Charlotte Rosselle v Institut national d'assurance maladie-invalidité (INAMI) and Union nationale des mutualités libres (UNM).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2473
Docket NumberC-65/14
Celex Number62014CC0065
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date18 December 2014
62014CC0065

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 18 décembre 2014 ( 1 )

Affaire C‑65/14

Charlotte Rosselle

contre

Institut national d’assurance maladie-invalidité (INAMI) et Union nationale des mutualités libres

[demande de décision préjudicielle formée par le tribunal du travail de Nivelles (Belgique)]

«Politique sociale — Directive 92/85/CEE — Sécurité et santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes — Prestation de maternité pendant le congé de maternité — Période minimale de cotisation de 120 jours de travail sur une période de 6 mois — Interruption — Fonctionnaire titulaire prenant un congé pour convenance personnelle pour commencer à travailler en tant que travailleur salarié — Directive 2006/54/CE — Égalité de traitement entre hommes et femmes au travail»

1.

En droit belge, une travailleuse n’a droit à une prestation de maternité que si, au cours des six mois précédant son congé de maternité, elle a totalisé au moins 120 jours de travail. Mme Rosselle, qui a travaillé en Flandre, a introduit une demande en vue d’obtenir cette prestation. Bien qu’elle ait travaillé depuis plusieurs années, sa demande a été rejetée parce que son statut professionnel avait changé et qu’elle n’avait pas accompli la période minimale de cotisation requise depuis qu’elle avait commencé son nouveau travail. Le tribunal du travail de Nivelles (Belgique) (ci-après la «juridiction de renvoi») cherche maintenant à être éclairé par la Cour sur la manière dont il convient d’interpréter l’article 11, point 4, second alinéa, de la directive sur la maternité ( 2 ), qui prévoit que les États membres ne peuvent en aucun cas exiger à cette fin des périodes de travail préalable supérieures à douze mois immédiatement avant la date présumée de l’accouchement. La juridiction de renvoi demande également si le refus d’accorder à Mme Rosselle une prestation de maternité implique une discrimination fondée sur le sexe et viole ainsi la directive sur l’égalité de traitement ( 3 ). Le présent renvoi préjudiciel fournit par conséquent à la Cour une occasion de clarifier comment s’articulent la protection accordée à la travailleuse enceinte (ou à la travailleuse accouchée ou allaitante) et la protection dont bénéficient les travailleuses contre la discrimination fondée sur le sexe en matière d’emploi et de travail.

Législation

Droit de l’Union européenne

2.

La directive sur la maternité vise à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (article 1er, paragraphe 1).

3.

Le neuvième considérant de cette directive indique que la protection de la sécurité et de la santé de telles travailleuses ne doit pas défavoriser les femmes sur le marché du travail et ne doit pas porter atteinte aux directives en matière d’égalité de traitement entre hommes et femmes.

4.

L’article 2 de la directive sur la maternité définit une «travailleuse enceinte» comme «toute travailleuse enceinte qui informe l’employeur de son état, conformément aux législations et/ou pratiques nationales» et définit, en outre, une «travailleuse accouchée» et une «travailleuse allaitante» comme des travailleuses qui sont considérées comme telles en vertu des législations et/ou pratiques nationales et qui informent leur employeur de leur état, conformément à ces législations et/ou pratiques ( 4 ).

5.

L’article 8 de la directive sur la maternité, intitulé «Congé de maternité», dispose ce qui suit:

«1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les travailleuses au sens de l’article 2 bénéficient d’un congé de maternité d’au moins quatorze semaines continues, réparties avant et/ou après l’accouchement, conformément aux législations et/ou pratiques nationales.

2. Le congé de maternité visé au paragraphe 1 doit inclure un congé de maternité obligatoire d’au moins deux semaines, réparties avant et/ou après l’accouchement, conformément aux législations et/ou pratiques nationales.»

6.

L’article 11 concerne les droits liés au contrat de travail des travailleuses protégées.

7.

En vertu de l’article 11, point 2, tant les droits liés au contrat de travail des travailleuses protégées en congé de maternité que le maintien d’une rémunération et/ou le bénéfice d’une prestation adéquate pour ces travailleuses doivent être assurés. L’article 11, point 3, indique qu’une telle prestation est jugée adéquate «lorsqu’elle assure des revenus au moins équivalents à ceux que recevrait la travailleuse concernée dans le cas d’une interruption de ses activités pour des raisons liées à son état de santé, dans la limite d’un plafond éventuel déterminé par les législations nationales» ( 5 ). En vertu de l’article 11, point 4, les États membres ont la faculté de soumettre le droit à la rémunération ou à cette prestation «à la condition que la travailleuse concernée remplisse les conditions d’ouverture du droit à ces avantages prévues par les législations nationales», mais ces conditions «ne peuvent en aucun cas prévoir des périodes de travail préalable supérieures à douze mois immédiatement avant la date présumée de l’accouchement».

8.

L’objectif de la directive sur l’égalité de traitement, qui est fondée sur l’article 141, paragraphe 3, du traité CE (actuel article 157, paragraphe 3, TFUE) est de garantir l’application du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail, y compris le principe de l’égalité de rémunération pour un même travail ou un travail de même valeur (considérant 4 et article 1er).

9.

Le considérant 23 de cette directive renvoie à la jurisprudence de la Cour selon laquelle un traitement défavorable lié à la grossesse ou à la maternité infligé à une femme constitue une discrimination directe fondée sur le sexe et indique que la directive sur l’égalité de traitement couvre un tel traitement.

10.

Aux fins de la directive sur l’égalité de traitement, il existe une «discrimination directe» dans «la situation dans laquelle une personne est traitée de manière moins favorable en raison de son sexe qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable» [article 2, paragraphe 1, sous a)] et il existe une «discrimination indirecte» dans «la situation dans laquelle une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre désavantagerait particulièrement des personnes d’un sexe par rapport à des personnes de l’autre sexe, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour parvenir à ce but soient appropriés et nécessaires» [article 2, paragraphe 1, sous b)].

11.

En vertu de l’article 2, paragraphe 2, sous c), la discrimination inclut «tout traitement moins favorable d’une femme lié à la grossesse ou au congé de maternité au sens de la directive [sur la maternité]».

12.

L’article 5, qui figure au chapitre 2 du titre II de la directive sur l’égalité de traitement («Égalité de traitement dans les régimes professionnels de sécurité sociale»), dispose ce qui suit:

«Sans préjudice de l’article 4, toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe est proscrite dans les régimes professionnels de sécurité sociale, en particulier en ce qui concerne:

a)

le champ d’application de tels régimes et les conditions d’accès à de tels régimes;

b)

l’obligation de cotiser et le calcul des cotisations;

c)

le calcul des prestations, y compris les majorations dues au titre du conjoint et pour personne à charge, et les conditions de durée et de maintien du droit aux prestations.»

13.

L’article 14, paragraphe 1, qui figure au chapitre 3 du titre II de la directive sur l’égalité de traitement («Égalité de traitement en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail»), dispose notamment ce qui suit:

«Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe est proscrite dans les secteurs public ou privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne:

a)

les conditions d’accès à l’emploi, aux activités non salariées ou au travail, y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d’activité et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle, y compris en matière de promotion;

[…]»

14.

Il est expressément mentionné que la directive sur l’égalité de traitement (voir l’article 28) ne fait pas obstacle aux dispositions relatives à la protection de la femme, notamment en ce qui concerne la grossesse et la maternité, et est sans préjudice des dispositions, entre autres, de la directive sur la maternité ( 6 ).

Droit belge

15.

En vertu de l’article 128 de la loi du 14 juillet 1994 relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités (ci-après la «loi de 1994»), lu en combinaison avec l’article 203 de l’arrêté royal du 3 juillet 1996 portant exécution de la loi de 1994 (ci-après l’«arrêté royal»), le paiement d’une prestation de maternité est soumis, en Belgique, à deux conditions. Premièrement, la travailleuse doit avoir totalisé, au cours des six mois précédant la date d’obtention du droit aux prestations ( 7 ), au moins 120 jours de travail. Deuxièmement, elle doit fournir la preuve que les cotisations de sécurité sociale en rapport avec les prestations ont été effectivement payées pendant cette période.

16.

L’arrêté royal prévoit que les personnes qui, dans la période de 30 jours suivant la date à laquelle prend...

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