Opinion of Advocate General Szpunar delivered on 21 September 2016.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:710
Docket NumberC-342/15
Celex Number62015CC0342
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date21 September 2016
62015CC0342

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 21 septembre 2016 ( 1 )

Affaire C‑342/15

Leopoldine Gertraud Piringer

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche)]

«Directive 77/249/CEE — Réglementation d’un État membre exigeant que l’authenticité de la signature d’une demande d’inscription au livre foncier soit attestée par un notaire — Article 56 TFUE — Justification — Bon fonctionnement du système du livre foncier»

1.

Dans la présente demande de décision préjudicielle présentée par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche) dans le cadre d’un pourvoi en Revision formé par Mme Leopoldine Gertraud Piringer, une ressortissante autrichienne, un tribunal de district autrichien a refusé de procéder à l’inscription au livre foncier autrichien d’un projet de vente d’un bien immobilier au motif que l’authenticité de la signature de cette demande avait été attestée non pas par un notaire, mais par un avocat tchèque.

2.

Je propose à la Cour d’affirmer que cette affaire doit être appréciée sous l’angle de la libre prestation des services, consacrée à l’article 56 TFUE. Dans ce contexte, il convient de donner à la juridiction de renvoi des éléments utiles aux fins de l’appréciation de la proportionnalité dans le cadre d’une justification susceptible d’être donnée à une restriction non discriminatoire.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

3.

En vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 77/249/CEE du Conseil, du 22 mars 1977, tendant à faciliter l’exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats ( 2 ) :

« La présente directive s’applique, dans les limites et conditions qu’elle prévoit, aux activités d’avocat exercées en prestation de services.

Nonobstant les dispositions de la présente directive, les États membres peuvent réserver à des catégories déterminées d’avocats l’établissement d’actes authentiques habilitant à administrer les biens de personnes décédées ou portant sur la création ou le transfert de droits réels immobiliers. »

4.

L’article 4 de cette directive dispose :

« 1. Les activités relatives à la représentation et à la défense d’un client en justice ou devant des autorités publiques sont exercées dans chaque État membre d’accueil dans les conditions prévues pour les avocats établis dans cet État, à l’exclusion de toute condition de résidence ou d’inscription à une organisation professionnelle dans ledit État.

[...]

4. Pour l’exercice des activités autres que celles visées au paragraphe 1, l’avocat reste soumis aux conditions et règles professionnelles de l’État membre de provenance sans préjudice du respect des règles, quelle que soit leur source, qui régissent la profession dans l’État membre d’accueil, notamment de celles concernant l’incompatibilité entre l’exercice des activités d’avocat et celui d’autres activités dans cet État [...]. Ces règles ne sont applicables que si elles peuvent être observées par un avocat non établi dans l’État membre d’accueil et dans la mesure où leur observation se justifie objectivement pour assurer, dans cet État, l’exercice correct des activités d’avocat, la dignité de la profession et le respect des incompatibilités. »

5.

Aux termes du considérant 10 de la directive 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise ( 3 ) :

« [...] [L]a présente directive n’affecte en rien les dispositions qui, dans tout État membre, réservent certaines activités à des professions autres que celle d’avocat [...] »

6.

L’article 5, paragraphe 2, de cette directive, intitulé « Domaine d’activité », prévoit ce qui suit :

« Les États membres qui autorisent sur leur territoire une catégorie déterminée d’avocats à établir des actes habilitant à administrer les biens des personnes décédées ou portant sur la création ou le transfert de droits réels immobiliers, qui dans d’autres États membres sont réservés à des professions différentes de celle de l’avocat, peuvent exclure de ces activités l’avocat exerçant sous un titre professionnel d’origine délivré dans un de ces derniers États membres. »

B – Le droit autrichien

7.

L’article 31 du Allgemeines Grundbuchsgesetz (loi fédérale sur le livre foncier), tel que modifié en dernier lieu (BGBl. 87/2015 I ci-après le « GBG »), dispose :

« 1. Il ne peut être procédé à l’inscription au livre foncier [...] que sur la base d’actes authentiques ou d’actes sous seing privé sur lesquels la signature des parties a été authentifiée par un tribunal ou un notaire et, lorsqu’il s’agit de personnes physiques, la mention d’authentification précise également la date de naissance.

[...]

3. L’authentification des actes étrangers est réglementée par des conventions internationales. Les actes authentifiés par l’autorité de représentation autrichienne dans le ressort de laquelle ils ont été établis ou authentifiés ou par l’autorité de représentation nationale de l’État dans lequel ils ont été établis ou authentifiés ne nécessitent pas d’authentification supplémentaire.

[...] »

8.

L’article 53 du GBG prévoit ce qui suit :

« 1. Le propriétaire a le droit d’exiger que soit porté au registre un projet de vente ou de mise en gage, afin que les droits à inscrire à la suite de cette vente ou mise en gage prennent rang à compter de cette demande.

[...]

3. Il n’est toutefois fait droit aux mentions de demandes telles que précitées que si, au regard des inscriptions figurant au livre foncier, le droit à inscrire pourrait être valablement inscrit ou le droit existant valablement radié et si la signature de la demande a été authentifiée par un tribunal ou un notaire. Les dispositions de l’article 31, paragraphes 3 à 5, sont applicables.

[...] »

II – Les faits à l’origine du litige au principal et les questions préjudicielles

9.

Mme Piringer est propriétaire, pour moitié, d’un bien immobilier situé en Autriche.

10.

Le 25 février 2009, elle a signé à České Budějovice (République tchèque) une demande d’inscription au livre foncier autrichien d’un projet de vente de sa quote‑part de ce bien immobilier pour prise de rang. La signature de la demanderesse figurant sur cette demande a été authentifiée par un avocat tchèque qui, conformément à son droit interne, a, à cette fin, apposé une mention précisant notamment la date de naissance de la demanderesse ainsi que les documents présentés par celle-ci afin de prouver son identité. L’avocat signataire y confirme que Mme Piringer a personnellement signé ladite demande devant lui, en un seul exemplaire.

11.

Le 15 juillet 2014, Mme Piringer a introduit cette demande d’inscription auprès du Bezirksgericht Freistadt (tribunal du district de Freistadt, Autriche), tribunal tenant le registre foncier. Celui-ci a rejeté cette demande, par décision du 18 juillet 2014, au motif que la signature de la demanderesse n’avait pas été authentifiée par un tribunal ou un notaire, comme le requiert l’article 53, paragraphe 3, du GBG. En outre, selon ce tribunal, l’authentification de la signature par un avocat tchèque ne relève pas du champ d’application de la convention entre la République d’Autriche et la République socialiste tchécoslovaque sur la coopération judiciaire en matière civile, la reconnaissance des actes publics et la communication de renseignements juridiques, conclue le 10 novembre 1961 (BGBl. no 309/1962), qui est toujours applicable dans les rapports bilatéraux avec la République tchèque [BGBl. no 123/1997 (ci-après la « convention austro-tchèque »)], et, en tout état de cause, ne comporte pas l’empreinte d’un sceau officiel, telle qu’exigée par les articles 21 et 22 de cette même convention.

12.

Par ordonnance du 25 novembre 2015, le Landesgericht Linz (tribunal régional de Linz, Autriche) a confirmé cette décision en considérant notamment que, même si la déclaration attestant la véracité de la signature constituait un acte authentique au sens du droit tchèque, sa reconnaissance en Autriche relevait de l’article 21, paragraphe 2, de la convention austro-tchèque. Or, étant donné que cette disposition limite la reconnaissance mutuelle aux actes sous seing privé établis par « un tribunal, une autorité administrative ou un notaire autrichien », l’extension de son champ d’application aux actes établis par des avocats tchèques serait non seulement en contradiction avec la lettre de cet article, mais également contraire à la volonté même des parties contractantes.

13.

Saisi d’un pourvoi en Revision introduit par Mme Piringer, l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) considère, en substance, que la convention austro-tchèque n’est pas applicable en l’espèce et émet des doutes quant à la compatibilité avec le droit de l’Union de l’exigence d’une attestation notariale posée par l’article 53, paragraphe 3, du GBG.

14.

Dans ces conditions, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Convient-il d’interpréter l’article 1er, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 77/249, tendant à faciliter l’exercice effectif de la libre prestation des services par les avocats, en ce sens qu’un État membre peut exclure de la libre prestation des services par les avocats l’authentification des signatures sur les documents nécessaires à la création ou au transfert de droits réels immobiliers et réserver l’exercice de cette activité aux notaires ?

2)

Convient-il d’interpréter l’article 56 TFUE en ce sens qu’il ne fait pas obstacle à une...

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