la Commission […]

[…] »

6.

L’article 8 de la directive-cadre, intitulé « Objectifs généraux et principes réglementaires », dispose :

« 1. Les États membres veillent, dans l’accomplissement des tâches de réglementation spécifiées dans la présente directive ainsi que dans les directives particulières, à ce que les [ARN] prennent toutes les mesures raisonnables visant à la réalisation des objectifs définis aux paragraphes 2, 3 et 4. Ces mesures sont proportionnées à ces objectifs.

[...]

2. Les [ARN] promeuvent la concurrence dans la fourniture des réseaux de communications électroniques, des services de communications électroniques et des ressources et services associés, notamment :

a)

en veillant à ce que les utilisateurs […] retirent un bénéfice maximal en termes de choix, de prix et de qualité ;

b)

en veillant à ce que la concurrence ne soit pas faussée ni entravée dans le secteur des communications électroniques […] ;

[…]

3. Les [ARN] contribuent au développement du marché intérieur, notamment :

[…]

d)

en coopérant entre elles ainsi qu’avec la Commission et l’ORECE, afin d’assurer le développement de pratiques réglementaires cohérentes et l’application cohérente de la présente directive et des directives particulières ( 7 ).

4. Les [ARN] soutiennent les intérêts des citoyens de l’Union européenne […] »

7.

L’article 16 de cette directive, intitulé « Procédure d’analyse de marché », prévoit ce qui suit :

« [...]

2. Lorsque, conformément [...] à l’article 8 de la [directive “accès”], l’[ARN] est tenue de se prononcer sur l’imposition, le maintien, la modification ou la suppression d’obligations à la charge des entreprises, elle détermine, sur la base de son analyse de marché visée au paragraphe 1 du présent article, si un marché pertinent est effectivement concurrentiel.

3. Lorsqu’une [ARN] conclut que le marché est effectivement concurrentiel, elle n’impose ni ne maintient l’une quelconque des obligations réglementaires spécifiques visées au paragraphe 2 […]

4. Lorsqu’une [ARN] détermine qu’un marché pertinent n’est pas effectivement concurrentiel, elle identifie les entreprises qui, individuellement ou conjointement avec d’autres, sont puissantes sur ce marché conformément à l’article 14 ; l’[ARN] impose aussi à ces entreprises les obligations réglementaires spécifiques appropriées visées au paragraphe 2 du présent article ou maintient ou modifie ces obligations si elles sont déjà appliquées.

[…] »

8.

L’article 19 de la directive-cadre, intitulé « Mesures d’harmonisation », énonce :

«1. [...] lorsque la Commission constate que des divergences dans l’accomplissement, par les [ARN], des tâches de réglementation spécifiées dans la présente directive et les directives particulières peuvent faire obstacle au marché intérieur, elle peut, en tenant le plus grand compte de l’avis émis par l’ORECE, publier une recommandation ou une décision sur l’application harmonisée des dispositions de la présente directive et des directives particulières afin de poursuivre les objectifs énoncés à l’article 8.

2. […]

Les États membres veillent à ce que les [ARN] tiennent le plus grand compte de ces recommandations dans l’accomplissement de leurs tâches. Lorsqu’une [ARN] choisit de ne pas suivre une recommandation, elle en informe la Commission en communiquant la motivation de sa position.

[...] »

2. Directive « accès »

9.

L’article 8 de la directive « accès », intitulé « Imposition, modification ou suppression des obligations », prévoit ce qui suit :

« 1. Les États membres veillent à ce que les [ARN] soient habilitées à imposer les obligations visées aux articles 9 à 13 bis.

2. Lorsqu’à la suite d’une analyse du marché effectuée conformément à l’article 16 de la [directive-cadre] un opérateur est désigné comme disposant d’une puissance significative sur un marché donné, les [ARN] lui imposent les obligations énumérées aux articles 9 à 13 de la présente directive, selon le cas.

[…]

4. Les obligations imposées conformément au présent article sont fondées sur la nature du problème constaté, proportionnées et justifiées au regard des objectifs énoncés à l’article 8 de la [directive-cadre]. Ces obligations ne peuvent être imposées qu’après la consultation prévue aux articles 6 et 7 de ladite directive.

[...] »

10.

L’article 13 de la...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT