Stanisław Pieńkowski v Dyrektor Izby Skarbowej w Lublinie.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:658
Date07 September 2017
Celex Number62016CC0307
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-307/16
62016CC0307

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 7 septembre 2017 ( 1 )

Affaire C‑307/16

Stanisław Pieńkowski

contre

Dyrektor Izby Skarbowej w Lublinie

[demande de décision préjudicielle formée par le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne)]

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Exonérations à l’exportation – Réglementation d’un État membre subordonnant le bénéfice de l’exonération soit au fait d’avoir atteint un certain chiffre d’affaires, soit au fait d’avoir conclu un contrat avec un opérateur habilité à effectuer le remboursement de la TVA aux voyageurs – Principes de neutralité fiscale et de proportionnalité »

I. Introduction

1.

Dans la présente affaire, il est demandé à la Cour d’interpréter l’article 146, paragraphe 1, sous b), l’article 147, ainsi que les articles 131 et 273 de la directive 2006/112/CE ( 2 ), dans le cadre d’un litige opposant M. Stanisław Pieńkowski, un vendeur d’équipements de télécommunication, à l’Urzędu Skarbowego w Białej Podlaskiej (administration fiscale de Biała Podlaska, Pologne), à propos de l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur des livraisons de biens expédiés en dehors de l’Union européenne dans les bagages personnels de voyageurs.

2.

Cette affaire sera l’occasion, pour la Cour, de se prononcer sur la question de savoir si la directive TVA s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit, dans le cadre d’une livraison de biens à l’exportation, qu’un assujetti doit avoir atteint un seuil minimal de chiffre d’affaires, lors de l’exercice fiscal précédent, ou avoir conclu un contrat avec un opérateur habilité à procéder aux remboursements de la TVA aux voyageurs, pour donner lieu à exonération. Ce sera également l’occasion, pour la Cour, d’interpréter, pour la première fois, les dispositions de l’article 147 de la directive TVA et de fournir des indications quant à l’application du principe de proportionnalité, dans un cas de figure inédit, même si la jurisprudence existante nous livre déjà d’importants repères soulignés, à juste titre, par le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne) dans sa décision de renvoi.

3.

À l’issue de notre analyse, nous proposerons à la Cour de dire pour droit que les dispositions de l’article 146, paragraphe 1, sous b), de l’article 147, ainsi que des articles 131 et 273 de la directive TVA, ainsi que le principe de neutralité fiscale, s’opposent à une législation nationale telle que celle en cause au principal.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

4.

Les considérants 5, 35 et 49 de la directive TVA se lisent comme suit :

« (5)

Un système de TVA atteint la plus grande simplicité et la plus grande neutralité lorsque la taxe est perçue d’une manière aussi générale que possible et que son champ d’application englobe tous les stades de la production et de la distribution ainsi que le domaine des prestations de services. Il est, par conséquent, dans l’intérêt du marché intérieur et des États membres d’adopter un système commun dont l’application s’étende également au commerce de détail.

[...]

(35)

Il convient d’établir une liste commune d’exonérations en vue d’une perception comparable des ressources propres dans tous les États membres.

[...]

(49)

En ce qui concerne les petites entreprises, il importe de permettre aux États membres de continuer à appliquer leurs régimes particuliers conformément à des dispositions communes et en vue d’une harmonisation plus poussée. »

5.

L’article 131 de cette directive dispose :

« Les exonérations prévues aux chapitres 2 à 9 s’appliquent sans préjudice d’autres dispositions communautaires et dans les conditions que les États membres fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple desdites exonérations et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels. »

6.

L’article 146, paragraphe 1, de ladite directive se lit comme suit :

« 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes :

[...]

b)

les livraisons de biens expédiés ou transportés par l’acquéreur non établi sur leur territoire respectif, ou pour son compte, en dehors de la Communauté, à l’exclusion des biens transportés par l’acquéreur lui-même et destinés à l’équipement ou à l’avitaillement de bateaux de plaisance et d’avions de tourisme ou de tout autre moyen de transport à usage privé [...] »

7.

L’article 147 de la directive TVA prévoit :

« 1. Dans le cas où la livraison visée à l’article 146, paragraphe 1, point b), porte sur des biens à emporter dans les bagages personnels de voyageurs, l’exonération ne s’applique que lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a)

le voyageur n’est pas établi dans la Communauté ;

b)

les biens sont transportés en dehors de la Communauté avant la fin du troisième mois suivant celui au cours duquel la livraison est effectuée ;

c)

la valeur globale de la livraison, TVA incluse, excède la somme de 175 EUR ou sa contre-valeur en monnaie nationale, fixée une fois par an, en appliquant le taux de conversion du premier jour ouvrable du mois d’octobre avec effet au 1er janvier de l’année suivante.

Toutefois, les États membres peuvent exonérer une livraison dont la valeur globale est inférieure au montant prévu au premier alinéa, point c).

2. Aux fins du paragraphe 1, on entend par “voyageur qui n’est pas établi dans la Communauté” le voyageur dont le domicile ou la résidence habituelle n’est pas situé dans la Communauté. Dans ce cas on entend par “domicile ou résidence habituelle” le lieu mentionné comme tel sur le passeport, la carte d’identité ou tout autre document reconnu comme valant pièce d’identité par l’État membre sur le territoire duquel la livraison est effectuée. »

8.

L’article 273 de cette directive se lit comme suit :

« Les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, sous réserve du respect de l’égalité de traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre États membres par des assujettis, et à condition que ces obligations ne donnent pas lieu dans les échanges entre États membres à des formalités liées au passage d’une frontière.

La faculté prévue au premier alinéa ne peut être utilisée pour imposer des obligations de facturation supplémentaires à celles fixées au chapitre 3. »

B. Le droit polonais

9.

L’article 126, paragraphe 1, de l’ustawa o podatku od towarów i usług (loi relative à la taxe sur les biens et les services, dans sa version consolidée, telle que modifiée), du 11 mars 2004 ( 3 ), dispose :

« Les personnes physiques dont le domicile n’est pas situé sur le territoire de l’Union européenne, qualifiées ci-après de “voyageurs”, ont droit au remboursement de la taxe acquittée à l’occasion de l’achat, sur le territoire national, de biens qu’ils ont exportés intacts hors du territoire de l’Union européenne dans leurs bagages personnels, sous réserve des dispositions du paragraphe 3 et des articles 127 et 128. »

10.

L’article 127 de cette loi prévoit :

« 1. Le remboursement de la taxe visé à l’article 126, paragraphe 1, s’applique lorsque les biens ont été achetés auprès de contribuables, qualifiés ci-après de “vendeurs”, qui :

1)

sont immatriculés en tant qu’assujettis à la taxe, et

2)

utilisent des caisses enregistreuses pour enregistrer le chiffre d’affaires et le montant de la taxe due, et

3)

ont conclu des contrats relatifs au remboursement de la taxe avec au moins l’un des opérateurs mentionnés au paragraphe 8.

[...]

5. Le remboursement de la taxe au voyageur est effectué en zlotys [polonais (“PLN”)] par le vendeur ou dans les points de remboursement de TVA par les opérateurs dont l’activité a pour objet le remboursement de la taxe visé à l’article 126, paragraphe 1.

6. Les vendeurs mentionnés au paragraphe 5 peuvent procéder au remboursement visé à l’article 126, paragraphe 1, à condition que leur chiffre d’affaires de l’année fiscale précédente ait été supérieur à 400000 PLN [environ 94531 euros] et qu’ils procèdent au remboursement de la taxe uniquement pour des biens ayant été achetés par un voyageur auprès de ce vendeur. »

III. Les faits à l’origine du litige et la question préjudicielle

11.

M. Pieńkowski, entrepreneur assujetti à la TVA, exerce une activité commerciale de vente d’équipements de télécommunication à des voyageurs résidant hors du territoire des États membres de l’Union. Les biens quittent ainsi le territoire de l’Union une fois qu’ils sont en la possession des acquéreurs.

12.

L’administration fiscale polonaise a, en 2006, informé M. Pieńkowski qu’il répondait à la qualification de « vendeur » au sens de l’article 127, paragraphe 1, de la loi sur la TVA. Cette autorité a, par ailleurs, estimé qu’il ressortait des déclarations de TVA que le chiffre d’affaires net réalisé par cet assujetti s’élevait à 283695 PLN (environ 67045 euros) pour l’année fiscale 2009 et à 238429 PLN (environ 56347 euros) pour l’année fiscale 2010. L’administration fiscale a, en outre, considéré que M. Pieńkowski ne lui avait fourni aucune information quant à la conclusion d’un contrat avec un opérateur habilité à rembourser la TVA, mais avait procédé personnellement, ou par l’intermédiaire d’un employé, aux remboursements de cette taxe aux voyageurs.

13.

Dans ce contexte, l’administration fiscale a estimé que M. Pieńkowski, en raison du montant des chiffres d’affaires réalisés, n’était...

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