Herbert Schwarz and Marga Gootjes-Schwarz v Finanzamt Bergisch Gladbach.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:596
Docket NumberC-76/05
Celex Number62005CC0076
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date21 September 2006

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Christine Stix-Hackl

présentées le 21 septembre 2006 (1)

Affaire C-76/05

Herbert Schwarz

et

Marga Gootjes-Schwarz

contre

Finanzamt Bergisch Gladbach

[demande de décision préjudicielle introduite par le Finanzgericht Köln (Allemagne)]

et

Affaire C-318/05

Commission des Communautés européennes

contre

République fédérale d’Allemagne

«Libre prestation des services – Libre circulation – Liberté d’établissement – Droit fiscal – Impôt sur le revenu – Frais de scolarité – Droit à déduction limité aux frais engagés dans des établissements privés nationaux – Rapports avec la politique des États membres en matière d’éducation»






Table des matières


I – Introduction

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

B – Le droit national

1. L’impôt sur le revenu

2. La loi fondamentale

III – La question préjudicielle (affaire C-76/05)

A – Les faits de l’affaire et la procédure au principal

B – Les arguments principaux présentés par les parties

C – Analyse

1. Remarques introductives relatives à l’approche suivie

2. La libre prestation de services telle que prévue aux articles 49 CE et suivants

a) Champ d’application

b) Sur le caractère discriminatoire de l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG

i) La pertinence de l’interdiction inscrite dans la loi fondamentale, à savoir qu’il ne doit pas y avoir de ségrégation des élèves fondée sur la fortune de leurs parents

ii) La comparabilité des établissements d’enseignement privés en Allemagne et à l’étranger

c) Justification

d) Conclusion

IV – Le recours en manquement (affaire C-318/05)

A – La procédure précontentieuse et le déroulement du litige

B – Les arguments principaux présentés par les parties

C – Appréciation

1. La prétendue violation de la libre prestation de services

2. La prétendue violation de la libre circulation des travailleurs et de la liberté d’établissement (articles 39 CE et 43 CE)

3. La prétendue violation du principe général de libre circulation (article 18, paragraphe 1, CE combiné à l’article 12, premier alinéa, CE)

a) Champ d’application

b) Discrimination

c) Justification

d) Conclusion

4. Dépens

V – Conclusion


I – Introduction

1. La présente demande de décision préjudicielle ainsi que le recours en manquement portent tous deux sur la question de savoir si – indépendamment de la compétence de principe des États membres en matière de politique de l’éducation – le droit communautaire s’oppose à une règle du droit fiscal national en application de laquelle le versement de frais de scolarité à certaines écoles de l’État membre en cause est pris en compte sous la forme d’un abattement fiscal pour charges spéciales, mais non les versements à des écoles sur le territoire de la Communauté.

2. Les questions qu’il convient d’analyser en l’espèce se situent par conséquent au croisement entre impôts directs et politique de l’éducation. Selon l’état actuel du droit communautaire, ces deux domaines relèvent de la compétence des États membres. Comme cela résulte de l’article 149, paragraphe 1, CE, c’est aux États membres qu’il incombe d’organiser leur système éducatif et d’en définir le contenu. Il appartient également aux États membres d’organiser et de concevoir leur régime fiscal (2).

3. Cependant, selon la jurisprudence constante de la Cour, les États membres doivent exercer leurs compétences dans le domaine de la fiscalité directe dans le respect du droit communautaire (3), – même là où un pouvoir normatif fait défaut à la Communauté. Ce défaut de compétences de la Communauté dans le domaine de l’éducation ne signifie pas que toute décision des États membres dans ce domaine échappe en principe à un contrôle de sa compatibilité avec le droit communautaire (4). Dans un marché intérieur caractérisé «par l’abolition, entre les États membres, des obstacles à la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux» (5), il n’est en effet en principe plus loisible aux États membres de méconnaître les contraintes résultant du droit communautaire pour la définition et l’application de leurs politiques nationales.

4. Par conséquent, pour autant qu’il puisse être fait application des libertés fondamentales du traité CE, les présentes affaires pourraient présenter un conflit entre une politique nationale en matière d’éducation qui fixe, entre autres, les critères d’éligibilité au bénéfice d’un abattement fiscal pour les établissements d’enseignement et l’exercice – par exemple, lors de la fréquentation d’une école à l’étranger – des droits résultant des libertés fondamentales précitées. La question qui se pose par conséquent est celle de savoir dans quelle mesure il est possible de maintenir un équilibre entre le respect des compétences nationales et les exigences du marché intérieur.

5. Dans le cadre de l’examen qui suit, il faut donc, en tout état de cause, prendre en considération le respect particulier dû aux compétences des États membres en matière fiscale et de politique de l’éducation (6).

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

6. Le Finanzgericht Köln demande l’interprétation des articles 18 CE, 39 CE, 43 CE et 49 CE. Dans le cadre de la procédure en manquement, la Commission des Communautés européennes demande qu’il soit constaté que la République fédérale d’Allemagne a précisément enfreint les articles précités.

B – Le droit national

1. L’impôt sur le revenu

7. L’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’Einkommensteuergesetz (7) (loi allemande relative à l’impôt sur le revenu, ci-après l’«EStG») dispose que:

«Les charges spéciales correspondent aux dépenses suivantes, dès lors qu’il ne s’agit ni de charges d’exploitation ni de charges professionnelles:

30 % du prix net acquitté par le contribuable pour un enfant pour lequel il bénéficie d’un abattement pour enfants à charge ou d’allocations familiales pour la fréquentation d’une école privée agréée par l’État ou autorisée par le droit du Land, en application de l’article 7, paragraphe 4, du Grundgesetz ou d’un autre type d’écoles autorisées par le droit du Land applicable ou d’une école complémentaire d’enseignement général reconnue en vertu du droit du Land, à l’exception du prix de l’hébergement, de la surveillance et des repas.»

2. La loi fondamentale

8. L’article 7, paragraphe 4, de la loi fondamentale allemande (8) (ci‑après la «loi fondamentale») dispose que:

4. «Le droit de fonder des écoles privées est garanti. Les écoles privées qui se substituent aux écoles publiques doivent être agréées par l’État et sont soumises aux lois des Länder. L’agrément doit être délivré lorsque les écoles privées ne sont pas d’un niveau inférieur aux écoles publiques quant à leurs programmes, leurs installations et la formation scientifique de leur personnel enseignant, ni ne favorisent une ségrégation des élèves fondée sur la fortune des parents. L’agrément doit être refusé si la situation économique et juridique du personnel enseignant n’est pas suffisamment assurée.»

III – La question préjudicielle (affaire C-76/05)

A – Les faits de l’affaire et la procédure au principal

9. Les époux Herbert Schwarz et Marga Gootjes-Schwarz ont été assujettis ensemble à l’impôt sur le revenu pour les années 1998 et 1999. Ils ont trois enfants communs dont deux filles, Lydia (née en 1981) et Lilian, (née en 1986), qui fréquentaient la Cademuir International School en Écosse.

10. Les époux Schwarz n’ayant au départ pas introduit de déclarations fiscales, les autorités compétentes ont procédé à une fixation forfaitaire de l’assiette d’imposition. Les époux ont introduit dans les délais une réclamation contre les avis d’imposition forfaitaire.

11. Au cours de la procédure, ils ont fait valoir dans les déclarations de revenus qu’ils ont produites des charges spéciales d’un montant, respectivement, de 43 426,78 DEM pour l’année 1998 et de 64 549,79 DEM pour l’année 1999. Sur ces sommes, 33 867, 79 DM et 27 415, 62 DM correspondaient, respectivement en 1998 et en 1999, aux frais de scolarité liés notamment à la fréquentation de la Cademuir International School par les deux filles.

12. Selon les indications fournies par la juridiction de renvoi, les époux Schwarz n’ont jusqu’à présent pas prouvé le montant des frais de scolarité inclus dans cette somme et ne correspondant pas à l’hébergement, à la surveillance ou aux repas, mais ceux-ci s’élevaient à au moins 10 000 DM par an.

13. Dans le cadre de la procédure de réclamation, le Finanzamt Bergisch-Gladbach a émis, le 13 septembre 2001, des avis d’imposition modifiés pour les années litigieuses, par lesquels il a pris en considération l’assiette d’imposition déclarée par les demandeurs, à l’exception des charges spéciales qu’ils avaient fait valoir. Les demandeurs au principal ayant maintenu leurs objections, le Finanzamt Gladbach les a rejetées comme non fondées par décision du 6 décembre 2001.

14. C’est à la suite de cette dernière décision que les époux Schwarz ont introduit un recours devant le Finanzgericht Köln, dans lequel ils concluaient à titre subsidiaire à ce que leur soit accordé l’abattement spécial prévu à l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG.

15. Selon les indications fournies par le Finanzgericht Köln, le recours n’a aucune chance d’être accueilli favorablement en droit national, au motif que l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG ne s’applique qu’à la fréquentation de certaines écoles en Allemagne et non aux frais de scolarité versés à des écoles situées dans d’autres États membres. Il est toutefois possible que, compte tenu de la primauté du droit communautaire, on aboutisse à un autre résultat.

16. Le Finanzgericht Köln a par conséquent sursis à statuer par décision du 27 janvier 2005 et a déféré à la Cour la question suivante:

«Est-il contraire aux articles 8 A/18, (libre circulation) 48/39 (libre circulation des travailleurs) 52/43 (liberté d’établissement) ou 59/49 (libre...

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