Conseils et mise en relations (CMR) SARL v Demeures terre et tradition SARL.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:806
Docket NumberC-645/16
Celex Number62016CC0645
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date25 October 2017
62016CC0645

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 25 octobre 2017 ( 1 )

Affaire C‑645/16

Conseils et mise en relations (CMR) SARL

contre

Demeures terre et tradition SARL

[demande de décision préjudicielle formée par la Cour de cassation (France)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 86/653/CEE – Article 17 – Agents commerciaux indépendants – Droit de l’agent commercial à une indemnité ou à la réparation du préjudice après cessation du contrat d’agence – Pratique nationale excluant le droit à l’indemnité en cas de résiliation du contrat par le commettant au cours de la période d’essai stipulée dans le contrat »

Introduction

1.

La présente demande de décision préjudicielle, introduite par la Cour de cassation (France), porte sur l’interprétation de l’article 17 de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants ( 2 ).

2.

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Conseils et mise en relations (CMR) SARL à Demeures terre et tradition SARL (ci-après « DTT ») au sujet d’une demande, formulée par CMR, de paiement d’une indemnité compensatrice en réparation du préjudice résultant de la cessation du contrat d’agence commerciale la liant à DTT.

3.

La présente affaire porte sur l’applicabilité des dispositions de la directive 86/653, et en particulier de son article 17, dans les situations où les parties à un contrat d’agence commerciale y ont stipulé une période d’essai au cours de laquelle le contrat a été rompu par le commettant. Outre la question de la licéité de la stipulation d’une période d’essai ayant pour effet d’écarter l’application des dispositions de la directive 86/653, et en particulier de son article 17, aux contrats normalement régis par cette directive, cette affaire donnera à la Cour l’occasion de se pencher sur la question plus large de savoir quels aspects du contrat d’agence commerciale sont harmonisés en vertu de cette directive.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

4.

Les deuxième et troisième considérants de la directive 86/653 énoncent :

« considérant que les différences entre les législations nationales en matière de représentation commerciale affectent sensiblement, à l’intérieur de [l’Union européenne], les conditions de concurrence et l’exercice de la profession et portent atteinte au niveau de protection des agents commerciaux dans leurs relations avec leurs commettants, ainsi qu’à la sécurité des opérations commerciales ; que, par ailleurs, ces différences sont de nature à gêner sensiblement l’établissement et le fonctionnement des contrats de représentation commerciale entre un commettant et un agent commercial établis dans des États membres différents ;

considérant que les échanges de marchandises entre États membres doivent s’effectuer dans des conditions analogues à celles d’un marché unique, ce qui impose le rapprochement des systèmes juridiques des États membres dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement de ce marché commun ; que, à cet égard, les règles de conflit de lois, même unifiées, n’éliminent pas, dans le domaine de la représentation commerciale, les inconvénients relevés ci-dessus et ne dispensent dès lors pas de l’harmonisation proposée ».

5.

L’article 1er, paragraphes 1 et 2, de cette directive dispose :

« 1. Les mesures d’harmonisation prescrites par la présente directive s’appliquent aux dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui régissent les relations entre les agents commerciaux et leurs commettants.

2. Aux fins de la présente directive, l’agent commercial est celui qui, en tant qu’intermédiaire indépendant, est chargé de façon permanente, soit de négocier la vente ou l’achat de marchandises pour une autre personne, ci-après dénommée “commettant”, soit de négocier et de conclure ces opérations au nom et pour le compte du commettant. »

6.

Les articles 13 à 20 de la directive 86/653 figurent au chapitre IV de celle-ci, intitulé « Conclusion et fin du contrat d’agence ». L’article 14 de cette directive se lit comme suit :

« Un contrat à durée déterminée qui continue à être exécuté par les deux parties après son terme est réputé transformé en un contrat d’agence à durée indéterminée. »

7.

Aux termes de l’article 15, paragraphes 1 et 2, de la directive 86/653 :

« 1. Lorsque le contrat d’agence est conclu pour une durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant préavis.

2. La durée du préavis est d’un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. Les parties ne peuvent convenir de délais de préavis plus courts. »

8.

L’article 17, paragraphes 1 à 3, de cette directive prévoit :

« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer à l’agent commercial, après cessation du contrat, une indemnité selon le paragraphe 2 ou la réparation du préjudice selon le paragraphe 3.

a)

L’agent commercial a droit à une indemnité si et dans la mesure où :

il a apporté de nouveaux clients au commettant ou développé sensiblement les opérations avec les clients existants et le commettant a encore des avantages substantiels résultant des opérations avec ces clients

et

le paiement de cette indemnité est équitable, compte tenu de toutes les circonstances, notamment des commissions que l’agent commercial perd et qui résultent des opérations avec ces clients. [...]

b)

Le montant de l’indemnité ne peut excéder un chiffre équivalent à une indemnité annuelle calculée à partir de la moyenne annuelle des rémunérations touchées par l’agent commercial au cours des cinq dernières années et, si le contrat remonte à moins de cinq ans, l’indemnité est calculée sur la moyenne de la période.

c)

L’octroi de cette indemnité ne prive pas l’agent commercial de faire valoir des dommages-intérêts.

3. L’agent commercial a droit à la réparation du préjudice que lui cause la cessation de ses relations avec le commettant.

Ce préjudice découle notamment de l’intervention de la cessation dans des conditions :

qui privent l’agent commercial des commissions dont l’exécution normale du contrat lui aurait permis de bénéficier tout en procurant au commettant des avantages substantiels liés à l’activité de l’agent commercial,

et/ou qui n’ont pas permis à l’agent commercial d’amortir les frais et dépenses qu’il a engagés pour l’exécution du contrat sur la recommandation du commettant. »

9.

L’article 18 de la même directive est libellé comme suit :

« L’indemnité ou la réparation visée à l’article 17 n’est pas due :

a)

lorsque le commettant a mis fin au contrat pour un manquement imputable à l’agent commercial et qui justifierait, en vertu de la législation nationale, une cessation du contrat sans délai ;

b)

lorsque l’agent commercial a mis fin au contrat, à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances attribuables au commettant ou par l’âge, l’infirmité ou la maladie de l’agent commercial en raison desquels la poursuite de ses activités ne peut raisonnablement plus être exigée de lui ;

c)

lorsque, selon un accord avec le commettant, l’agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu’il détient en vertu du contrat d’agence. »

10.

Finalement, l’article 19 de cette directive prévoit que « [l]es parties ne peuvent pas, avant l’échéance du contrat, déroger aux dispositions des articles 17 et 18 au détriment de l’agent commercial ».

Le droit français

11.

La République française a transposé l’article 17 de la directive 86/653 dans son droit national en optant pour le régime figurant au paragraphe 3 de ladite disposition.

12.

À cet égard, l’article L134-12 du code de commerce prévoit :

« En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

L’agent commercial perd le droit à réparation s’il n’a pas notifié au mandant, dans un délai d’un an à compter de la cessation du contrat, qu’il entend faire valoir ses droits.

Les ayants droit de l’agent commercial bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l’agent. »

Les faits, la procédure et la question préjudicielle

13.

Le 2 décembre 2011, DTT, en qualité de commettant, a conclu avec CMR un contrat d’agence commerciale relatif à la vente de maisons individuelles. Ce contrat prévoyait une période d’essai de douze mois, à l’issue de laquelle il serait réputé à durée indéterminée, avec la faculté pour chaque partie de le résilier au cours de cette période d’essai, moyennant un préavis de quinze jours le premier mois, puis d’un mois au-delà. Le contrat d’agence commerciale fixait pour objectif la réalisation de 25 ventes par an.

14.

Par lettre du 12 juin 2012, DTT a notifié à CMR sa décision de mettre un terme au contrat en cause, à l’issue du délai de préavis contractuel d’un mois. Cette décision était motivée par le non-respect de l’objectif fixé par ledit contrat, CMR n’ayant réalisé qu’une vente en cinq mois.

15.

Par acte du 20 mars 2013, CMR a assigné DTT devant le tribunal de commerce d’Orléans (France) en paiement, notamment, d’une indemnité compensatrice en réparation du préjudice résultant de la cessation du contrat d’agence commerciale. Par jugement du 30 janvier 2014, cette...

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