United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland v Council of the European Union.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2114
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-81/13
Date17 July 2014
Celex Number62013CC0081
Procedure TypeRecurso de anulación - infundado
62013CC0081

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 17 juillet 2014 ( 1 )

Affaire C‑81/13

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

contre

Conseil de l’Union européenne

«Relations extérieures — Accord d’association CEE-Turquie — Coordination des systèmes de sécurité sociale — Projet de décision du Conseil d’association CEE‑Turquie sur le modèle du système du règlement (CE) no 883/2004 — Décision 2012/776/UE du Conseil relative à la position à adopter, au nom de l’Union européenne, au sein du Conseil d’association — Choix de la base juridique matérielle appropriée — Article 48 TFUE, article 79, paragraphe 2, sous b), TFUE, article 216, paragraphe 1, TFUE, ou article 217 TFUE»

I – Introduction

1.

Le présent recours sonne le début d’un nouveau round dans la bataille acharnée que se livrent le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et le Conseil de l’Union européenne sur le point de savoir quelle est la base juridique qu’il convient de retenir lorsque l’Union européenne, dans le cadre d’une association avec un pays tiers, souhaite participer à l’adoption de dispositions en matière de droit social qui sont censées bénéficier non seulement aux ressortissants de ce pays tiers, mais aussi à des citoyens de l’Union.

2.

Comme c’était le cas dans les affaires Royaume-Uni/Conseil (C‑431/11, EU:C:2013:589, et C‑656/11, EU:C:2014:97), le Conseil a l’intention d’introduire vis-à-vis de la République de Turquie, sur proposition de la Commission européenne, certaines dispositions sur la coordination des systèmes de sécurité sociale qui s’inspirent de réglementations de l’Union en vigueur. À cette fin, le Conseil a en amont, par la décision 2012/776/UE ( 2 ), arrêté la position qui doit être défendue par l’Union au sein du Conseil d’association CEE-Turquie en s’appuyant sur les dispositions relatives à la libre circulation des travailleurs dans le marché intérieur européen, et plus précisément sur l’article 48 TFUE.

3.

Le Royaume-Uni attaque cette décision devant la Cour. À la différence du Conseil et de la Commission, le Royaume-Uni, appuyé par l’Irlande, estime qu’il y a lieu de se fonder non sur les dispositions relatives à la libre circulation des travailleurs de l’article 48 TFUE, mais sur celles relatives aux droits des ressortissants de pays tiers dans le cadre de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, c’est-à-dire sur l’article 79, paragraphe 2, sous b), TFUE.

4.

La délimitation entre l’article 48 TFUE et l’article 79, paragraphe 2, sous b), TFUE, ainsi que le rapport de ces deux dispositions avec la compétence générale en matière d’association de l’article 217 TFUE et de l’article 216, paragraphe 1, TFUE, sont loin d’être des questions purement techniques, tant il est vrai qu’elles présentent une importance pratique considérable, notamment au regard du Royaume-Uni et de l’Irlande qui disposent dans le cadre de l’article 79, paragraphe 2, sous b), TFUE de certains droits particuliers (option de participation dite «opt-in»).

5.

La Cour a récemment décidé, par des arrêts du 26 septembre 2013 ( 3 ) et du 27 février 2014 ( 4 ), que l’article 48 TFUE était la base juridique appropriée pour l’extension à l’Espace économique européen (EEE) (affaire C‑431/11, EU:C:2013:589) et à la Confédération suisse (affaire C‑656/11, EU:C:2014:97) des dispositions de droit social en vigueur au niveau de l’Union. Ces deux arrêts, ainsi que nos conclusions dans l’affaire C‑431/11 ( 5 ), ont été débattus de façon controversée entre les parties à la présente procédure. Il conviendra, compte tenu des arguments qui ont été échangés, de se pencher sur le point de savoir si la solution qui a été trouvée dans le cas de l’EEE et de la Confédération suisse peut être transposée dans le cadre de l’association avec la République de Turquie.

II – Cadre juridique

6.

Le cadre juridique de cette affaire est tracé, d’une part, par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après le «traité FUE») et, d’autre part, par l’accord d’association CEE-Turquie (ci-après l’«accord d’association») ainsi que par les protocoles qui accompagnent ces textes.

A – Le traité FUE

7.

Il convient de mentionner en premier lieu, parmi les dispositions relatives aux accords internationaux de l’Union figurant à la cinquième partie, titre V, du traité FUE, l’article 218, paragraphe 9, TFUE:

«Le Conseil, sur proposition de la Commission ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, adopte une décision sur la suspension de l’application d’un accord et établissant les positions à prendre au nom de l’Union dans une instance créée par un accord, lorsque cette instance est appelée à adopter des actes ayant des effets juridiques, à l’exception des actes complétant ou modifiant le cadre institutionnel de l’accord.»

8.

Au même titre du traité FUE figure également l’article 216, paragraphe 1, TFUE, qui est libellé dans les termes suivants:

«L’Union peut conclure un accord avec un ou plusieurs pays tiers ou organisations internationales lorsque les traités le prévoient ou lorsque la conclusion d’un accord soit est nécessaire pour réaliser, dans le cadre des politiques de l’Union, l’un des objectifs visés par les traités, soit est prévue dans un acte juridique contraignant de l’Union, soit encore est susceptible d’affecter des règles communes ou d’en altérer la portée.»

9.

Les bases juridiques pour l’action extérieure de l’Union comprennent en outre une compétence d’association qui est prévue à l’article 217 TFUE (ex-article 238 du traité CEE):

«L’Union peut conclure avec un ou plusieurs pays tiers ou organisations internationales des accords créant une association caractérisée par des droits et obligations réciproques, des actions en commun et des procédures particulières.»

10.

Les dispositions relatives à la liberté de circulation figurant dans la troisième partie, titre IV, du traité FUE incluent l’article 48 TFUE (ex-article 51 du traité CEE), dont le premier alinéa dispose:

«Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, adoptent, dans le domaine de la sécurité sociale, les mesures nécessaires pour l’établissement de la libre circulation des travailleurs, en instituant notamment un système permettant d’assurer aux travailleurs migrants salariés et non salariés et à leurs ayants droit:

a)

la totalisation, pour l’ouverture et le maintien du droit aux prestations, ainsi que pour le calcul de celles-ci, de toutes périodes prises en considération par les différentes législations nationales;

b)

le paiement des prestations aux personnes résidant sur les territoires des États membres.»

11.

L’article 79 TFUE, qui fait partie des dispositions relatives à l’«espace de liberté, de sécurité et de justice» contenues dans la troisième partie, titre V, du traité FUE, inclut notamment les dispositions suivantes:

«1. L’Union développe une politique commune de l’immigration visant à assurer, à tous les stades, une gestion efficace des flux migratoires, un traitement équitable des ressortissants de pays tiers en séjour régulier dans les États membres, ainsi qu’une prévention de l’immigration illégale et de la traite des êtres humains et une lutte renforcée contre celles-ci.

2. Aux fins du paragraphe 1, le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, adoptent les mesures portant sur:

[…]

b)

la définition des droits des ressortissants des pays tiers en séjour régulier dans un État membre, y compris les conditions régissant la liberté de circulation et de séjour dans les autres États membres;

[…]»

Le protocole no 21 du traité UE et du traité FUE

12.

Le traité UE et le traité FUE sont complétés par un protocole sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (protocole no 21). En ce qui concerne le Royaume-Uni, ce protocole s’applique à la totalité de l’espace de liberté, de sécurité et de justice; pour l’Irlande, l’article 75 TFUE est exclu du champ d’application de ce protocole (voir l’article 9 du protocole no 21).

13.

D’après les articles 1er, premier alinéa, première phrase, et 3 du protocole no 21, le Royaume-Uni et l’Irlande «ne participent pas à l’adoption par le Conseil des mesures» proposées relevant de la troisième partie, titre V, du traité FUE, à moins d’avoir notifié par écrit au président du Conseil, dans un délai de trois mois à compter de la présentation au Conseil d’une proposition ou d’une initiative, leur souhait de participer à l’adoption et à l’application de la mesure proposée.

14.

En outre, aux termes de l’article 2 du protocole no 21, «aucune des dispositions de la troisième partie, titre V, [du traité FUE], aucune mesure adoptée en application de ce titre, aucune disposition de tout accord international conclu par l’Union en application de ce titre et aucune décision de la Cour de justice de l’Union européenne interprétant ces dispositions ou mesures, ne lie le Royaume‑Uni ou l’Irlande ou n’est applicable à leur égard»; par ailleurs, «ces dispositions, mesures ou décisions ne portent en rien atteinte aux compétences, aux droits et aux obligations desdits États».

B – L’accord d’association CEE-Turquie

15.

L’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie a été signé le 12 septembre 1963 à Ankara entre la République de Turquie, d’une part, et la CEE ainsi que ses États membres, d’autre part. Le 23 décembre 1963, cet accord a été «conclu [..], approuvé […] et...

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