PAGO International GmbH v Tirolmilch registrierte Genossenschaft mbH.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:274
Date30 April 2009
Celex Number62007CC0301
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-301/07

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme E. Sharpston

présentées le 30 avril 2009 (1)

Affaire C‑301/07

PAGO International GmbH

contre

Tirol Milch registrierte Genossenschaft mbH

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberster Gerichtshof (Autriche)]

«Marques communautaires – ‘renommée dans la Communauté’»





1. L’article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil (ci‑après le «règlement») (2) autorise le titulaire d’une marque communautaire, qui jouit d’une «renommée dans la Communauté», d’interdire l’utilisation de certains signes identiques ou similaires à la marque communautaire pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque communautaire est enregistrée. En l’espèce, l’Oberster Gerichtshof (Autriche) demande, premièrement, si une marque communautaire, qui ne jouit d’une renommée que dans un État membre, jouit d’une «renommée dans la Communauté». Deuxièmement, en cas de réponse négative à cette question, la juridiction de renvoi demande si une marque, qui jouit d’une «renommée» dans un seul État membre, est protégée dans cet État membre en vertu de l’article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement, de sorte qu’une interdiction de contrefaçon limitée à cet État membre peut être prononcée.

Droit communautaire pertinent

2. Le règlement et la première directive 89/104/CEE du Conseil (ci‑après la «directive») (3) ont été conçus comme des mesures destinées à éliminer les obstacles à la libre circulation des marchandises, à la libre prestation des services, et à la concurrence dans le marché intérieur (4). Les deux instruments ont introduit des régimes non pas concurrents (5), mais complémentaires. La Cour a donc eu tendance à interpréter des dispositions parallèles du règlement et de la directive de manière identique (6).

Le règlement

3. L’article 1er du règlement introduit la notion de marque communautaire. Il dispose, en son paragraphe 2, que «la marque communautaire a un caractère unitaire. Elle produit les mêmes effets dans l’ensemble de la Communauté […] son usage ne peut être interdit, que pour l’ensemble de la Communauté».

4. L’article 9, paragraphe 1, est libellé comme suit:

«La marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires:

a) d’un signe identique à la marque communautaire pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée;

b) d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque communautaire et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque communautaire et le signe, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque;

c) d’un signe identique ou similaire à la marque communautaire pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque communautaire est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans la Communauté et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque communautaire ou leur porte préjudice.»

La directive

5. La directive vise à rapprocher les «dispositions nationales [en matière de marques] ayant l’incidence la plus directe sur le fonctionnement du marché intérieur» (7).

6. L’article 5, paragraphe 2, de la directive, qui reprend en substance l’article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement, est ainsi libellé:

«Tout État membre peut également prescrire que le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique ou similaire à la marque pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires [(8)] à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’État membre et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice.»

Faits et procédure au principal

7. PAGO International GmbH (ci-après «Pago») est titulaire d’une marque communautaire, relative notamment à des boissons de fruits et à des jus de fruits. Les éléments essentiels de la marque Pago consistent dans la représentation d’une bouteille en verre de couleur verte (utilisée pendant de nombreuses années par Pago à des fins commerciales) possédant une étiquette et un couvercle caractéristiques à côté d’un verre rempli de boisson de fruit et identifié par des lettres majuscules connues sous le syntagme «PAGO».

8. Tirol Milch registrierte Genossenschaft mbH (ci‑après «Tirol Milch») commercialise en Autriche une boisson aux fruits et au petit lait sous la dénomination «Latella», conditionnée dans des bouteilles en verre dont le design ressemble à plusieurs égards (forme, couleur, étiquette, couvercle) à celle qui est reproduite dans la marque communautaire de Pago. Dans la publicité pour sa boisson, Tirol Milch utilise une reproduction qui, comme la marque communautaire de Pago, montre une bouteille à côté d’un verre plein.

9. Il est constant qu’il n’existe aucun risque de confusion puisque les étiquettes de bouteille utilisées par Pago et Tirol Milch indiquent respectivement les noms «Pago» et «Latella» et que ceux-ci sont très connus en Autriche. Il ressort du résumé des faits exposés dans l’ordonnance de renvoi que les parties au litige au principal ont considéré que les conditions de l’article 9, paragraphe 1, sous c), étaient remplies dans la mesure où, tout d’abord, le signe litigieux était similaire ou identique à celui sur lequel Pago est titulaire de la marque communautaire et, ensuite, que la boisson commercialisée par Tirol Milch n’était pas considérée comme similaire à celle commercialisée par Pago.

10. Pago a demandé au Handelsgericht Wien de prononcer une injonction à l’encontre de Tirol Milch en vue d’interdire à cette dernière de contrefaire sa marque par le fait a) de promouvoir, proposer, commercialiser ou utiliser d’une quelconque autre manière sa boisson dans les bouteilles litigieuses et b) d’en faire la publicité en utilisant une reproduction des bouteilles avec un verre plein. Le tribunal saisi a prononcé l’injonction en question, mais sa décision a été annulée par le Landesgericht Wien. Pago a formé un pourvoi devant l’Oberster Gerichtshof.

11. L’Oberster Gerichtshof considère que la question visant à déterminer si la marque communautaire dont Pago est titulaire a été contrefaite doit être appréciée uniquement au regard du règlement. Or, étant donné que la marque détenue par Pago est très connue en Autriche, mais pas nécessairement dans d’autres États membres, l’Oberster Gerichtshof estime avoir besoin d’éclaircissements quant à la manière dont il conviendrait d’interpréter le membre de phrase ‘jouit d’une renommée dans la Communauté’, figurant à l’article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement. Il a donc déféré à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Une marque communautaire est-elle protégée dans toute la Communauté en tant que ‘marque jouissant d’une renommée’ au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement, lorsqu’elle ne jouit d’une ‘renommée’ que dans un État membre?

2) En cas de réponse négative à la première question: une marque ne jouissant d’une ‘renommée’ que dans un État membre est-elle protégée dans cet État membre en vertu de l’article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement, de sorte qu’une interdiction limitée à cet État membre peut être prononcée?»

12. Pago, Tirol Milch et la Commission des Communautés européennes ont déposé des observations écrites et étaient représentées à l’audience.

Première question

Observations préliminaires

13. La première question est posée d’une manière qui suggère qu’il y soit répondu soit par «oui» soit par «non», étant entendu que, quelle que soit la réponse apportée, celle-ci trouvera à s’appliquer à l’identique dans tous les cas où la marque en cause ne jouit d’une renommée que dans un État membre. J’estime qu’il y a lieu de suivre une approche plus souple.

14. Pago déclare qu’il conviendrait de répondre à la première question par l’affirmative. Tirol Milch estime qu’il devrait y être répondu par la négative. La Commission défend une approche plus nuancée, mais conclut que, dans des cas exceptionnels, une marque renommée dans seulement un État membre pourrait tomber dans le champ d’application de l’article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement.

15. Les trois parties sont d’accord pour faire de l’arrêt General Motors (9) le point de départ de l’analyse.

L’arrêt General Motors

16. Dans l’arrêt General Motors, précité, la Cour a interprété l’article 5, paragraphe 2, de la directive [disposition parallèle à l’article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement]. La question visait à déterminer si une marque jouissait d’une «renommée dans un État membre», l’État membre en question étant constitué des trois pays du Benelux, considérés comme un seul territoire pour les besoins du droit des marques.

17. Tant l’article 5, paragraphe 2, de la directive que l’article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement énoncent deux critères auxquels tient la «condition de renommée», et qu’une marque doit cumulativement satisfaire avant de pouvoir bénéficier d’une protection. Premièrement, la marque doit jouir d’une renommée (10). Deuxièmement, cette renommée doit exister dans une zone géographique spécifique (11). Dans l’arrêt General Motors, précité, la Cour a analysé ces conditions de la manière suivante. Premièrement, le public parmi lequel la marque antérieure doit avoir acquis une renommée peut être soit le grand public, soit un public plus spécialisé (12). Deuxièmement, on ne saurait déduire de la législation que la marque doit être connue d’un...

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