Opinion of Advocate General Campos Sánchez-Bordona delivered on 19 January 2016.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:23
Date19 January 2016
Celex Number62014CC0532
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
CourtCourt of Justice (European Union)
62014CC0532

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 19 janvier 2016 ( 1 )

Affaires C‑532/14 et C‑533/14

Toorank Productions BV

contre

Staatssecretaris van Financiën

[demande de décision préjudicielle formée par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays‑Bas)]

«Nomenclature combinée — Position tarifaire 2206 et sous-position 2208 70 — Boissons fermentées et autres»

I – Introduction

1.

Les deux litiges portés devant le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays‑Bas) illustrent bien les difficultés que suscite le classement de nouveaux produits dans la nomenclature combinée de l’Union européenne (ci‑après la « NC »). Ces deux affaires concernent des boissons alcooliques obtenues, pour la première, par fermentation et, pour les autres, par l’adjonction de différentes substances à ce premier liquide.

2.

Les questions posées par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) fournissent l’occasion de clarifier une jurisprudence antérieure, peut‑être encore insuffisamment consolidée, qui a permis de classer dans certaines positions de la NC les produits obtenus par distillation de boissons issues de la fermentation.

3.

Étant donné que la NC elle‑même exige que son interprétation soit avant tout fondée sur la teneur de ses propres dispositions, cette jurisprudence pourrait conduire à s’éloigner quelque peu des critères d’interprétation auxquels l’Union est tenue en vertu du droit international. En conséquence, le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) invite la Cour soit à confirmer l’approche développée dans la jurisprudence susmentionnée, soit à la réexaminer, ce qui nécessiterait la définition de nouveaux critères.

II – Le cadre normatif

A – Le droit de l’Union

4.

Par la décision 87/369/CEE ( 2 ), le Conseil de l’Union européenne a approuvé, au nom de la Communauté économique européenne, le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (ci‑après le « SH ») ( 3 ), élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD). Le Conseil a également adopté, le 23 juillet 1987, le règlement (CEE) no 2658/87 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun ( 4 ).

5.

Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de la convention SH, chaque Partie contractante s’engage à ce que ses nomenclatures tarifaire et statistiques soient conformes au SH, à appliquer les règles générales d’interprétation de ce dernier ainsi que toutes les notes de sections, de chapitres et de sous-positions, et à ne pas modifier la portée des sections, des chapitres, des positions ou des sous-positions du SH.

6.

L’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement no 2658/87 dispose que la nomenclature reprend la classification à six chiffres des positions et des sous-positions du SH, tout en y ajoutant un septième et un huitième chiffres pour former des subdivisions qui lui sont propres.

7.

Les règles générales pour l’interprétation de la NC, qui figurent à l’annexe I, première partie, titre premier, point A, dudit règlement, sont identiques à celles du SH et prévoient en particulier ce qui suit :

« Le classement des marchandises dans la [NC] est effectué conformément aux principes ci-après.

1.

Le libellé des titres de sections, de chapitres ou de sous-chapitres est considéré comme n’ayant qu’une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d’après les termes des positions et des notes de sections ou de chapitres […].

[…]

6.

Le classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les règles ci-dessus […]. Aux fins de cette règle, les notes de sections et de chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires. »

8.

En ce qui concerne les produits en cause dans les affaires au principal, la NC consacre sa section IV, entre autres, aux « boissons, liquides alcooliques et vinaigres ». Cette section comporte le chapitre 22, intitulé « Boissons, liquides alcooliques et vinaigres ». Ce chapitre comprend à son tour la position 2206, intitulée « Autres boissons fermentées (cidre, poiré, hydromel, par exemple) » et la position 2208, intitulée « Alcool éthylique non dénaturé d’un titre alcoométrique volumique de moins de 80 % vol ; eaux-de-vie, liqueurs et autres boissons spiritueuses […] ».

9.

Conformément à l’article 9, paragraphe 1, sous a), deuxième tiret, et à l’article 10 du règlement no 2658/87, la Commission européenne élabore les notes explicatives de la NC.

10.

Aux termes de la note explicative de la NC relative à la position 2208 :

« Les eaux-de-vie, liqueurs et autres boissons spiritueuses du no 2208 sont des liquides alcooliques généralement destinés à la consommation humaine et obtenus :

soit directement par distillation […],

soit par simple incorporation d’aromates divers et éventuellement de sucre à de l’alcool de distillation.

[…]

Sont exclues du no 2208 les boissons alcooliques obtenues par fermentation (nos 2203 00 à 2206 00). »

B – Les notes explicatives du système harmonisé

11.

L’OMD élabore, pour sa part, les notes explicatives du SH. La note correspondant à la position 2206 est rédigée dans les termes suivants ( 5 ) :

« Dans cette position sont comprises toutes les boissons fermentées, autres que celles visées aux nos 22.03 à 22.05.

On y range notamment :

1)

Le cidre, boisson alcoolique obtenue par fermentation du jus de pommes.

[…]

Toutes ces boissons […] restent classées ici même si elles ont été additionnées d’alcool ou si leur teneur en alcool a été accrue par une seconde fermentation, pour autant qu’elles conservent le caractère des produits classés dans la présente position.

[…] »

12.

La note explicative du SH correspondant à la position 2208 prévoit ce qui suit :

« La présente position couvre, d’une part, et quel que soit leur degré alcoolique :

[…]

B)

Les liqueurs, qui sont des boissons spiritueuses additionnées de sucre, de miel ou d’autres édulcorants naturels et d’extraits ou d’essences (par exemple, les boissons spiritueuses obtenues soit par distillation, soit par mélange d’alcool éthylique ou de spiritueux distillés, avec un ou plusieurs des produits suivants : fruits, fleurs ou autres parties de plantes, extraits, essences, huiles essentielles ou jus, même concentrés). […]

C)

Toutes autres boissons spiritueuses non comprises dans une autre position quelconque du présent [c]hapitre. »

III – Les faits des affaires au principal et les questions préjudicielles

A – Sur les boissons

13.

Les litiges sont nés du classement tarifaire de plusieurs boissons : a) celle portant le nom commercial Ferm Fruit (que je désignerai ci‑après également par l’expression « boisson de base ») ; et b) d’autres boissons, fabriquées en ajoutant à celle‑ci différentes substances telles que du sucre, des arômes, des colorants, des agents de sapidité, des agents épaississants, des agents conservateurs et même de l’alcool distillé (comme dans le cas du produit appelé Petrikov Creamy Green, qui fait l’objet de l’affaire C‑532/14).

14.

Selon la décision de renvoi dans l’affaire C‑533/14, un litre de la boisson de base (Ferm Fruit) est fabriqué à partir de 275 ml de sirop de sucre, 711 ml d’eau déminéralisée, 10 ml de concentré de pomme et 4 ml de sels minéraux et de vitamines. Le mélange de ces composants est pasteurisé et l’on y ajoute de la levure de vinification. Une fermentation se produit alors, laquelle détermine la teneur en alcool de la boisson, dont le titre alcoométrique volumique est de 16 %. Le liquide obtenu après fermentation est ensuite purifié en appliquant divers procédés de filtrage (ultrafiltration, filtrage à l’aide d’un filtre à Kieselguhr, microfiltration et filtrage à l’aide d’un filtre à charbon) et constitue ainsi la boisson de base finale. La boisson Ferm Fruit ne contient pas d’alcool distillé et a une odeur, une couleur et un goût neutres.

15.

Bien qu’il s’agisse là de son usage principal, la boisson Ferm Fruit n’est pas exclusivement destinée à la fabrication de produits finaux puisqu’elle est propre à la consommation humaine. Il n’est pas contesté que, par le passé, cette boisson a été commercialisée auprès du public.

16.

Parmi les « autres boissons » alcooliques dérivées de Ferm Fruit, il convient d’opérer une distinction entre celle qui contient de l’alcool distillé (Petrikov Creamy Green, qui fait l’objet de l’affaire C‑532/14) et celles qui n’en contiennent pas (le reste des boissons, qui font l’objet de l’affaire C‑533/14).

17.

Ces derniers produits, constitués pour 80 à 90 % de la boisson de base, ont un titre alcoométrique volumique de 14 % ; ils sont fabriqués en ajoutant à ladite boisson les substances énumérées ci‑dessus et, également, dans le cas de l’un d’eux, une base de crème. L’alcool présent dans ces boissons est exclusivement obtenu par la fermentation.

18.

Pour sa part, la boisson Petrikov Creamy Green est fabriquée en mélangeant à Ferm Fruit de l’eau‑de‑vie, du sirop de sucre, du lait écrémé, de la graisse végétale et des arômes. La boisson finale a un titre alcoométrique volumique de 13,4 %. Au moins 51 % de l’alcool présent dans ce produit est issu de la boisson fermentée et les 49 % restants de la distillation.

B – Sur les litiges soumis aux juridictions néerlandaises et les questions préjudicielles correspondantes

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