ERSTE Bank Hungary Zrt v Attila Sugár.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:424
Docket NumberC-32/14
Celex Number62014CC0032
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date25 June 2015
62014CC0032

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO CRUZ VILLALÓN

présentées le 25 juin 2015 ( 1 )

Affaire C‑32/14

ERSTE Bank Hungary Zrt.

contre

Attila Sugár

[demande de décision préjudicielle formée par la Fővárosi Törvényszék (Hongrie)]

«Protection des consommateurs — Clauses abusives dans les contrats conclus entre les professionnels et les consommateurs — Directive 93/13/CEE — Articles 6 et 7 — Appréciation des clauses abusives des contrats — Moyens adéquats et efficaces pour faire cesser l’utilisation des clauses abusives — Exécution forcée des actes authentiques incorporant un contrat — Apposition de la formule exécutoire par un notaire — Obligations du notaire — Examen d’office des clauses abusives — Contrôle juridictionnel — Principes d’équivalence et d’effectivité»

1.

La directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ( 2 ), impose-t-elle aux notaires, lorsque ces derniers jouent un rôle central dans l’exécution forcée de contrats conclus entre professionnels et consommateurs, des obligations particulières en ce qui concerne le contrôle des clauses contractuelles abusives, analogues à celles qui, en vertu d’une jurisprudence désormais abondante de la Cour, pèsent sur les juridictions nationales?

2.

Tel est, en substance, le problème principal et inédit que soulèvent les deux questions préjudicielles posées à la Cour dans la présente affaire. Cette dernière se distingue en cela des nombreuses affaires qui lui ont été soumises ces dernières années, notamment par des juridictions hongroises ( 3 ) ou espagnoles ( 4 ) appelées à apprécier la compatibilité de la législation nationale avec les exigences découlant des articles 6 et 7 de la directive 93/13, notamment.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

3.

L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose:

«Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.»

4.

L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 prévoit:

«Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.»

B – Le droit national

5.

Les différentes dispositions du droit national pertinentes dans le cadre du litige au principal figurent dans la loi no IV de 1959 portant code civil ( 5 ), dans la loi no LIII de 1952 instituant le code hongrois de procédure civile ( 6 ), dans la loi no III de 1994 relative à l’exécution judiciaire ( 7 ) et, enfin, dans la loi no XLI de 1991 relative aux notaires ( 8 ).

1. Le code civil

6.

L’article 209 du code civil prévoit:

«1) Toute clause énonçant une condition générale d’affaires ou toute clause d’un contrat de consommation n’ayant pas été individuellement négociée est abusive si, au mépris des exigences de bonne foi et d’équité, elle détermine, unilatéralement et sans justification, les droits et obligations des parties découlant du contrat de façon à désavantager le cocontractant de celui qui impose la clause contractuelle en question.

2) Il y a lieu, afin de constater le caractère abusif d’une clause, de prendre en considération toutes les circonstances existant à la date de la conclusion du contrat et qui en ont déterminé la conclusion, ainsi que la nature de la prestation convenue et le lien de la clause en question avec d’autres clauses du contrat ou avec d’autres contrats.

3) Une législation spéciale pourra déterminer les clauses qui seront considérées comme abusives dans les contrats de consommation ou qui devront être considérées comme telles jusqu’à preuve du contraire.»

7.

L’article 209/A du code civil dispose:

«1) La partie lésée peut contester une clause abusive intégrée au contrat en tant que condition générale.

2) Sont nulles les clauses abusives intégrées dans des contrats de consommation en tant que conditions générales ou que le professionnel a rédigées de manière unilatérale, au préalable et sans négociation individuelle. La nullité ne peut être invoquée que dans l’intérêt du consommateur.»

2. Le code de procédure civile

8.

L’article 366 du code de procédure civile dispose:

«Si l’exclusion de l’exécution forcée ou sa limitation n’est pas possible dans le cadre d’une procédure d’exécution judiciaire en application des articles 41 ou 56 de la loi […] [sur] l’exécution judiciaire […], le débiteur qui soulève une exception à l’encontre de l’exécution forcée peut engager à l’encontre de la partie demandant l’exécution forcée une procédure tendant à l’exclusion ou la limitation d’une exécution forcée.»

9.

L’article 369 du code de procédure civile prévoit:

«Une procédure tendant à l’exclusion ou à la limitation de l’exécution forcée ordonnée par un acte authentique revêtu de la formule exécutoire ou par un acte assimilé susceptible d’exécution forcée peut être engagée si:

a)

la créance à recouvrer n’est pas valablement née,

b)

tout ou partie de la créance s’est éteinte,

c)

la partie demandant l’exécution forcée a accordé un délai supplémentaire aux fins de l’exécution et que ledit délai n’est pas encore expiré,

d)

le débiteur souhaite imputer une créance sur sa dette.»

10.

L’article 370 du code de procédure civile dispose:

«La juridiction saisie d’une procédure tendant à l’exclusion ou la limitation de l’exécution forcée peut suspendre l’exécution forcée dans l’affaire.»

3. La loi sur l’exécution judiciaire

11.

La loi sur l’exécution judiciaire prévoit que l’exécution forcée d’une créance peut être ordonnée par une juridiction ou par un notaire. Son article 224/A dispose:

«Lorsqu’il appartient au notaire d’ordonner l’exécution forcée, il convient de faire application des présentes dispositions en les adaptant comme suit:

a)

par ‘juridiction ordonnant l’exécution forcée’ on entend le notaire; par ‘décision rendue par la juridiction ordonnant l’exécution forcée’, on entend la décision adoptée par le notaire; […]»

12.

Conformément à l’article 13 de la loi sur l’exécution judiciaire:

«1) Un acte exécutoire peut être dressé, si la décision à exécuter :

a)

comporte une créance (somme d’argent),

b)

est définitive ou exécutoire par provision, et que

c)

le délai d’exécution est expiré. […]»

13.

L’article 23/C de la loi sur l’exécution judiciaire dispose:

«1) Le notaire qui dresse l’acte appose la formule exécutoire sur l’acte notarié si celui-ci précise:

a)

l’engagement portant sur la prestation et la contre-prestation ou l’engagement unilatéral,

b)

le nom du créancier et celui du débiteur,

c)

l’objet de l’obligation, sa quantité (son montant) et sa cause,

d)

les modalités d’exécution et le délai.

2) Si l’obligation dépend de la survenance d’une condition ou de l’écoulement du temps, le caractère exécutoire requiert de surcroît que l’acte précise la survenance de l’événement ou l’écoulement du temps. […]

5) Il y a lieu à exécution forcée si la créance mentionnée dans l’acte notarié relève d’une voie d’exécution juridictionnelle et si le délai d’exécution est expiré. […]»

14.

Selon l’article 31/E, paragraphe 2, de la loi sur l’exécution judiciaire:

«2) La procédure notariale a, en tant que procédure gracieuse en matière civile, des effets analogues à ceux d’une procédure juridictionnelle. La décision adoptée par le notaire a des effets analogues à ceux d’une décision d’une juridiction locale.»

15.

Les articles 211, paragraphe 2, et 212, paragraphe 1, de la loi sur l’exécution judiciaire disposent:

«Article 211

[…]

2) Si la juridiction appose la formule exécutoire sur l’acte en violation de la loi, la formule exécutoire doit être supprimée. […]»

Article 212

«1) La juridiction ordonnant l’exécution forcée peut ordonner à tout moment le retrait de la copie exécutoire ou la suppression de la formule exécutoire à la demande de toute partie, sur le fondement d’un exploit d’huissier ou de sa propre initiative. […]»

II – Les faits à l’origine du litige au principal

16.

Le 18 décembre 2007, la requérante au principal, l’Erste Bank Hungary Zrt. ( 9 ), et le défendeur au principal, M. Attila Sugár ( 10 ), ont conclu, par acte authentique, un contrat de prêt et un contrat de constitution d’hypothèque par lesquels la première a mis à la disposition du second un prêt d’un montant de 30687 CHF en vue de l’achat d’un appartement.

17.

Le 19 décembre 2007, le débiteur a, sur le fondement de ce contrat, souscrit une reconnaissance de dette par acte notarié, conférant à Erste Bank le droit, d’une part, de résilier le contrat de prêt en cas de manquement du débiteur à ses obligations contractuelles et, d’autre part, de procéder au recouvrement de la dette résultant du contrat, sur la base d’un certificat de liquidation établi par ses soins, en obtenant du notaire qu’il appose la formule exécutoire sur les différents actes.

18.

Le débiteur n’ayant pas exécuté son obligation de paiement, Erste Bank a, d’une part, résilié le contrat et, d’autre part, demandé l’apposition...

To continue reading

Request your trial
1 cases
  • ERSTE Bank Hungary Zrt v Attila Sugár.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 1 Octubre 2015
    ...notario — Examen de oficio de las cláusulas abusivas — Control jurisdiccional — Principios de equivalencia y de efectividad» En el asunto C‑32/14, que tiene por objeto una petición de decisión prejudicial planteada, con arreglo al artículo 267 TFUE, por el Fővárosi Törvényszék (tribunal de ......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT